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De escritura à écriture
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30 mai 2023

Bonsoir, Quand j'écris je prends du plaisir, mais

20210324_183803

 

Bonsoir,

Quand j'écris je prends du plaisir, mais surtout je suis un fil. ici,simple, je suis ma Vera Lux qui arrive encore à m'ouvrir l'esprit pour décrire des situations et avoir des réflexions pour faire progresser l'histoire. J'espère que cela vous plaira aussi. Bonne 

Vera Lux – 9                         Un ami d’ami                                 

 

1.

                J’ai dormi comme un bébé. Au réveil, mes amours n’étaient plus là, mais à chaque coin du lit, ils ont laissé un œillet, une coupe avec trois pralines – des manons -, un nounours en peluche et une photo de mes trois lascars tout sourire, chacun est en lévitation. Un stud de Fae, sûre. Tianalampa ? Sûrement. Quoi que Whouna pourrait le faire parfaitement. Il maîtrise les quatre éléments – terre, eau, air et feu. Mais il manie d’autres éléments de l’Univers. Je n’en sais pas plus, d’ailleurs, je ne suis pas sûre que j’y comprenne quelque chose, même s’il m’expliquait très bien. Je m’étire longuement. Je me sens… détendue. Tout ce que j’ai vécu avec les Draconite a été très intense. Ils m’envoient des textos et des vidéos. C’est dingue comme ils ont vite appris à user ces artefacts. Bon, OK, avoir Dani qui explique, je comprends mieux. Quoi que moi dans le domaine, c’est tout juste si j’assure un peu. Je touche les cadeaux de mes amours avec tendresse et émotion et ils se posent lentement sur le sol. Je descends les escaliers lentement en baillant constamment. C’est dingue ce que je suis… détendue. Normalement, mon bureau au turbin à part, c’est là que je me sens le plus relax. J’arrive au palier, bifurque vers la cuisine, un autre couloir, un autre palier, puis une sorte de salle de repos avec des tapis au sol et d’autres studs de relaxation et autres, puis un palier et la cuisine. Mais bon sang ! Vont arrêter de me transformer la maison, merde !

 

-          Eh, oh, on arrête tout de suite de toucher à MA MAISON ! Non mais des fois une fois !

 

Clarette arrive en lévitant et me pose un gant de toilette tiède sur le front, puis un essuie moelleux sur les épaules. Elle passe et repasse l’essuie sur mes épaules comme un massage pour les dénouer. Oh, bon sang ! Je suis reconnaissante de son aide, mais c’est pas le moment, merde ! Bon, calmos. Clarette est si vulnérable et si sensible.

 

-          Merci, Clarette, tu es merveilleuse, mais ça va aller. Si, si je t’assure.

 

Je retire le gant de mon front et j’entre enfin dans la cuisine, Clarette toujours en mode masseuse. Leanna est assise dans le giron de Timoti, leurs vêtements sont désordonnés et leurs visages rougis. Faut pas être devin pour savoir ce qu’il faisait. Il me regarde. Je ne veux même pas savoir de quoi j’ai l’air. Clarette continue sa tâche. Elle est tellement tenace… c’est infernal, des fois !

 

-          Euh, désolée, je ne savais pas, mais… euh, bon, c’est… vous allez bien ? Vous avez l’air d’aller super bien en tout cas et je suis très heureuse de vous voir.

 

Leanna et Timoti ont le regard fixé sur Clarette. Leanna me regarde, les yeux écarquillés.

 

-          C’est un essuie, ayauhcozamatl (arc-en-ciel) ?

-          Oh oui, c’est Clarette. Elle est très efficace et très chouette.

 

Clarette tourbillonne dans les airs et fait une profonde révérence. Timoti a un air un peu surpris, ce qui pour lui doit être de la stupéfaction, vu son air énigmatique habituel.

 

-          Clarette était en Enfer avec Lucifer, mais elle a voulu m’accompagner pour être avec moi. Je dois dire que depuis qu’elle est là tout est dans un ordre et une harmonie incroyable.

-          Les Enfers ? Avec Lucifer ?

-          Oui. C’est un type génial ! Je suis très contente de l’avoir rencontré et je crois que nous sommes amis ou quelque chose comme ça.

-          Quelque chose comme ça ?

-          Oui. C’est quand même Lucifer ! Ce n’est pas n’importe qui !

 

Et là Timoti part d’un fou rire incroyable. Je suis totalement abasourdie. Jamais je n’aurais cru le voir un jour dans cet état. Je tourne la tête. Mana est là, il rayonne de plaisir et de joie en voyant son amant. Timoti se calme.

 

-          Clarette !

 

Mana s’approche de celle-ci. Elle s’enroule autour de son torse dans une étreinte improbable. Mana a ce rire lumineux qui m’a tant manqué.

 

-          Tu la connais.

-          Oui. J’ai séjourné quelque temps avec Lucifer à un moment où il n’en menait pas large. Nous avons établi une certaine amitié ensemble.

-          Ah, toi aussi. Cela ne m’étonne pas. Il est génial, hein ?

-          Effectivement, une personne très surprenante et attachante.

 

Je vois Clarette se plier en deux plusieurs fois comme si elle hochait affirmativement de la tête.

 

-          Si je m’attendais à ça ! Ayauhcozamatl (arc-en-ciel), tu me surprendras toujours. Quant à toi…

 

Elle sourit splendidement à Mana avec tellement d’amour et de tendresse.

 

-          Nous allons déjeuner si tu le veux, Lumineuse.

 

Je souris à Mana en hochant la tête. Mon ventre gronde à ce moment-là. Comment sombrer encore plus dans le ridicule ! L’ami de Mana entre dans la pièce.

 

 

 

 

2.

 

            Je regarde l’ami de l’ami de Mana. Il a l’air si… normal… enfin, pas que je considère que les autres soient anormaux, parce que tous, nous sommes uniques et exceptionnel, même si nous n’avons rien d’exceptionnel selon ce que l’on considère communément exceptionnel… euh… j’me comprends ! Tous ceux autour de la table me regarde avec des mines… oh, bon sang, j’ai encore oublié de mettre le pare-feu pensées. Mais bon, je ne peux pas toujours être sur la défensive en me disant qu’il faut que je protège mes pensées, c’est invivable un stud pareil, quoi ! Mana a ce rire si mélodieux qui me fait rire de pur bonheur. Bon sang, comme il m’a manqué !

 

-          Toi de même, ma petite fille. Ton esprit est un pur enchantement pour moi.

-          Je ne veux pas dire, mais je n’aime autant pas.

-          Quoi, hene (petite fille) ?

-          Ben, le stud enchantement… c’est un truc de Fae et bon… je dis pas ça pour Tiana, que je le kiffe vraiment à donf, tu peux me croire, mais… bon les Fae, j’veux pas dir’ ,mais c’est quequ’chos’ que je veux pas être dans leur rayon, quoi ?

 

L’ami d’ami de Mana semble un peu… bizarre. Il est malade ?

 

-          Non, Madame Lux, j’ai simplement un peu de mal avec votre manière d’envisager les choses.

 

Allons bon, un autre genre Draconite. Qu’est-ce que j’ai fait à je sais pas qui, parce que dire Dieu, c’est plus possible pour moi, y’a trop de monde là-haut dans le ciel, je suis plus du tout… donc… qu’est-ce que j’ai fait pour me choper ce type de personnes ? Je veux pas dire qu’ils sont pas biens, c’est pas le cas, mais bon… je commence à me poser des questions ? Je suis un aimant à bizarreries en tous genres ou quoi ?

 

-          Je vous assure, Madame Lux que vous êtes loin de paraître un aimant ?

 

Oh, bon sang ! Je vais faire un arrêt pour me remettre dans le bon sens ! J’en ai besoin.

 

-          Je suis perplexe, Madame Lux. Avez-vous un autre sens dans lequel vous pouvez être ?

 

Glorios se lève, fait une courbette à l’ami d’ami.

-          Je vous prie de nous excusez, cher ami… nous avons une diligence, cela ne prendra que quelques minutes, servez-vous comme bon vous semble…

 

Il m’attrape doucement et avec vélocité, nous amène dans un lieu que je ne connais pas, sauf le transat.

 

-          Où sommes-nous ? C’est mon transat ?

-          Oui, nous en avons mis dans chaque lieu où tu pourrais aller.

-          Ah, OK. Et on fait quoi là ?

-          Je t’extrais de la petite réunion pour t’expliquer quelques petites choses pour que tu sois plus claire vis-à-vis de la situation.

-          Je… j’ai encore fait la honte ?

 

Glorios se couche sur le transat et dans un même mouvement m’étreint dans une douce embrassade…

 

-          Jamais ! Ta sincérité, ta générosité et ton grand cœur font notre fierté et toi toute entière est notre amour. N’en doute jamais ! Ce serait plutôt à nous de te présenter nos excuses pour te mettre dans des situations confondantes et pas si évidentes que cela. Les Outre-Vivant sont difficiles à comprendre, leurs critères, leurs manières, leurs cultures, tout peut être si différent de celle dans laquelle tu vis depuis toujours.

 

Je soupire profondément et m’enroule plus fort contre Glorios. Cela me fait gladaladou comme toujours, mais ce n’est pas le moment. Donc, cou-couche panier les hormones !

 

-          Le son que tu as émis… c’est le nom de l’ami de l’ami de Mana ?

-          Oui. C’est pour cela que nous l’avons laissé comme ami de l’ami qui est en quelque sorte la signification de son nom dans l’idiome…

-          OK ! Parfait, je vois déjà qu’au niveau idiome ça va pas le faire. On va donc laisser Ami de l’ami et c’est bon ! Donc…

-          Donc… l’Ami de l’ami est un Transformer…

-          Attends… tu veux dire comme les voitures qui se transforme en grande… mais il a pas l’air d’une bagnole du tout et même s’il pourrait avoir une belle carrosserie, c’est pas…

-          Mayame, cela signifie qu’il peut se transformer en toutes les formes vivantes et existantes dans l’Univers à plusieurs niveaux, également au niveau génétique…

-          Tu veux dire comme un super Métamorphe, comme Aaron…

-          Non, plus que cela puisqu’il peut vraiment prendre la forme, mais aussi toutes les caractéristiques d’un être vivant ou existant.

-          Comme un clone ?

-          Mieux qu’un clone.

-          Waouh ! Ben, c’est génial ?

-          Cela l’est maintenant, mais il fut un temps où ils abusèrent de cette capacité pour élaborer des exactions et autres crimes dans divers quadrants. Beaucoup d’espèces l’ont au mieux bannis de leur Planète, d’autres les ont exterminés.

-          Un génocide Outre-Vivant ?

-          Quelque chose de cet ordre.

-          C’est dur !

-          Ce qu’ils ont commis l’était plus encore, crois-moi. Nous devons à Mana d’avoir réussi à trouver des compromis satisfaisant pour arrêter le massacre. Des lois règlant en modus-vivandi et existant ont été mises en place. Depuis deux millions d’années, ils sont bien intégrés dans divers quadrants de l’Univers. Ils sont peu nombreux. On compte à ce jour qu’il y aurait 120 millions 687 mille 27 actuellement, disséminés un peu partout.

-          J’aime mieux ça. Le stud génocide et compagnie, très peu pour moi !

-          C’est pour cela que son aura t’a semblé aussi inquiétant…

-          Plutôt ! Il a toute une gamme de couleurs, plus que l’arc-en-ciel et cela fluctue en tous sens, mais de manière harmonieuse, c’est déstabilisant.

-          Cela l’est. Normalement, il ne laisse entrevoir qu’une aura ou deux selon l’être dans lequel ils se transforment.

-          Mais… ils ont quelle forme ?

-          Ils n’en ont plus vraiment. Leur planète d’origine a collapsé voilà bien longtemps et elle n’existe plus. Ils ont dû s’adapter et de là leur transformation. Beaucoup d’espèces les tiennent en haute estime et ils sont de grandes aides dans certaines circonstances.

-          Je comprends mieux, mais… je sers à quoi, là ?

-          Il te l’expliquera mieux que je ne puis le faire.

-          Ok ! Donc…

-          Nous avons un peu de temps pour nous câliner…

-          T’es pas un peu vieux pour ça, l’ancien ?

-          L’ancien ? Ah, coquine… voyons voir de quel bois je me chauffe !

-          De celui que je vais allumer ?

 

Et donc…  Carré multi exponentiel blanc ! Vous ne croyez quand même pas que je vais tout vous raconter, hein ? Ouais, ben, t’as tout faux !

 

 

 

 

3.

           

Quand j’arrive à la maison, j’entends des rires dans la cuisine. Glorios hurle de rire littéralement et je souris. Mon CV d’amour a un rire joyeux qui suscite celui des autres. Rien qu’à l’entendre ma joie monte aux créneaux. J’en avais bien besoin ! Des diligences administratives m’ont littéralement cassé la tête. Pourquoi y a-t-il toujours dans les administrations une crétine ou un crétin qui se la joue « Madame ou Monsieur je-sais-tout » et qui est en fait le dernier maillon de la chaîne ? J’entre dans la cuisine et Glorios, Mikaïl et l’ami de l’ami sont morts de rire. Je les regarde avec plaisir. Je sais que mes deux CV savaient que j’étais là. Ils ont la capacité de me détecter à plusieurs kilomètres à la ronde avant que je n’arrive à la maison.

 

-          Je peux me joindre à l’hilarité générale ?

 

En quelques secondes, je me retrouve assise dans le giron de Mi.

 

-          Avec grand plaisir, mayame.

 

Un baiser profond est déposé sur mes lèvres. Glorios.

 

-          Vous riez de quoi ?

-          … (l’ami de l’ami dont je ne comprends même pas le nom…) nous a rappelé une chose qui m’est arrivé il y a 367 ans.

-          Ah oui, quand même ! C’est plus tout jeune.

-          Cela dépend d’où on se place.

-          Heu, oui, oui, bien sûr ! Vu vos âges canoniques, c’est sans doute récent pour vous.

 

Ils éclatent de rire. La petite humaine a encore dit une connerie ! Mi m’embrasse doucement et tendrement. Je lui caresse la joue. Il est si affectueux.

 

-          A cette époque, une épidémie sévissait. Les morts se multipliaient et la population se clairsemait.  Je me trouvais dans une région en l’actuelle Pologne. Vu la situation, ma bonne santé était plus que suspecte. Il fallait donc y remédier. Je me fis donc mourir. Gregor Storky était mon nom d’alors. J’étais un petit nobliau. Ma mort fut donc honorée comme il se doit. La cérémonie ecclésiastique fut très émotive. J’y assistais avec un déguisement très particulier. Je m’arrangeai les traits faciaux pour être méconnaissable. … était présent. mais il ne me reconnut pas. J’avais eu soin de brouiller mon aura, mes natures et mes essences. Je suis un Maître en la matière…

 

Je ricane bêtement avant de mettre ma main devant ma bouche. Glorios me fait les gros yeux et je ris. Il reprend son récit.

 

-          Il venait d’arriver dans la région. Il me regarda et me demanda alors comment était le mort. Je le regardai avec un regard en dessous et en baissant la voix tout en regardant autour de moi afin que personne ne m’entende. Je commençai à le dépeindre comme une espèce de grand malade à moitié fou et qui souffrait en plus de troubles qui le faisait roter et péter, une vraie torture pour son entourage. J’ajoutai qu’il avait l’habitude d’insulter copieusement tous ceux qui voulait lui parler. … ne pipa mot, mais il semblait un peu perturbé. Il m’accompagna au cimetière sans rien dire, essayant de comprendre pourquoi tout le monde semblait le pleurer sincèrement alors que je venais de le décrire de telle manière. Au cimetière je continuai mezzo voce à le décrire comme un nobliau qui avait des attitudes de plus en plus extravagantes et horrifiantes. Lorsque le cercueil fut enfin mis dans le caveau familial, le cortège retourna vers la cité. … était de plus en plus perplexe en m‘écoutant.

 

« 

-          Mais c’est une terrible personne. Pourquoi lui fait-on de si belles funérailles s’il était ainsi ?

-          Parce qu’il était un très bon amant.                  »

 

… me regarda fixement. Nous étions alors déjà assez loin de la bourgade et il n’y avait plus   personne autour de nous. Je l’avais invité à venir chez moi pour se sustenter et se reposer, puisqu’il venait d’assez loin. Et c’était alors coutume. … s’arrêta et je fis de même. Il me regarda fixement et longuement. Je pris mon visage le plus neutre et serein.

 

 

« 

-          Mais… il n’a pas pu conter fleurette à toutes les femmes de la bourgade ?

-          Oh oui. Et les maris et autres parents en était très fiers ?                         »

 

… m’a regardé fixement, les yeux exorbités. A l’époque le droit de cuisage n’était plus viable et ce ne fut jamais quelque chose d’agréable.

 

« 

 

-          Je ne croyais pas ce peuple réel.                                             » 

 

            J’ai regardé fixement…, puis j’ai éclaté de rire. C’est là qu’il m’a reconnu.  Et de partir dans un fou rire inextinguible et dithyrambique tous trois. Je me joins à eux de bon cœur. C’est tellement… Même si je ne vois pas ce qu’il y a de marrant dans cette histoire. Assister à ses propres funérailles ? Wep, ça doit être vraiment coton, non ?

 

 

4.

 

            Mi et Glo sont partis acheter des affaires pour un projet commun. Je gage que c’est encore une voiture de collection. Je ne vais jamais dans le garage qu’ils ont convertis en une pièce de rénovation ou quelque chose comme ça. Je ne pose plus de questions et surtout, surtout, j’évite d’aller là-bas. J’ai l’impression chaque fois que je m’y suis rendue d’avoir affaire à des Docteur Nimbus double de Docteur Tournesol ayant subi un coup de hyper nova. Donc, je zappe ! L’ami de l’ami, d’après le nom qu’il a toujours, sirote son café avec un plaisir si intense que je commence à me demander si c’est bien du café. Connaissant Mikaïl il y a peu de chance qu’il trafique avec des substances illicites. Il est si… droit et juste. Pas qu’il n’en fournirait pas si les circonstances le demandaient, mais pour le fun ou pour une raison peu juste, il ne le ferait pas. Il est comme un baromètre de justice. L’ami de l’ami finit de boire et soupire de contentement. Je me sens bien avec lui, il dégage quelque chose de serein et de félicité sans rien faire de particulier. C’est surprenant, mais cela ne m’inquiète pas.

 

-          Comment t’appelle-t-on quand tu étais quand tu étais sur Terre ?

-          Au Moyen-Âge, on m’appelait Foulques Grenance.

-          Et combien de temps tu t’es appelé comme ça ?

-          Je m’appelle toujours comme cela.

-          Ah bon ! Donc quoi… 1000 ans…

-          Mille huit cent septante-sept ans, en fait.

-          Ah oui, quand même ! Mais là… Ça va pas le faire !

-          Pas le faire ?

-          Ben oui, ce n’est pas un prénom… normal.

-          Normal ?

-          Oui !  Enfin, actuel si tu veux !

-          Bien sûr.

-          Bon, écoute, faut que tu aies un autre prénom qui fasse normal maintenant. T’as une idée ?

 

Il me regarde un peu confus. J’imagine bien. Changer de prénom après tout ce temps…

 

-          Eh bien, pas vraiment.

-          Bon, ben, on va voir avec Google.

-          Google ?

-          C’est un moteur de recherches sur internet. Viens, je vais te montrer. Normalement c’est Dani qui est le spécialiste, mais Dani commence un nouveau boulot… enfin un premier boulot, parce qu’il a fini ses études, même si je ne savais pas qu’il avait fini, enfin j’aurais dû savoir ça, mais avec tous ces studs à gauche et à droite et même au centre, je perds un peu la tête.

-          Mais… cela ne se peut.

-          Quoi ?

-          Eh bien perdre la tête.

-          Non, non, c’est une métaphore, je ne vais pas me faire une Révolution Française avec guillotine incluse, quoi !

 

Il fronce les sourcils. J’ai encore raté l’occasion de me taire. J’ouvre un ordi portable qui se trouve dans le vestibule qui semble avoir triplé de volume – surtout faire comme si de rien n’était ! – l’ouvre, pousse sur plusieurs endroits qui me donne accès à des sites via internet et lui montre. Je place ma demande de recherche dans le petit encart rectangulaire et les recherches arrivent sur des centaines voire des milliers de page web. L’ami de l’ami se penche en avant, très intéressé. Je pousse sur certains sites, les referment, puis trouve finalement un qui semble prometteur et utile. Je fais défiler une série de prénom que l’on utilise actuellement et il pointe un doigt sur l’un d’eux. Je suis un peu surpris. C’est un prénom si commun…

 

-          Jean ?

-          Oui.

-          Tu es sûr ?

-          Pose-t-il un problème ?

-          Non, non. C’est juste un prénom très utilisé.

-          Alors, c’est bien.

-          Oui, bien sûr.

 

C’est donc fait, un nouveau prénom pour s’insérer dans une nouvelle époque. On va voir le reste. L’ami de l’ami… enfin Jean… sourit amplement, ravi de son nouveau prénom. Cela me réjouit aussi. Glo et Mi entrent dans le salon où je nous ai menés. Ils discutent ferme sur des… enjoliveurs ? J’en étais sûre ! On pourrait croire qu’à leur âge ils ne se passionneraient pas comme cela pour des… bagnoles ! Ben non ! Pire que des gosses !

 

 

 

 

5.

 

            Je tourne tournicoti-tournicota et je ne sais toujours pas quoi faire. Je relève la tête et mes deux CV sont là à me fixer. Je sais. J’avais commencé à me déshabiller et j‘ai réussi à enlever ma jupe, mon t-shirt, puis j’ai dégrafé mon soutien, mais j’avais une idée et je me suis arrêtée, donc j’ai commencé à virer d’un coin à l’autre en réfléchissant, mais au plus je vais d’un bout à l’autre, au moins c’est clair.

 

-          Quoi ?

 

Ils sont statiques en fixant quelque chose sur moi. Oh lala… c’est juste un bout de sein découvert. Pas de quoi fouetter un chat, quoi !

 

-          Ben quoi, c’est juste un bout de sein découvert ! C’est pas comme si vous ne l’aviez jamais vu un, quoi. Vu vos âges…

 

Ils me sourient avec ce petit air de deux airs du côté de chez coquin-canaillou et je file à toute allure, c’est-à-dire à l’allure d’un escargot en goguette, dans le lit et m’enfouie sous les couvertures. Je ne sais pas comment ils ont fait, mais en moins de deux, je suis nue et… carré XXXXXLLLLL. Ne vais pas tout vous dire, quoi, merde ! Une heure plus tard… quoi, encore ! Oui, une heure, y’a un problème, p’t’être, hein ? Donc… une heure plus tard et dix minutes, je suis devant la table de la cuisine et Mikaïl me prépare un… déjeuner ou un goûter… ou… bon un stud reconstituant qui sent… oh, mes aïeux, un vrai festin visuel, auditif, odorant et bientôt goûteux. Et donc… je ne vous dis pas ! D’abord, parce que j’ai la bouche pleine, ensuite, parce que j’ai les idées au ras de la fourchette et enfin, parce que… oh, c’est si bon ! Je termine de saucer mon plat avec un pain que Mikaïl vient de confectionner ce matin. Il s’est remis au pain fabrication maison et je serais la dernière à le lui reprocher. Sans vouloir vexer personne, c’est nettement meilleur made in home ! Je souris amplement à mon amour et à Glorios aussi, du coup, je suis dans son giron. L’a pas beaucoup besoin pour me prendre contre lui, mon Glo !

 

-          Maintenant que tu t’es rassasiée… Que se passe-t-il ?

 

Je les regarde fixement très étonnée.

 

-          Vous ne le savez pas ? Via intra cerveaux et tout ça…

-          Non. Nous avons demandé à… qui nous a aidés à déconnecter nos liens intimes, sauf si cela est nécessaire. Comme par exemple, si tu es en danger ou si tu as besoin de nous.

-          Jean.

-          Pardon ?

-          Jean. Je lui ai demandé comment on l’appelait au Moyen-Âge et… ça n’allait pas le faire, alors j’ai été sur Google et il a choisi ce prénom.

 

Ils échangent un de ces regards qui me disent qu’ils ont une conversation intra-cerveaux. Mais je ne vois pas ce que j’ai pu dire pour qu’ils se parlent en privé.

 

-          Que se passe-t-il ?

 

Ils se jettent un autre regard significatif.

 

-          Il a choisi Jean.

-          Oui, c’est ce que j’ai dit.

-          Ce n’est pas un hasard.

 

Je ne dis rien. C’est quoi le rapport ?

 

-          Il a pris ce prénom en honneur de son meilleur ami qui est mort voilà bien longtemps.

-          Ben, c’est tof, non ?

 

Ils se rejettent un autre regard.

 

-          Bon, allez, accouchez, parce que ça devient vachement chelou votre échange d’œillade !

 

Glorios m’embrasse et me regarde ne souriant et ça me fait gladaladou partout, mais…

 

-          Jean était son presque frère. Ils ont échangé leur existence et leurs sentiments. C’était une union d’âme et c’était merveilleux de les voir. Puis jean est décédé. Il avait près de nonante ans et le portait bien, mais il était humain et il ne pouvait acquérir plus d’énergie vitale. Pour l’époque, c’était un âge très long. Quand il est mort, ..., enfin Jean puisque c’est son nouveau patronyme, a failli se dissoudre dans l’univers. Deux de sa famille élargie, comme vous dîtes sur Terre, est arrivé et l’ont aidé à se stabiliser. Cela a duré un siècle.

-          Un siècle ? Enfin, pour vous, c’est peut-être rien, mais pour moi…

-          Nous imaginons bien, mayame… Mais c’est juste le temps suffisant pour eux pour se stabiliser.

 

Le pauvre ! Je comprends mieux pourquoi il a insisté. Je n’aurais pas dû lui…

 

-          Non, Ma douce, ne te reproche rien. Tes intentions n’étaient pas mauvaises et tu n’as rien fait que de très normal. Tu as même fait plus, tu lui as permis de choisir un nom pour honorer la mémoire de son âme sœur décédée.

 

Mikaïl me prend contre lui et je les aime plus que jamais. Je les serre contre moi avec force et émotion. Ils sont si… si… si, quoi ! Nous nous lâchons et reprenons nos sièges.

 

-          Et maintenant si tu nous disais ce qu’il en est ?

 

 

 

 

6.

 

            Quand je rentre dans notre chambre, je sursaute violemment. Ned est là en lévitation transcendantale. Ned est un Gardien de Mort à travers la Vie. C’est un Passeur de Lumière. Et il y avait longtemps que je n’avais plus eu de contact avec lui.

 

-          Bon sang ! Mais que fais-tu là ? Et… n’y a-t-il pas un système pour éviter toute intrusion intempestive ici ?

-          Je ne suis pas comme tout le monde !

-          Tu ne vas pas me la jouer sur ce ton-là, d’abord !

-          Il y a une éternité que nous ne communiquons pas ensemble !

-          N’exagère pas. Cela fait…

 

Je réfléchis intensément.

 

-          Tu as raison, ça fait un bail !

-          Ah, tu vois !

-          Oui, mais ça ne me dit toujours pas ce que tu fais ici ! Et dans notre chambre à coucher en plus !

 

Il lévite dans la chambre sans me regarder. Il vaut mieux, je suis en tenue des plus légères ! Autrement dit, pratiquement à poil ! Pour lui, ça n’a pas d’importance, mais pour moi… Un soir, je me trouvais dans ma salle de bain et il est soudain apparu. J’ai poussé le typique cri des demoiselles en détresse avant de lui hurler de dégager et de fermer les yeux ! Il m’a regardé fixement.

 

-          Nous ne sommes plus sensibles à vos essences corporelles.

 

Je l’ai regardé fixement à mon tour. J’ai retiré mon essuie que je tenais à bout de bras devant moi depuis son arrivée intempestive dans la place.

 

-          Tant mieux alors, j’aime autant être à poil dans ma salle-de-bain !

 

Je reviens à l’instant présent. Ned oscille en lévitation dans la chambre d’un air pensif. Je m’assois sur le lit.

 

-          Que se passe-t-il ? Pourquoi es-tu réellement là ?

 

Il s’installe à mes côtés en flottaison aérienne.

 

-          Ça fait longtemps que tu n’es pas avec moi et…

-          Et ?

-          Si vous n’êtes plus connecté avec nous en mémoire ou comme nous… Nous disparaissons.

 

Son ton est si désolé et si désemparé. J’étire mon bras et entoure sa présence lumineuse et vaguement humanoïde à hauteur de ce qui devait être sa taille.  Vivant ou mort si un être n’est plus présent chez un vivant, c’est comme s’il n’existe plus et n’avait plus de consistance vivante. Finalement remémorer un être, c’est lui donner un espace vivant ou existant, Mes amours entrent, nous regardent et s’alignent contre les murs comme de magnifiques sentinelles. De quoi ? Pour qui ou pour quoi ? Le temps passe jusqu’à ce que Ned s’évanouisse dans les airs. Je regarde mes amours et leur dédie une moue et un froncement de sourcils dubitatif.

 

-          Il se sent un peu seul et il est venu me rendre visite.

 

Ils hochent la tête à l’unisson tout en se détachant des murs et en me cernant lentement. Ils m’incitent à m’étendre sur le lit et… carré immense blanc. En clair, ça ne vous regarde pas, quoi !

 

 

 

 

7.

 

Je suis vannée. Mana et Timoti devaient partir. Je n’ai pas vraiment vu Leanna. J’ai à peine parlé avec Mana et Timoti. Ils étaient quasiment de passage et semblaient occupé à des tâches précises. Ce qui m’étonne un peu, du haut de mon âge humain, autrement dit court, extrêmement court, et de mon époque qui est dans un activisme effréné, c’est que les Outre-Vivant soient toujours sur la touche avec des tas de projets, d’actes et d’affaires en court. On pourrait croire qu’avoir l’intemporalité comme horizon donnerait plus de farniente à ceux-ci, mais ce n’est pas le cas. Comme si s’occuper dépendait de qui sont les gens et pas du temps qu’ils ont. Cela m’impressionne. Si j’avais tout le temps du monde devant moi, je… en fait… je pense que je ferais de même que maintenant. C’est évident. C’est le contenant de ma vie qui compte, pas le temps que je passe en vivant. On dit : passe-temps. Quelle horreur. Jamais je ne vais passer du temps, c’est occupé mon temps que je veux et surtout le vivre. Je ne pense pas souvent au temps. Enfin, pas depuis que je suis avec mes amours. Finalement, ça n’a pas tellement d’importance qu’ils soient si âgés, ce qui compte est qui ils sont.

On a fait une petite fête avec eux. Timoti et Mana et une bonne soixantaine d’invités, surtout des Outre-Vivant. D’après ce que j’ai compris, ils se sont déplacés pour voir et être avec Mana et Timoti. Je ne sais pas comment ils font, mais fiesta c’est le mot d’ordre et ils n’ont aucun souci à en préparer une pour n’importe quelle occasion. La fête a duré huit heures trente-huit minutes. Vraiment pas longtemps pour les O-V. Une fête normale pour eux est dix-huit heures d’affilé. Ils sont increvables. La dernière en date – je ne me souviens plus à quelle occasion, mais comme toute occasion est bonne, alors…- je me suis écroulée après dix heure trente dans un fauteuil qu’on avait reculé dans un coin d’une pièce qui avait augmenté de volume. Je me suis réveillée douze heures plus tard dans mon lit. Je ne m’inquiète jamais pour moi, l’un de mes amours, voire les trois, se préoccupe toujours de moi. Je ne vous explique même pas comment ça s’est passé ! C’était à la fois l’allégresse et aussi une sorte de révérence vis-à-vis de Mana. C’est quelqu’un de très important parmi les O-V. Ils l’aiment vraiment avec ferveur et aussi une considération que l’on a pour des personnes comme Mana. C’est à la fois leur père et aussi leur mentor. Mana est si discret et si puissant. Je l’aime aussi, mais comme un père point de vue humain. Pour les O-V, Mana est plus qu’un père, une sorte de Patriarche, mais version O-V. Difficile de donner une comparaison qui a tout le sens que cela en a pour eux. La surprise a été pour moi de sentir et de voir combien Timoti compte pour eux et combien ils l’admirent et le vénèrent aussi d’une certaine manière. Cela m’a paru étrange et merveilleux. Je ne me souviens plus comment la fête a fini. J’ai ouvert un œil et j’étais contre Glorios, nos membres enchevêtrés. C’était si bon.

 

 

 

 

8.

 

            Avez-vous déjà vu un visage ébahi et béat ? Oui, non, je ne sais pas ! Je dois quoi, cocher le mot ? Jean a cet air-là. Avec un petit quelque chose qui doit être de son fait et de sa nature. Eh bien, mon cochon, ce n’est pas banal. Attendez, je vais rembobiner. Après la soirée assez mémorable pour fêter d’être ensemble et un réveil des plus… carré hypra grand… je suis arrivée dans la cuisine qui avait encore changé de mesures. Au départ, la cuisine mesurait comme une cuisine d’une maison entre prolo et bourgeoisie et maintenant, c’est… je ne sais pas trop… une cantine ? Un réfectoire ? Une cuisine du temps du Moyen-Age dans un château ? Cocher ce qui vous parle le plus. Et mes petits CV étaient là avec Jean. Ils hurlaient littéralement de rire et je commence à me demander si Jean n’est pas ce qu’on appelait antan un joyeux drille. C’est bien simple, ils ne m’ont même pas calculé. Sur le moment, j’étais plutôt vexée jusqu’à ce que Mikaïl, dans un mouvement si véloce que je n’ai pas pu le voir, m’attrape et m’attire dans son giron en me cajolant. Du coup, j’étais de la guimauve, mais…. Je m’égare. Donc après quelques trente minutes et un petit déj super succulent à la Mikaïl, nous avons décidé de faire un tour en ville, histoire de montrer la capitale actuelle. D’après lui, il serait passé ici vers 1550, donc, j’imagine qu’il allait la trouver changer. Pardon… Où état-il pendant tout ce temps ? Mais j’vous en pose des questions, moi ? C’culot, alors ! Donc… après douche, habillement… carré mini géant et… d’autres petites choses qui n’ont aucun intérêt pour vous… si, si je vous assure… nous avons pris le van de Glorios. Depuis quand il a un van ? Question oiseuse, sans importance. Donc on part sous le climat belge dans toute sa splendeur vers la ville. Les embouteillages façon hoquets se multiplient le long du trajet et Jean ne parle plus. Il ouvre les yeux tout grands et ça ne s’arrête plus. Nous nous garons dans un parking qui pue la pollution et les gaz d’échappement à tout berzingue. Jean arrête de respirer,  chose que son espèce peut faire à volonté, ce qui leur permet d’aller dans plusieurs quadrants de l’univers et des multitudes d’autres planètes. Quand nous sortons à l’air libre, il inspire profondément avant d’arrêter de respirer à nouveau. Je comprends. Je ferais de même si je pouvais. La capitale est pénible à ces niveaux. Et d’autres… Et là… là… là… ben, il a pris cet air. Un air de… je ne saurais dire. Il ne pipait mot. Je crois qu’il était en choc. Notez, je reviendrais après plus de cinq siècles, je serais comme lui, sur le cul, quoi !  On a fait le tour du centre-ville, autour de la Grand-Place et il reconnaissait l’un ou l’autre détail ici et là, vraiment presque rien. Dans l’ensemble les bâtiments étaient très différents, tellement qu’il avait du mal à les reconnaître. On a fini le tour, sous une pluie fine et froide.

 

-          Le climat n’a pas beaucoup changé. Il pleuvait déjà pas mal à l’époque.

-          Y’a vraiment des choses qui changent jamais.

 

Jean me regarde et mes deux CV me sourient d’un air railleur. J’vous jur’ bien des fois, une fois.

 

-          Effectivement. En bien et en mal.

 

Je fais la moue et souris légèrement à Jean. Nous nous retrouvons devant Le Roi d’Espagne, un bar-taverne- restaurant où j‘ai toujours eu mes habitudes. Moi et une partie de mes amis et famille. Un détour obligé, en quelque sorte. Nous décidons d’y bruncher. Bon, OK, déjeuner. Je suis d’accord, trop d’anglicisme partout. Mais comment faire autrement ? Je ne suis pas puriste et les mots… restent des mots. Et là… il décide de prendre des moules-frites-steak-carbonnades flamandes-waterzooï et hamburger triple avec fromage et supplément d’oignons tout ça en même temps. Je n’avais pas la mâchoire qui se décrochait, j’avais les yeux qui sortaient de leurs orbites. Et mes CV trouvaient ça normal. Ben voyons. Je ne vous dis même pas comment était la suite, autrement dit, les desserts. Et il a trouvé tout ça très bon. Sauf les sauces qu’il a trouvées un peu spécial. Tu m’étonnes ! Et il a eu encore à notre sortie un petit coup d’estomac pour une gaufre liégeoise, vu qu’il en avait pris une de Bruxelles dans la combinaison desserts qu’il a engloutis au resto. Ces O-V vont finir par me rendre chèvre et ce ne sera pas, parce que j’aurais viré Métamorphe. D’ailleurs ça existe des méta-chèvres ? Question en suspens. On a fini à La Lunette, près de la place de la Monnaie. Il s’est enfilé deux bières, spécialité de la maison. En principe avec une on est un peu à l’ouest, mais pas lui. Il a un métabolisme très compatible avec tous les métabolismes existants. J’imagine que ça doit aider quand on est un globe-trotteur universel comme l’est son espèce. Puis, on est rentré ! Re-embouteillage, mais semi-nocturne cette fois-ci et ensommeillement de Jean. Là, je comprends complètement.

 

 

 

 

9.

 

            - Alors, tes impressions ?

 

Nous sommes devant un goûter que Mi nous a concoctés. C’est vrai que le repas pantagruélique que nous avons fait, enfin surtout Jean, il en fallait bien un à notre retour et après les embouteillages en forme d’accordéon qu’on vient de vivre. Une heure et quinze minutes pour revenir at home, 50 minutes de trop par rapport aux kilomètres nous séparant du centre-ville.

 

-          Moins terreux que lorsque j’étais ici. Et boueux ! Moins de monde, quoiqu’une capitale a toujours du monde et à l’époque trainer dehors était ce qui se faisait le plus… et moins de pollution et… pas mal de tavernes ou de bouges… c’était aussi plus verdoyant, plus de forêts, de bois…  enfin, rien à voir avec ce que j’ai vu et observé et… je ne suis pas certain d’apprécier cette ville comme elle est aujourd’hui…

-          Mais… où étiez-vous durant tous ces siècles ?

 

Merde, merde, merde ! Je ne voulais pas, mais… curiosité oblige ! Mikaïl et Glorios, John est reparti chez son oncle pour des histoires de meutes locales et il semble que l’air du temps n’aide pas, d’après lui. J’aimerais donner une explication cohérente à ce qu’il dit, mais ce n’est pas le cas. Les règles des meutes qui sont aussi régies par les lois de la région dans laquelle ils vivent et le pays aussi, bien sûr. Rien de nouveau sous n’importe quel climat ! Mes deux CV se rencognent sur leur siège dans une pose relâchée. Bien sûr, ils sont à la fête, la petite humaine a encore fait des siennes. Ils ont un rire discret et étouffé. Jean me sourit gentiment après avoir lancé un regard aigu et comminatoire à mes loustics. Ils reprennent un air plus sérieux et faussement discret. Mais je les connais mes lascars et ils perdent rien pour attendre. Je les sens se marrer intérieurement. Un rien les amuse et dans ce rien, il y a moi. Je le sais très bien ! Je lui souris et je fais la moue en forme d’excuses. Il me sourit, rassurant.

 

-          J’ai pris deux siècles pour aller dans d’autres quadrants et trois à peu près en stase.

 

En stase ? Il va me répondre, je ne l’ai que penser, pourtant, donc…

 

-          La stase est un état que notre nature requiert et qui peut se dérouler autant de temps que nous considérons nécessaire. La plupart du temps, notre espèce peut se reposer, puisqu’il peut devenir ce qu’il veut. Nous sommes d’essence métamorphique à tous les niveaux. Y compris l’inanimé.

-          Comme un meuble ?

-          Oui.

-           Super chelou.

-          Chelou ?

-          C’est un mot qui veut dire que quelque chose est zarbi.

-          Zarbi ?

-          Je veux dire que c’est un mot qui veut dire bizarre, étrange.

-          Ah, je comprends mieux. J’imagine que pour vous cette capacité est… chelou.

-          Oui, sûrement.

-          Et donc, tu es près à découvrir ce nouveau monde que tu as perdu de vue durant presque 3 siècles ?

-          Plus que près, mais… j’ai quelques doutes, même si tu seras une guide exceptionnelle, j’en suis certain.

 

Et il me fait un baisemain à l’ancienne. Il a vraiment manqué trois siècles. Mes CV sont hilares et moi je commence à la trouver saumâtre. Il me faut que CA pour péter un câble. Nous mangeons un peu puis nous buvons et le moment énervant se dissous dans les anecdotes qu’ils content à tour de rôles. Elles datent un peu, pour sûr, mais ce sont de fins conteurs et ça aide pas mal à passer le temps écoulé de ces moments.

 

 

 

 

10.

 

            Jean regarde en l’air. Je ne sais même pas comment il peut être dans cette position… pas que je n’ai pas vu mes CV d’amour et d’autres V et d’autres Métas être dans des positions improbables qui… en fait, rien de surprenant pour les O-V. Ils sont très flexibles et… mais là… il va se casser la nuque… je crois. Bon, d’accord, je comprends que le monument soit… monumental. Parce qu’il l’est assurément. L’Atomium. Vous voyez ? C’est le bidule avec pleins de boules qui représente un atome de fer. Enfin, il parait que c’est ça, parce que en fait, faut presque être scientifique soi-même et ingénieur par-dessus le marché, pour savoir exactement ce qu’ils ont voulu représenter. C’est vraiment… bref, impressionnant. Et vu comment Jean voit la chose, enfin le bidule… la structure, le truc qui donne les boules… désolé, vanne pourrie… on se rend compte qu’au moins il réussit son coup, les gens sont baba devant lui. Même si on n’est pas très intéressé pour voir des lieux comme celui-là, vu comment Jean le regarde, je comprends mieux. J’ose même pas imaginer si on l’emmène voir la Tour Eiffel et d’autres monuments du genre. A son époque les cathédrales étaient vraiment les édifices les plus grands et sculpturaux. Pour en avoir visiter quelques-uns, là, je suis vraiment impressionnée.

 

-          Et c’est censé représenter quoi ?

 

Jean a repris une pose plus détendue et nous regarde successivement. Et Mikaïl s’y met. Ça ne m’étonne pas, c’est une encyclopédie sur patte et je pèse mes mots. Je décroche après deux secondes. J’entends juste : structure… jusque-là, ça va. Puis : cristalline – cubique centrée – lithium, sodium, potassium –rubidium (c’est quoi ça ?) baryum – maille élément           aire et je sais pas tout quoi encore. Jean le regarde fixement en plissant les yeux et en fronçant les sourcils. Sa mine devient de plus en plus obscure à mesure que Mikaïl déploie avec maestria tout son savoir. Je suis aussi larguée que lui, sauf que je suis de cette époque. Glorios a ce petit sourire qui me fait gladaladou comme toujours, mais qui ne me dis rien qui vaille. Le connaissant, tout cela doit le réjouir au plus haut point.

 

-          Qu’est-ce qu’est un atome ?

 

Nous le regardons. De toute cette explication presque doctorale, c’est tout ce qu’il a retenu ? Notez… c’est peut-être le seul mot qui est adéquat. Mikaïl se remets au plus vite.

 

-          Un atome est…

 

Et le voilà à expliquer de long en large ce que c’est tout en l’insérant dans un ensemble plus vaste, puisqu’à son époque l’infiniment petit et l’infiniment grand n’étaient pas encore d’actualité et même si ça avait été le cas, il y a des chances qu’il n’aurait rien compris. L’instruction n’était vraiment pas une affaire publique. Et même s’il est un… ce qu’il est par nature… je doute qu’il ait des notions nécessaires pour entendre notre société. Leurs éléments vitaux chez eux doivent être différents. Je présume. Jean a suivi patiemment et avec concentration extrême ce que Mikaïl vient d’expliquer. Même moi, j’ai ouvert en grand mes esgourdes, même si je sais que j’ai sans doute pas capté grand-chose.

 

-          Donc un atome c’est une infime partie de la constitution de tout élément physique.

-          En gros, c’est ça.

-          Et donc le gros tas de ferraille au-dessus de nos têtes est constitués de millions d’atomes.

-          Oui.

-          Et il représente une infinité d’atomes à échelle gigantesque.

-          T’as tout compris, mon ami.

 

Et Jean lève la main pour faire un check five avec Mi. J’en reste comme deux ronds de flan. Dani est passé par là. Mais… quand ? Et pourquoi ce petit garnement n’a pas été embrassé comme il se doit sa maman putative ?

 

-          Mais… quand as-tu vu Dani ?

-          Il est passé cette nuit quand tu végétais dans ton bain.

 

Je rougis de partout, alors que Jean me regarde en écarquillant des yeux.

 

-          Tu as une nature sirène ?

 

Et voilà ya Glo qui est plié en quatre littéralement. Je le savais. Il m’agace à un point…

 

-          Non, non, c’est une expression pour expliquer que je me prélassais beaucoup dans l’eau de mon bain.

 

Il fronce les sourcils.

 

-          Un bain, c’est cette cuve que vous remplissez d’eau ?

-          C’est cela.

 

Il hoche la tête avec conviction. Les bains existaient à son époque, je crois. Mikaïl donne une énorme tape sur le bras de Glorios qui le fait décoller du sol sur plusieurs mètres. C’est un peu excessif, mais… je ne peux pas lui donner tort. Glo… c’est un… enfin, il peut être… Et le pire, Glorios se met à léviter à niveau de la dernière boule à laquelle il s’accroche. On va finir sur Facebook ou ailleurs et ça va être la cata !

 

-          Il est invisible pour tout le monde sauf les Outre-Vivant.

-          Je ne suis pas une Outre-Vivant.

-          Tu as un peu de notre sang dans ton système sanguin, c’est suffisant.

 

Je regarde Mi avec surprise, même si je m’en doutais un peu. Ils vont finir par me rendre chèvre. Glorios redescend de sa boule en virevoltant sur chacune d’elle. J’ai vraiment les boules, là !

 

 

 

 

 

11.

           

            Je suis de retour du turbin. Je dois dire que Mirabelle, normalement, ma chef de service en congé à durée indéterminé, a l’art de me surprendre. Cela faisait deux heures que j’étais à ma tâche lorsqu’elle est arrivée en coup de vent. Elle s’est dévêtue en posant son manteau n’importe où. Cela me donne une première indication… elle n’est pas bien encore. Puis elle s’est mise à tourner en rond durant une ou deux minutes en soliloquant sur des tas de choses et de faits que je ne saisis pas. En fait, je ne suis pas certaine de l’avoir compris un jour. Mais là… Puis, alors qu’elle s’était enfin assise que je pensais qu’elle allait mieux, ou du moins, plus posée, voilà qu’elle se lève d’un bond et se met à gémir.

 

-          Je n’y arrive pas. Je pensais, j’ai vraiment cru… Mais… je l’avais dit à mon thérapeute, mais elle m’a dit que je pouvais le tenter et je l’ai fait, parce que…

 

Elle trébuche en allant vers la porte. Je me précipite pour la soutenir, tout en prenant sa besace – mais y a quoi dans son sac à main ? – et sa veste en cuir ¾ qui pèse aussi son poids et cahin-caha nous allons vers la sortie du bâtiment. Heureusement qu’à cette heure-là il n’y a personnes dans les couloirs, une bonne chose, je ne veux même pas savoir de quoi on a l’air. Mirabelle a une tête et demie de plus que moi et elle pèse pas mal. Tout ceci est…Nous sommes devant la grande porte vitrée.

 

-          Ma chère Vera, j’ai vraiment voulu venir… je me disais que je ne pouvais pas te laisser face au service, mais maintenant, je me dis que tu es la seule qui peut tenir à bout de bras et de gérer le bureau. Tu es… ne laisse personne dire ou penser de toi que tu n’es pas celle que tu es ! Tu es et toujours sera. Prends bien soin du bureau, c’est la plus belle partie de ma vie.

 

Elle prend sa veste et son sac, redresse les épaules comme si elle reprenait du poil de la bête, ouvre la porte - qui normalement devrait coulisser électriquement – et sort, royale et désinvolte. Que je suis la seule à gérer le bureau ? Ben oui, je suis même la seule maintenant, responsable et employée. Et d’après ce que je sais, personne ne postule pour travailler ici. Je comprends, c’est si délicieusement banal, routinier, habituel et d’un ennui indécrottable. Le bonheur ! Si, si, je vous assure. Le bureau est devenu le havre de paix et de sérénité obligé dans lequel je me réfugie. Vous pensez sans doute qu’avoir une vie trépidante et toujours en imprévu est génial, ben on fait l’échange, vous allez voir comme c’est… vraiment, vous n’avez pas idée ! Et je ne dis pas que ma vie est un enfer… enfin, ça dépend quand je suis avec Lucifer, mais je ne suis pas toujours avec lui, même si je l’aime vraiment, c’est un chouette pei… sorry ! Je m’égare ! Mais je vous jure bien qu’y’a des jours…

 

-          Bonjour !

 

 Une jeune fille d’un âge indéterminé habillé comme une jeune me regarde avec… une étrange lueur dans les yeux. Je fais une petite grimace.

 

-          Bonjour, puis-je vous aider ?

-          Oui… enfin, je crois. Je suis venue pour vous voir et apprendre de vous et…

 

Ah, j’ai peut–être parlé trop vite en disant que personne ne voulait travailler ici. Je n’ai pas fini de penser cela que Mi et Glo se mettent devant moi. Je n’écarquille plus des yeux. C’est dire.

 

-          Yanata…

-          C’est lui qui vous envoie ? C’est toujours la même chose. Il sait combien je veux rencontrer Vera et c’est…

-          Quelqu’un peut expliquer qui est « il » et ce qui se passe ?

 

Mi se tourne vers moi, mais c’est Glorios qui s’enroule pratiquement autour de moi et cela me fait gladaladou partout comme d’habitude, mais… ce n’est pas le moment !

 

-          Alors ?

-          C’est Yanata, une de ses petites-filles directes de Tianalampa.

-          Oui ? Quel est le problème ?

-          Tiana lui a demandé de ne pas t’approcher, mais comme tu es son idole…

-          Quoi ? Répètes cela pour voir ?

-          Si nous nous asseyons ?

-          Non ! Je veux d’abord que tu m’expliques…

-          Tu es devenue une idole et une légende pour les Faes et parmi la majorité des Outre-Vivants.

-          Et c’est à ce moment-là que l’héroïne se laisse tomber sur un siège, la main sur le front et désirant une bouteille d’alcool pour se troncher la gueule…

 

J’entends un gloussement harmonieux.

 

-          Waouh ! J’veux qu’vous m’appreniez à être comme vous Madame Vera !

 

Je contourne mes amours qui présentent un visage de marbre. Ça m’aurait étonné aussi. Je me dirige vers Yanata, puisque c’est son nom.

 

-          Je ne sais pas pourquoi mes amours ont désiré venir à mon secours. Je sais que tu es Fae et c’est sa          ns doute pourquoi ils sont ici. Tu veux me faire du mal, Yanata ?

 

Yanata se lance en avant, se jette contre moi et m’entoure de ses bras minces.

 

-          Non, non, non, non… Jamais ! Vous êtes merveilleuse et je veux être comme vous.

 

Elle lève son visage vers moi et je me demande comment j‘ai fait pour ne pas remarquer ses yeux et cette beauté surnaturelle. Sans doute, sa jeunesse…

 

-          Bien ! Nous allons prévenir ton grand-père que tu seras chez nous pour dîner et sans doute… mais dis-moi, vas-tu à l’école ?

-          Non… je suis trop âgée.

-          Trop âgée ?

-          Oui, j’ai deux cent septante-sept mille ans.

-          Ah, bien sûr… donc on va le prévenir et tu viens à la maison. On sera mieux pour que nous parlions.

 

Elle me serre plus encore. Elle est plutôt petite pour son âge, mais bon je n’ai pas toutes les données pour savoir comment sont les Faes. Mes amours s’approchent de nous. Leurs regards me prouvent tout ce qu’ils sentent pour moi. Alors tout est bien.

 

 

 

 

12.

 

            Nous sommes rentrés. Yanata voulait parler, mais j’ai levé la main et elle s’est tu. Vaut mieux. Une Vandermeulemans qui ziever c’est bien assez pour une matinée ! Alors une Yanata et Fae, c’est un plus de trop. Glo et Mi n’ont rien dit depuis leur arrivée fracassante. J’aime mieux et ils ne perdent rien pour attendre ! Mon Bureau, c’est mon bureau et donc, on n’y entre pas comme dans un moulin.

Nous arrivons et garons la voiture dans le garage. Je fronce les sourcils. C’est pas… on a touché au garage… je veux pas savoir. Nous entrons dans le salon… enfin un des salons… depuis quelques mois nous possédons plusieurs salons et d’autres dépendances dont je ne sais pas grand-chose et si ça tient à moi, ça va rester comme cela. Jean est par terre comme une crêpe. Bon sang ! Pourquoi l’a-t-on laissé tout seul ici ? Je me précipite pour le relever, quand je m’arrête d’un coup.

 

-          Whouna ? C’est toi ? Tu es… resplendissant et… c’est quoi cette tenue ? Non, me dit rien, c’est Dani, hein ? Il te fait passer pour un élève lambda ou un truc du genre et donc tu dois avoir l’air jeune… Donc ?

-          Très chère Vera…

 

Il s’avance vers moi et me donne l’accolade. Puis il revient à la place où je l’ai trouvé. Il brille moins, ce qui me rassure.

 

-          Bon, oui, OK, mais tu peux m ‘expliquer ce binz ? Quelqu’un peut m’expliquer ?

 

Je m’accroupis près de Jean qui est toujours couché, face contre terre.

 

-          Je ne m’attenda           is pas à trouver…

 

Il émet un son que je reconnais comme son vrai nom.

 

-          Il est loin de sa planète d’origine. Je le connais depuis très longtemps. Je suis arrivé sur sa planète et…

-          Il était notre Dieu.

 

Je regarde Jean qui se relève et époussète son vêtement. Une sorte de robe ample avec un dégradé de couleurs chatoyantes et brillantes de toute beauté qui le magnifie. Cela me perturbe.

 

-          Dieu ? Tu as bien dit… Dieu ?

-          Oui. Les temps étaient aux Dieux.

 

Je regarde fixement Whouna avec consternation. 

 

-          C’est ton explication, vraiment !!!

-          Mais Grand-père a aussi été un Dieu il y a longtemps.

 

Je regarde Yanata qui regarde avec fascination Whouna.

 

-          Ton grand-père ? Tiana ?

-          Oui. Tu es Whouna ? Je me souviens de toi. J’étais toute petite, mais je me souviens de toi…

 

Whouna s’approche d’elle en souriant.

 

-          Oui, je me souviens de toi, aussi. Tu as bien vieilli.

-          Je te remercie. Toi, tu n’as pas changé. Tu es un…

 

Le mot qu’elle prononce est imprononçable et pratiquement inaudible.

 

-          Effectivement. Ton grand-père n’est pas là ?

-          Non… il…

-          Va être furieux et il aura raison. Tu étais au courant que j’étais une idole chez la O-V ?

 

Je regarde Whouna qui me sourit avec une douceur qu’il n’a que pour moi.

 

-          Oui, je le savais. Et avant que tu ne montes aux créneaux, tout le monde le sait.

-          Sauf moi.

-          C’est chose faite, maintenant !

 

Je soupire profondément. Whouna m’entoure de tout son corps et cela me soulage.

 

-          Tu mérites que l’on te considère comme cela, accepte-le avec cette grâce que tu as en toi, mais que tu caches si soigneusement. Va retrouver tes amours à la cuisine pendant que je devise avec … Jean, c’est bien cela ? et Yanata qui me semble une petite très surprenante et captivante. Les Faes me manquent, j’ai passé tant de millénaires avec eux…

 

Il me laisse aller. Il a l’art de me calmer.

 

-          Oh, et tu peux dire à Dani que je serais ravie de l’avoir pour goûter dans une semaine.

-          Je le lui dirai.

 

Il le fera, je peux compter sur lui. Je me dirige vers la cuisine et une sorte de grande couverture en fourrure m’enveloppe complètement. John.

 

-          John…. Mais tu es arrivé quand ? Peu importe. Tu m’as tellement manqué…

 

Je m’emmitoufle dans son corps et malaxe sa fourrure lupine si douce et si…

 

-          T’as changé de parfum et de savon ? Ta fourrure est vraiment sublime et si douce, si parfumée.

 

Je finis couchée sur… un matelas en mousse avec John autour de moi comme une couverture.

 

-          Vous devriez vous relever et venir à table. Après tout, tu es une star, maintenant !

 

Je me relève en m’empêtrant dans le grand corps de John qui ne fait rien pour m’aider. Le sacripant ! Finalement, Glorios vient m’aider et nous finissons assis à la table. John a retrouvé sa forme humaine et me tient dans son giron avec possessivité. J’adore !

 

 

 

 

13.

 

-          Bien sûr, Tiana. Je comprends et je sais combien…

-          …

-          Mais ce n’est pas nécessaire, voyons ! Elle est très bien cette petite ! Et elle ne dérange pas. Je te la ramène dans une semaine. Tu te souviens de Whouna ?

-          …

-          Ben voilà ! Ils sont comme cul et chemise ? QUOI ? Es-tu fou ? C’est une expression du Moyen-Age, rien de sexuel ! En plus Whouna pourrait être…. Genre son… ancêtre et donc… mais non, tu exagères, Tiana. Je peux t’assurer que tout sera parfait ici ! Allez, je t’attends dimanche dans deux semaines pour un thé. C’est Mi qui le préparera. A dimanche…

 

Glorios et Mikaïl me rejoignent.

 

-          Je ne comprends pas trop ce que vous lui trouver ! C’est quoi le programme aujourd’hui ? Ah oui… discussion avec Yanata.

 

Mikaïl, mon merveilleux amour, a préparé un plateau gourmand pour nous deux. Yanata dévore littéralement et c’est plaisir de la voir faire, ce qui ajoute aussi à ma fierté d’avoir un si fin cuisinier à la maison. C’est un honneur et un privilège, quoiqu’il pense. C’est la personne la plus humble que je connaisse et c’est rien de le dire. Des fois, trop, je crois, mais c’est comme il le sent. Yanata dépose son mug plein d’un chocolat chaud et odorant. Elle dépose la tasse sur la table basse, se pourlèche ses jolies lèvres ourlées et se carre dans le siège en soupirant d’aise.

 

-          C’est incroyablement délicieux. Merci, Mi !

 

Une rose apparaît près de Yanata qui éclate de rire.

 

-          Je t’écoute, Madame Vera.

-          D’abord on laisse tomber le Madame, je pourrais facilement être ta grand-mère… enfin, virtuellement, parce qu’en réalité, c’est pas… Bref ! Ton grand-père a consenti à ce que tu restes avec moi 15 jours. Ça n’a pas été de la tarte, mais on y est arrivé. Il est toujours comme cela ? Aussi chochotte ?

 

Yanata me regarde fixement en écarquillant des yeux et en s’élevant dans les airs en lévitation. J’entends aussi un immense éclat de rire qui vient de… quelque part dans la maison. Ça m’aurait étonné aussi ! Vous voyez pourquoi je les invite jamais à être avec moi, c’est toujours le foutoir rigolard à tous les étages. Bande de CV et CF ! Et c’est reparti pour un tour ! Des fois je m’demande pourquoi je les aime !

 

-          Voudrais-tu descendre et reprendre ta place, Yanata ? Merci ! Vous ne pouvez pas avoir un comportement plus… humain, pour changer, quoi !

 

Elle redescend et se rassoit en posant ses mains croisés sur son giron comme une brave petite fille. Vont finir par m’agacer à donf, si ça continue comme ça !

 

-          Donc… où en étions-nous ? Ah oui… donc… le matin je vais dans mon cher bureau et mon merveilleux travail. Tu verras, c’est… divin ! Puis… avec Jean, nous allons lui présenter la ville d’aujourd’hui de cette époque… il veut s’intégrer et comprendre ce nouveau monde aussi.

-          Génial, je peux aider ! Dani m’a envoyé un What’s App, il propose de nous retrouver à l’Université.

-          Pourquoi faire ?

-          Il n’a pas précisé. Et on peut aller dans un Cimetière, celui de Laeken et celui de Molenbeek me semblent deux endroits à visiter.

-          Des cimetières ?

-          Oui. Les Cimetières sont les lieux où on vous enterre, qui marque votre pérennité et c’est très significatif, surtout par rapport à la majorité des Outre-Vivant qui sont immortels pour la plupart ou éternels.

 

Je réfléchis à ce qu’elle me dit et cela me semble cohérent. C’est vrai que notre temporalité définit sans doute aussi notre temps de vie, même si nous ne nous voyons jamais mort, disparu, hors de la vie. Nous nous sentons immortels, alors que nous ne le sommes pas et notre temps de vie est si court. Je ne pense jamais à cela. Peut-être parce que le présent devient pour moi l’avenir aussi. C’est difficile d’expliquer. Pour moi, finalement, chaque jour compte comme éternel, surtout… parce que je suis avec mes amours et tant d’autres personnes qui sont miens, qui font partie de mon temps, de ma vie. Et peu importe que la mort soit présente, maintenant, hic et nunc, est ce qui compte vraiment.

 

-          Je peux aider, alors, Ma… Vera ?

 

Je reviens du pays des idées profondes avec un tressaillement.

 

-          Bien sûr, ce sont d’excellentes idées ! Et tu seras un bon guide pour nous. Tu as intégré le côté humain au niveau concret et tu es Outre- Vivant. Ce sera bien pour Jean. Moi, même si je comprends plus… OUI ! Je suis plus au fait de ce que sont les O-V ! Et ricaner bêtement c’est pas sexy ! Qui a dit : Na ? Vraiment infantile ! Et dire que c’est vous les vieux ici !

 

Je n’aurais pas dû dire ça ! Vont vouloir me prouver qu’ils sont très… agiles pour des vieux !

 

-          Bon… je crois qu’on a fait le tour de la question, actuellement. Pour le reste… Ah, Clarette ! Je te présente Yanata, elle va rester avec nous 15 jours. Yanata, elle s’occupe de l’intendance, donc, tu peux lui demander si tu as besoin quelque chose.

-          Waouh ! C’est génial ! Je peux la toucher ?

 

Je fronce les sourcils et me tourne vers Clarette qui plie un bout de son corps comme si elle était gênée, puis s’approche d’Yanata qui la touche d’abord du bout des doigts, rayonnante et fascinée. D’un coup, elle l’étreint et j’assiste à une des plus belles accolades que j’ai jamais vues. Je soupire et mes trois amours m’entourent avec tendresse. Cinq minutes plus tard, nous nous trouvons dans le hall qui est… gigantesque et monumental… on est où, pas chez moi, quand même ? Faut croire que oui, c’est le même porte-manteau de ma grand-mère. C’est sensé me rassurer ?

 

-          Tu es prête ? On y va… la voiture nous attend.

 

Je me précipite dans le garage et… Ouf ! C’est toujours ma bonne vieille bagnole ! V         aut mieux ! Je n’aimerais pas péter une durite !

 

 

 

 

14.

 

-          Donc ici c’est mon antre. Tu comprends, Yanata, depuis je ne sais pas combien de temps, c’est un peu le chaos… et puis il y a toujours quelque chose… et donc, je dois y aller, mais je ne sais pas trop si vraiment je suis utile ! Bien sûr, si je peux aider, je vais le faire… ça tombe sous le sens. Non ! Tu ne touches à rien, sauf si je te dis ! Oui, ça tu peux. Donc… tu veux savoir quoi sur moi ? Parce que je suis on ne peut plus banale. J’ai même un boulot… d’encodage, on ne peut pas faire plus… normal. Et j’adore ça ! Tu veux m’aider, je te montre et tu me dis en quoi je peux… t’expliquer…

 

Yanata regarde tout avec un sourire fasciné et des exclamations tout en s’élevant dans les airs et transplanant d’un endroit à l’autre. C’est une Fae, j’oublie toujours qu’ils adorent faire ça !  Je commence ma routine et Yanata me seconde. Elle est bien cette petite. Juste son grand-père qui des fois…Cela fait ne heure que nous travaillons en heureuse harmonie et efficacement. Pas que mon turbin soit compliqué, mais bon, c’est nouveau pour elle. Mais elle est douée et observatrice, ce qui aide.

 

-          Vera…

-          Oui.

-          Tu as tort de penser que tu es banale… personne n’est vraiment banal et normal, et commun, mais tout le monde est unique… je suis depuis quelques temps ici… et toutes les personnes ont toujours été unique… mais toi… tu es incroyable. Tout le monde parle de toi et raconte tes exploits… tu es plus qu’unique, tu es exceptionnelle. Je veux que tu me dises quoi faire pour être comme toi.

 

J’en reste comme deux ronds flans. On la soudoyer pour me dire tout cela ? J’avais un peu de déprime, je crois, mais à ce point-là…

 

-          Je le crois vraiment, Vera. Tu es un exemple pour moi.

-          Mais pourquoi ? Tu dois être toi-même, c’est le principal. Comme tu dis, tout le monde est unique, et toi aussi. Pourquoi veux-tu que je t’apprenne à devenir comme moi ? D’ailleurs, je ne sais pas si je suis certaine de savoir vraiment qui je suis et ce que je suis ? Le sait-on jamais ? J’essaie seulement de faire selon ma conscience et certaines valeurs que je considère comme essentielles. Cela fait de moi la personne que je suis sensée être ? Je ne sais pas. Si c’était si évident, il n’y aurait plus de psychologues et psychiatres, coach de santé mental et autres spécialistes et conseillers en être et devenir ! On saurait dès le départ qui nous sommes, mais force m’est de reconnaitre qu’on est loin du compte. Si je peux te redire quelque chose d’utile… sois ce que tu sens que tu dois être et n’essaie pas d’être une autre personne. A moins que… c’est le fait d’être immortel ?

 

Je la regarde. Comment n’ai-je pas vu tout de suite sa beauté surnaturelle ? Je vieillis. Qui tousse ? Ah oui… Mes amours sont bien sûr aux premières loges de mes cogitations menta les… J’aurais dû m’en douter. Je comprends… les Vampires ont un contentieux avec les Faes et ça date pas d’hier. Yanata ne dit rien. Elle est assise en tailleur un mètre au-dessus de sa chaise. J‘imagine qu’elle cogite. Elle redescend sur son siège et me regarde avec un sourire resplendissant et tellement d’admiration que je commence à me sentir bizarre.

 

-          Tu as raison. Mon grady me dit que je dois être moi-même comme je  me sens être. Tu sais… j’ai eu le Faedoufa quand je suis devenue mature. Adulte dit-on chez les Humains, je crois ? Mais c’est un peu différent, c’est pour cela que l’on préfère le mot mature. Cela a duré un quart-de siècles, le temps habituel et c’est très aigu et précis. J’ai fini mon cycle et j’ai compris ma nature et mes essences.

-          Un rite de passage ?

-          On peut dire cela comme cela. Mais… après j’ai voulu connaître mieux la Terre et les Humains. Je me suis engagée dans divers tâches professionnelles pour cela. Mon grady n’était pas très…

-          … chaud….

 

Elle fronce les sourcils.

 

-          Ça veut dire… partant…

-          Oui, c’est cela, même si son sentiment est plus Fae. Mais il m’a laissé faire comme je le voulais. Tu sais il est plutôt cool, grady, mais c’est pas toujours simple d’être comme lui. Il prend soin de beaucoup de monde et il est… leader de notre Nature. Même si nous ne sommes pas en Faerie, beaucoup sait qui il est et compte sur lui.

 

Je réfléchis à ce qu’elle vient de dire et cela a du sens.

 

-          Je ne sais pas si être immortel pose un problème de qui je suis…. Je ne crois pas… être n’a rien à voir avec qui nous sommes, mais… des fois je me dis que cela peut jouer un rôle… j’ai vu tant de gens partir… c’est toujours douloureux et difficile. Mais le temps, là, joue un rôle et ces personnes que j’ai connue n’ont pas changé, ils sont partis et je les ai aimés et appréciés de leur vivant et puis à leur mort tel qu’ils sont. Donc…

 

Je reprends mon travail et elle aussi. J’ai de quoi penser et elle aussi.

 

-          Mais, Vera, je suis toujours fan de toi et tu es toujours un exemple pour moi.

 

Oh bon sang. Si elle est têtue comme Tiana, ça craint !

 

 

 

 

15.

 

            Lorsque nous arrivons à la maison, après une journée fructueuse et bizarre, tout est calme. Je ne m’en réjouis pas forcément, version O-V, tout est possible. Du coup, je le prends un peu philosophiquement. Quoi ? C’est la vérité. Mais bon, c’est vrai des fois je pète un câble, mais bon, vous feriez pareil à ma place. C’est vrai quoi ! C’est pas parce que j’ai du sang espagnol dans mes veines que les moulins, genre entrer comme dans un moulin, doit toujours être d’actualité !

 

-          Mon aimée !

-          Ma félidée.

 

Mi et Glo m’entourent de leur corps alors que John sous sa forme lupine s’enroule autour de mes jambes. Ils sont si beaux, si tendres… mais…

 

-          J‘adore cet accueil… Pourquoi je ne l’ai pas tous les jours ?

 

Ils redoublent de caresses. Mouiais ! Sûr qu’il y a un stud. Yanata nous regarde, puis file au salon. Je leur donne une autre caresse à chacun et me dirige vers le salon. C’est bien ce que je pensais. Tiana.

 

-          Tiana… ta venue est souvent un plaisir pour moi, mais là… sérieux ! Tu crois que je vais lui faire quoi à ta petite-fille ?

 

Tiana déploie sa grande taille majestueuse et me salue à la façon des Faes. Je lui fais signe de se rassoir. Mi a fait en sorte de lui servir une collation adéquate. Mes amours me rejoignent et je leur lance le regard : vous-perdez-rien-pour-attendre- et-vous-allez-déguster ! Ils baissent les yeux modestement, mais je ne suis pas dupe ! Rira qui rira le dernier. Je dis ça, je dis rien !

 

-          Que nous vaut ton auguste visite parmi le commun des mortels et immortels ?

-          Ne m’as-tu pas accusé de venir sauver ma petite-fille de funestes agissements de ta part à son encontre ?

-          Mais, mais… j’ai jamais sous-entendu et dis ça ! Mais, tu avoueras que là…

-          Ma venue ne met pas en doute ton attention vis-à-vis d’Yanata. ET… il est vrai que je suis en partie venu pour la voir, mais… je voulais surtout rencontrer…

 

Il émet un mot qui est le nom de Jean. Je hoche la tête. Yanata déboule avec Dani, morts de rire les deux.

 

-          Grady !

 

Elle s’élance sur Tiana avec effusion. Celui-ci se lève précipitamment et la prend dans ses grands bras. Ils s’embrassent et se câlinent, me faisant voir un aspect de Tiana que je ne connaissais pas et qui me surprends. Quoi que… quand on aime…

 

-          Grady ! Tu n’aurais pas dû venir. Vera est super, je te l’ai déjà dix-mille fois. Elle va me soigner au Foufilafu. Tu le sais très bien !

 

Tiana prend une mine confuse et désolée. Une manière de présenter ses excuses. Quant au Fou-machin-chose, je veux pas savoir. Dani vient m’embrasser. Je lui ébouriffe les cheveux !

 

-          J’imagine que tes nouvelles responsabilités ne te laissent plus de temps pour venir me voir ?

-          Yo, V. Te bile pas ! Mon nouveau taf est supra cheum, mais j’aurais toujours du temps pour toi.

-          Ben… c’est pas évident pour moi.

 

Il me reprend dans ses bras. Depuis quand est-il si grand et si musclé ? Je veux pas savoir. Whouna entre et Tiana resplendit littéralement. Je sais qu’ils se voient de temps en temps, ce qui me fait plaisir. Mais… c’est quoi cette tenue ? Dani a vraiment une très mauvaise influence sur lui. Et… c’est un chapeau rond qu’il porte ? Il est vraiment… avec le parapluie et l’imper… On est où à la City ou quoi ?

 

-          Whouna aime bien.

-          Ah bon ?

-          Il a regardé Chapeau melon et bottes de cuir et il voulait le même style.

 

Vraiment… et s’il voit Star Trek, il  va adopter le look ? Vraiment là, c’est du n’importe quoi. J’entre dans le salon et re-courbettes et re-salutations. A ce compte-là, j’ouvre un salon de Thé ! Glo me caresse la joue, ce qui me distrait.

 

-          OK ! C’était quoi qu’était prévu cet aprem ?

 

 

 

 

16.

 

            Je me tourne vers Dani et Yanata avec ébahissement.

 

-          Sérieux, là ! C’est ça que vous voulez montrer de notre belle modernité ou comme on l’appelle aujourd’hui à Jean ?

-          Ben… Oui.

-          Ben oui ? Alors de tout ce que vous voulez montrer de cette époque, ou génération, ou…  Je sais pas comment vous dîtes aujourd’hui, c’est ça !

 

Je regarde autour de moi. Dani nous a amené dans un magasin d’électronique… il y a tout ce que comporte la technologie actuelle. C’est même pas un musée, c’est un magasin extra grand d’appareils qui sont l’expression de la technologie. Je suis effondrée. Donc l’Histoire nous retiendra comme des usagers d’appareils issus de la technologie ?

 

-          Cette époque sera reconnue comme l’époque de la consommation de technologies de tous crins…C’est ça ? C’est vraiment… lamentable !

-          Te bade pas, V. Attends, je vais te montrer !

 

Jean, qui affiche un sourire incertain, suit notre échange sans trop comprendre ce que nous disons. Il regarde partout autour de lui.

 

-          C’est bien un…commerce ?

-          Oui.

-          Il n’y en avait pas de tel à mon époque, avant de mon moment de stase.

-          Tu m’étonnes

-          … Quelques échoppes oui, des marchés… Rien de similaire…

-          Normal…

-          Viens Jean… je vais t’expliquer…

 

Et je les suis. Yanata a l’air ravie. Que je sache les Fées sont pas très branché technologie, non ? Mais bien sûr, Yanata a passé la plus grande partie de son existence sur terre et elle s’adapte, donc…  Durant tout le périple entre rayons et rayons, j’entends de plus en plus interloquée Dani expliquer avec une clarté confondante tout ce qui se trouve là, depuis les électro-ménagers qui fait pousser des petits cris d’extase et d’émerveillement à Jean jusqu’à des appareils que je ne connaissais pas. Avec une patience d’ange, il répond à toutes les questions de Jean et donne moult détails pour étayer ses explications. Il arrive même à faire cde comparaisons et des analogies, ce qui m’emplit de fierté et d’étonnement. Quand Dani est-il devenu si instruit ? Jean a la mine de Fernandel quand il entre dans la caverne d’Ali Baba. Il m’émeut. Une autre nature, une autre ou d’autres cultures et il a toujours une âme d’enfant. La curiosité et l’émerveillement se disputent son expression sur un visage de plus en plus heureux. Un vendeur voyant notre manège s’approche, mais ma paume levée en signe : stop, n’avancez plus ! L’arrête tout net. Je ne suis pas d’humeur, vraiment. Quand Dani commence à faire des démonstrations avec les appareils les plus sophistiqués qu’il y a à l’étalage, j’abandonne. Je me dirige vers l’entrée où je trouve une sorte de rebord sur lequel je me juche. Je comprends la passion de Dani, ça ne date pas de hier et avec Alonso ou Don Alonso comme il veut qu’on l’appelle, cela se justifie, mais tout de même… Quelqu’un s’installe près de moi. Je ne regarde pas. Je suis tellement à l’ouest…

 

-          Yamanahe…

 

Je me penche sur le côté et Glorios m’enserre les épaules près de son flanc. Un autre corps s’s’installe de l’autre côté.

 

-          Mon aimée.

 

Je penche ma tête sur son épaule. Ils me tiennent entre eux. C’est ce dont j’avais besoin. Je me sens un peu en perdition. C’est cela être en dehors de son temps ? Comment font-ils pour rester dans les temps pendant si longtemps ?

 

 

 

 

17.

 

-          Ah… tu es… vous êtes là ? Glorios et Mikaïl…

-          Nous sommes venus voir comment tout se déroulait…

-          Yo. C’est supra archi kiff ( c’est super appréciable) que vous soyez là !

-          C’est ce que je vois !

 

Il me regarde dans les yeux.

 

-          Oui, mais dommage que vous ne soyez pas venus plus tôt… Avec Jean, nous avons fait le tour…

-          Trois heures… trois heures dix minutes, même… Je suis à bout…

 

Mikaïl me serre contre lui alors que Glorios se relève avec cette grâce féline qui me fait gladaladou partout… Génial ! C’est vraiment le moment, là ! Dani donne un bref résumé de ce qu’il a montré à Jean et en partie à moi. J’enterre mon visage dans la poitrine accueillante et large de Mikaïl, réprimant ma folle envie de hurler. Je dois me gourmander sévèrement. Il est si jeune, si passionné, si impliqué, si mordu… Argh ! C’est plus de mon temps tout ça ! Jean a un sourire indulgent et amusé. Je le soupçonne d’en savoir beaucoup plus de notre époque qu’il ne le dit, ni le laisse entrevoir. Le savoir, c’est le pouvoir. Un truc du genre et il n’a pas existé tout ce temps sans avoir quelques astuces sous le coude et dans sa besace. Je dis ça, je dis rien. Les Outre-Vivants sont tellement diversifiés…. Plus que les humains, qui ont tous une base commune. Après les différences culturelles et autres peuvent faire la différence, mais à la base…. Mais les Outre-Vivants. Ils sont quasi tous immortels ou éternels, un stud qu’ils maitrisent vachement bien. Vu ce que nous arrivons à faire avec un temps de vie finalement si court… on peut se poser la question!

 

-          … donc, j‘ai pensé qu’on peut aller dans un fast-food. Comme ça, Jean peut voir comment c’est pour manger vite et pas trop cher !

 

Jean fronce les sourcils, pas sûr que ses infos aient inclus cette caractéristique les moins reluisantes de ces temps… modernes. Le coup de grâce et même pas la dernière cigarette du condamné. Bon OK ! je ne fume pas, mais tout de même ! Mikaïl et Glorios rient sous cape ! CV, va ! Non, non… mes amours si attentionnés. Je deviens barge !

 

-          Alors, Jean… prêt pour un repas d’époque ?

-          D’époque… bien sûr… avec plaisir.

 

Malheureux, il ne sait pas à quoi il s’expose ! Glorios rit plus franchement. Oh, misère ! Nous sortons dans l’avenue qui est encombrée comme toujours avec cette excitation ambulatoire craignos. Je dois sans doute être reconnaissance que Dani et Yanata n’aient pas décidé de nous amener à des concessionnaires de voitures ! Là, c’aurait été le pompon ! Dani continue à pérorer, maintenant sur le thème des déplacements, les différents moyens de transports et aussi les moteurs, la vitesse et la pollution.

 

-          Je te montrerai des documentaires très instructifs sur la question ! Et aussi les hôpitaux.

-          Des centres de… santé ?

-          Santé, santé… ça dépend ce que tu entends par là !

-          Là, où on se rend pour guérir tr se soigner.

-          Soigner, oui, si on veut… guérir… c’est vite dit ! Ce n’est pas un endroit où il y a des Dieux, même si on peut se demander des fois… Ils font au mieux et sinon, ils ont plein d’appareils pour les seconder, en principe ! Mais ils ne sauvent pas la vie, sinon, on ne mourrait jamais et guérir, ça dépend pas d’eux non plus ! Ils soignent oui… quand ce sont de vrais médicaux et pas que des… médicastres !  On va aller dans un hosto pour que tu voies comment c’est…

-          Rassures-moi, je ne dois pas vous accompagner ?

-          Yo, V ! Te bade pas ! On ira sans toi.

-          Merci!

 

Jean regarde mon visage crispé et mes deux amours qui sont au bord du fou rire! Bien sûr, eux ils ne doivent pas se coltiner les bons soins des médicaux. Comme ça, je veux bien croire qu’ils sont penardos ! On arrive dans un de ces fast-foods qui ne désemplit jamais. Manger à n’importe quel moment de la journée semble la norme. Gage d’une époque où les hors-normes sont la nouvelle normalité ! Jean regarde tout avec un air d’enfant ébaubi. De temps à autre, il cligne des yeux, surpris sans doute par le côté un peu clinquant ou kitch des lieux. Ce qui l’émerveille est la luminosité. Il a passé un temps fou à pousser sur les interrupteurs de la maison pour voir les lumières s’allumer et s’éteindre. Mikaïl m’a fait signe de le laisser faire. Je ne comprends pas très bien cette fascination, mais je ne sais pas non plus d’où il vient et comment c’était alors ! Dani continue à guider et à expliquer. Je n’écoute plus. Glorios m’assoit sur un de ces sièges banquettes en plastiques et skye d’un design improbable, de couleur criarde et vulgaire et pas vraiment commode en plus. Et ils vont chercher la nourriture qu’ils ramèneront sur des plateaux en plastiques. Tout ce qui crie à tue-tête « haute cuisine » ! Glorios éclate de rire. Y’a au moins un que ça amuse !

 

 

 

 

18.

 

            En sortant du débit de nourritures rapides, j’ai mal au ventre. La seule chose qui me rassure est la mine qu’arborait Jean durant tout le repas. Allant du circonspect, au dégout, à l’ébahissement, au surpris jusqu’au désir de vomir. Mikaïl a choisi un exemplaire de tout ce qu’il proposait pour lui laisser une chance d’avoir une opinion objective. C’est une des raisons pour laquelle j’aime Mikaïl. Malgré le fait qu’il est un chef culinaire, même s’il ne le fait pas officiellement, qu’il a appris avec les plus grands dont Lucullus, il ne fait pas étalage de son savoir, ni préconise, étant un merveilleux médiateur en toutes situations. Ce serait tellement facile pour lui, qui plus est, étant un vampire, de démonter un tel endroit avec des arguments contondants… mais il ne le fait pas, considérant que chacun est maître de ses opinions et de ses sentiments et émotions. Si cela l’affecte, sans doute, mais…  Dani ne dit plus rien. Il n’est point sot et a bien senti que cela n’était pas du goût de Jean.

 

-          Si tu veux… nous pourrions aller dans un grand magasin où on peut acheter tout ce qui faut pour une maison…

-          Je crois, Dani, que… aimerait rentrer.

 

Je ne sais même pas comment il arrive à prononcer son nom. Jean, finalement, est très bien. Dani hoche la tête en assentiment aux paroles de Glorios et à la mine soulagée de Jean. Nous avons décidé de prendre les transports en commun. Jean regarde tout avec ce même air de surprise émerveillée. Même si c’est l’heure de pointe et qu’il y assez bien de monde dans les véhicules, il reste joyeux. Ce qui l’a plus excité, c’est le métro. Il aime la vitesse, d’après ce que j’ai compris. Je le savais ! On va avoir droit au concessionnaire autos, voire pire. Sans moi ! Que je dois y aller, ça va barder dans les enfers et Luci va m’en vouloir sans parler de Clarette… mais je m’égare. Glorios me serre dans ses bras et je sais qu’il a tout entendu. CV, va ! Ce qui m’a étonné, c’est la réaction des gens. Il souriait à Jean avec un vrai sentiment de cordialité.

 

-          … a toujours attiré les gens autour de lui. Chez lui, il est un Réunisseur. C’est la meilleure traduction.

-          Et c’est quoi ?

-          C’est un être qui réunit d’autres personnes dans un but commun.

-          Un ambassadeur, un diplomate ?

-          Non, pas vraiment, puisqu’il n’a aucune obédience, ni opinion, il se contente de réunir les personnes pour un but commun ou pour d’autres buts ou objectifs… mais jamais lié à une politique ou autre chose. C’est difficile à expliquer… cette sorte de «  neutralité » n’existe pas dans les quadrants humanoïdes…

-          Tu sais que je comprends rien ;, là !

-          Oui, ma douce, c’est là un de tes nombreux charmes !

-          C’est censé être un compliment ?

 

Mikaïl me prend contre lui avec tendresse et tout cet amour qui est comme un merveilleux édredon… enfin… dans le genre, quoi ! Nous arrivons à notre destination. Ils pourraient léviter jusqu’à chez nous, mais le but est de faire connaître notre époque à Jean. Il pleut ! Quelle surprise. Mon moral tombe dans mes chaussettes. Glorios m’enveloppe dans une gabardine qu’il sort de je ne sais où ! Nous prenons un bus pour deux arrêts, puis un tram. Jean accueille la pluie avec toujours la même joie. C’est …

 

-          Dans sa société, les manifestations de la Nature sont accueillies avec un plaisir incroyable.

 

Je regarde Glorios, puis Jean qui a le visage levé pour mieux voir sans doute d’où ça vient ! La seule question est : Pourquoi moi ? Quand nous arrivons à la maison qui a encore muté en une espèce de… je sais pas quoi, avec une Clarette qui nous attend dans le hall a            vec une pile d’essuies tous plus molletonnés les uns des autres. De l’arrêt à la maison, c’était le déluge. D’ailleurs… pour le déluge, ils étaient présents et si oui, comment il était Noé ?  Je dois faire du transat, je crois que je suis à bout, là… Aussitôt pensé, aussitôt fait. Mes trois amours sont autour de moi dans le transat XXXXXXL qu’ils ont acquis… un jour !

 

 

 

 

19.

 

-          Je ronfle !

 

J’essaie de me redresser dans un semi-réveil, mais je suis entravée dans les jambes, les bras et les mains de mes amours.

 

-          Non, c’est John !

-          John ?

 

Je regarde mon petit loup d’amour qui effectivement, enroulé autour de mes chevilles, ronfle comme un sonneur à qui-mieux-mieux, le corps relâché et la mine béa te.

 

-          Il a toujours ronflé comme cela ? Bon, il est mimi comme cela, moi si je ronfle, wouh, ce serait tellement… moche et pas sexy pour un sou !

-          Pitié nous n’allons pas avoir à nouveau une conversation sur ce qui est ou non sexy ou séduisant !
Non, Glo, mais les ronflements sont rédhibitoires à tous les niveaux !

 

Il lève les yeux en l’air. John continue à ronfler.

 

-          C’est normal qu’il ronfle comme ça ?

-          Arrivé à un certain âge, les Lycos à force de se changer, ont ce petit inconvénient.

-          Mais… c’est grave ?

-          Non. C’est en partie dû à leur nature. Il ira chez Jostard en traitement pour cela.

-          C’est douloureux ou… ?

-          Nullement, c’est juste un réajustement organique basique.

-          Et en clair et pour nullard en comprenure, ça donne quoi ?

-          C’est comme un lifting interne.

 

J’abandonne. Depuis quand, d’ailleurs, je pige l’Outre-Vivant commun ? Ben, voilà !

 

-          Il dort si bien…

-          Oui…

 

Glorios éclate de rire. Ça lui arrive des fois. Vu son âge, il a beaucoup de souvenirs qui le font rire comme cela. Même si je ne vois pas toujours le côté comique ou risible de la circonstance.  C’que je disais…

-          Ça me rappelle la fois où je me suis arrêté dans un clan de Lycos. C’était celui d’un ancien Lycos qui l’avait abandonné quelques siècles auparavant et dans lequel il revenait de temps en temps. Ils m’accueillirent comme un des leurs, ce que j’appréciai. Les temps étaient plus hostiles alors. La nuit tomba et on m’offrit une paillasse relativement propre pour mon repos. Déjà à l’époque, je ne dormais guère, mais un repos à l’état horizontal est toujours bien venu et plus alors. L’époque était rigoureuse et pénible.

 

Mikaïl hoche la tête vigoureusement en signe d’assentiment. Heureusement que je n’avais pas besoin de sommeil. La nuit fut terrible. Les ronflements se chevauchaient dans une cacophonie insupportable à l’ouïe et chacun, inconsciemment voulait ronfler plus fort qu’un de ses congénères. A l’aube, je tournais en rond dans le merveilleux lieu où le clan s’était installé. Il existe toujours. Jostard était alors dans ce clan, avant de le quitter pour faire le sien. Jostard a rencontré un sage qui était préoccupé par ce signe particulier chez les Lycos. Il étudiait la question depuis des décennies, mais ce n’est qu’à l’aube du XIX ième siècle qu’il eut les moyens, du moins les prémices de ceux-ci, pour continuer des investigations plus concrètes. Aujourd’hui, ils ont trouvé quelque chose de naturel et d’inoffensif pour les aider. John a atteint un âge qui l’oblige en quelque sorte à traiter cette particularité de manière plus radicale.

 

-          Je comprends…

-          ET comprends-tu aussi que mon grand âge de m’empêchera pas de t’honorer comme il se doit…

 

Et il me le démontra de manière magistrale en accord avec nous tous dans des… Mais ça, carré XXXXXXXXXXXXXXXXXXXL !  Vous croyez quand même pas que je vais tout vous raconter, non mais une fois, des fois !

 

 

 

 

 

 

20.

 

            Quand je me réveille totalement, mes amours m’ont entortillé dans un duvet léger, doux et chaud et ont quitté notre couche inopinée. J’arrive dans notre cuisine que j’ai eue beaucoup de mal à trouver… MAIS QUI EST LE CRETIN QUI M’A ENCORE CHANGE DE PLACE LA FOUTUE CUISINE ! J’en peux plus ! Si je dois prendre un plan pour m’orienter dans ma propre baraque et enfin entrer dans la pièce que je veux, je vais faire venir l’enfer de Dante dans la maison ! J’entre pour trouver Jean mimant je ne sais pas quoi à Yanata et Dani devant ce qui a été un pantagruélique goûter. Je m’affale sur une chaise en parcourant mon corps pour voir si aucun de bout de chair n’apparait pour foutre le malaise. Mais tout est OK. Mes amours savent y faire dans le déshabillage et l’habillage. C’est au moins ça de bien ! Dani me sert un café comme je l’aime. Nécessaire pour entrer de plein pied dans le quotidien et aussi une assiette garnie de choses qui me mettent l’eau à la bouche. Dan et vraiment… très entichée d’Yanata si je traduis bien les regards qu’il lui lance en coulisse. Bon ! C’est pas mes oignons, mais… une fae, même aussi chouette qu’Yanata soit très cool. Mais, euh… c’est une Fae, quoi ! Et non, je suis pas une raciste, mais bon, y’a comme une petite différence d’âge, là, tout de même… bon, Ok, si je regarde chez moi, c’est le cas de moi aussi avec mes amours… donc… ben, c’est pas mes affaires et Dani est libre de faire ce qu’il veut, même si…Pffff !

 

-          Votre monde est devenu incroyable et aussi très…

-          Incohérent ?

-          Ce n’est pas faux ! Vous êtes arrivés à des moyens et des choses qui sont absolument merveilleux, mais…

-          On les utilise comme des crétinisés du bulbe ?

-          Bulbe ?

-          La testa,  les méninges, enfin ce qui devrait être utilisé à bon escient et qu’on utilise comme des inconscients imbéciles !

-          Vous êtres humains.

 

Je regarde Jean. Il a tout compris, mais ce n’est pas comme s’il ne nous avait pas pratiqué avant et si niveau moyens, comme il dit, on a bien prospéré, niveau cohérence et intelligence, je suis pas sûre qu’on ait vraiment évolué. Donc…  on ne peut pas échapper à sa nature, mais si on essayait déjà d’échapper à notre propre capacité à agir contre nous-même, ce serait un sérieux progrès. Mais comme on dit : plus ça va, moins ça va ! Wep ! Mais bon…

 

-          Oui, nous sommes humains…

 

Jean me regarde fixement. Je vois son être fluctuer en… je ne sais pas expliquer. C’est comme s’il devenait transparent, mais changeant d’aspect matériel et aussi… comme s’il vacillait dans sa forme matérielle et ce qu’il est… Je m’approche de lui…

 

-          Non ! Je vais bien. Mais votre ressenti me confond… n’êtes-vous pas fière de ce qu’est devenu votre nature ?

 

Je le regarde. Il semble s’être… fixé dans son être actuel. Je… je ne sais que penser. Je n’ai jamais vraiment pensé à cela.

 

-          Je… nous sommes arrivés à des niveaux sociétaux incroyables… des découvertes, des nouveautés, des créations… je crois vraiment que nous avons progressé admirablement, mais évoluer ? Je ne sais pas… nous sommes incapables d’arrêter de nous détruire de toutes les manières possibles… est-ce dû à notre pérennité, la Terre qui nous « intoxique » ? C’est comme si… nous ne pouvions pas avoir de félicités à long terme. Il faut toujours que… enfin sans doute pas tous, mais… le négatif semble une sorte de nécessité en nous… une sorte de désir destructif à plusieurs niveaux, divers sujets ou thèmes, objets… Je ne sais pas ! C’est mieux quand on est intemporel ou éternel ou immortel ?

 

Glorios et Mikaïl sont apparus. Je sens Whouna pas très loin d’ici. Il semble avoir suivi ma réflexion. S’il y a quelqu’un qui pourrait savoir cela, c’est lui. Ou pas ? Sommes-nous trop d’êtres humains et ne sommes-nous pas individuel, entité individuelle non scotché à une généralité raciale ?

 

-          Ma chère enfant…

 

Whouna est dans la pièce avec nous. Il est apparu subitement. Wouh ! Il fait ça comment ? Enfin, s’il est… Tout… il peut être partout ? Jean se tourne vers lui et lui fait une petite révérence.

 

-          Tu es bien loin de chez toi…

 

Whouna prononce ce nom imprononçable pour moi.

 

-          Il m’est plaisir de te revoir… Jean ? Est-ce le prénom qu’on t’a attribué ?

-          Oui. Mon plaisir égale le tien. Cela fait bien longtemps…

 

Je ne vais pas demander combien. J’ai un peu de problème avec ces histoires de temporalités.

 

-          Jean…

 

Il se tourne vers moi en souriant.

 

-          Je ne sais que te répondre. Juste… que j’aime bien être humain. Ça ne répond à aucune       interrogation, ni réflexion, mais… c’est la seule chose qui me permet d’accepter tout le reste.

 

Jean me fait une révérence en s’inclinant très bas. Waouh ! Ça fait un chouïa reine ! J’adopte !

 

 

21.

 

            Je regarde … Jean qui observe tout avec étonnement. Don Alonso a envoyé un What’s App avec plusieurs lieux « modernes », des Musées, principalement pour qu’ils puissent se rendre compte de comment se gère la société. Evidemment après tellement de siècles hors circuit, le Monde ou les Sociétés ont changé, évolué (?) et progressé littéralement. Je comprends son ébahissement.

 

-          Mais… donc… tu dis qu’on a marché sur la… Lune ?

-          Oui. Tu vois. Ça c’est Armstrong et ici Gagarine. Un Américain et un Russe.

-          Les Américains sont… ah oui. A mon époque quand je me suis…

-          Quoi ?

-          Comment diriez-vous ? Mis en stase ?

-          Ah oui… Cette terre était Terra Incognita. Les russes ont bien évolué…

-          Je ne dirais pas cela. Vu ce qu’on voit actuellement, j’ai de sérieux doutes.

 

Il fait un rictus. Don Alonso et Dani lui ont donné une leçon rapide et le moins possible détaillée afin qu’il puisse s’y faire au plus vite. Les… comme Jean ont une grande capacité à s’adapter. Aussi il s’est passionné pour les Nouvelles. Donc, il sait pour les Russes. Mais si quelqu’un connait le désastre humain qu’est une guerre, c’est bien lui. A l’époque, c’était presque pire Je sais qu’il a aidé les blessés sur les champs de bataille et aussi ceux des villages ou petites agglomérations. Mais son « talent » comme « guérisseur » ou quel que soit le mot qui est ce dernier, faisait qu’il finissait par être repéré par les inquisiteurs du coin et qu’il devait se dématérialiser  - chose propre à sa nature – et réapparaître ailleurs. Les moyens de communication étaient des plus précaires pour ne pas dire inexistants. Heureusement, les on-dit ne s’éparpillaient pas autant, mais… la prudence était de mise.

 

-          Qu’est-ce ?

-          Ah… ce sont des appareils pour voir si tout va bien à l’intérieur du corps…

-          Sait-on déjà se dématérialiser et avoir une vue vitale de tout le corps interne ?     

-            Non ! Ils permettent d’améliorer les diagnostiques en se rendant compte de visu de ce qu’il en est dans le corps.

 

Il regarde chacun des engins sous toutes les coutures puis lit les notices de chacun d’eux. Puis à l’intérieur de chacun d’eux. C’est une habilité qu’il possède de par son essence. Il peut s’introduire partout comme s’il était un ion ou un atome intrusif. Un virus intelligent ?

 

-          .Très ingénieux. Pas des plus… efficaces… Ils ne peuvent évoluer sur le temps ?

-          Sur le temps ?

-          Oui. Le corps, vos corps évoluent ou s’adaptent aux choses, aux circonstances ou … Donc, ces machines pourraient, avec un très minime pourcentage d’erreur, évaluer comment va le corps interne ?             

-          Mais… cela est le cas actuellement, je crois…   

-          Non. Ce sont des statistiques ou des extrapolations, pas une vision claire et globale d’un état interne et comme il est en train  de « vivre » internement…

-          Mais… comment cela se peut ? Le présent n’a pas vraiment de vues claires sur l’avenir. Donc ?

-          Là n’est pas l’idée. L’idée est de pouvoir avoir une vue éclairée sur ce présent qui se lance vers l’avenir. Actuellement, vous êtes dans un présent coincé dans un présent prolongé. Cela fait de vous des êtres positifs et disposés à toutes les avanies. Ouverts aux « impossibles » qui deviennent catastrophiquement possibles. Mais… ce qui est aujourd’hui un problème pour votre santé générale, demain cela n’est plus le cas… aussi ce que vous diagnostiquez aujourd’hui n’est souvent plus actuel au moment où vous prenez connaissance de ce problème et d’un possible traitement…

-          Donc…Une vue d’ensemble sur une ligne de temps personnel ?

 

Son corps s’allonge et m’enlace avec émotion et affection. Je me rigidifie. Glorios éclate de rire. CV, va !            

 

 

 

 

 

 

20.                   

           

Je  suis assise sur notre lit. Je ne sais toujours pas quand je me suis posée ici, ni depuis combien de temps. Mes pensées vacillent entre raison et pensées diverses et qui discutaillent entre elles. Je relève la tête et les yeux, Glorios est d’un côté, Mikaël de l’autre  et mon p’tit loup à mes pieds. Je ne veux pas qu’il soit à mes pieds, mais il m’a expliqué que son instinct de Lycos le poussait à se coucher là. Il s’y sent bien et là où il doit être. On a renforcé le lit, parce que lorsqu’il se transforme en Lycanthrope, son poids triple et nous ne voulons pas que ce dernier s’écroule sous notre poids conjugué. D’ailleurs je ne sais pas qui a construit ce lit et à ce propos, rien à voir… Nestor, le frère de Mi a décidé de se lancer dans de nouvelles affaires, je vous le donne en mille… dans les pompes funèbres. Notez, vu son addiction et amour des cercueils… pas étonnant et même adéquat… et un peu chelou… un V. qui s’occupe de tout ce qui a trait aux funérailles… alors qu’ils sont quasiment immortels…

 

-          Qu’y a-t-il, mon aimée ?

-          Dis-nous, mayame ?

-          Tu es très agitée, ma féline… pourquoi ?

 

Je regarde mes amours et je les vois et… j’éclate en sanglots… Aussitôt John se transporte et s’enroule chaudement autour de mes jambes et Mi et Glo me prennent entre eux. Je pousse des sons même bizarres pour moi et le pire… je ne sais même pas pourquoi. Après quelques minutes, j’arrête net. Un mouchoir apparaît devant mes yeux noyés. Je me mouche bruyamment. Mon p’tit loup me masse avec son corps et je plonge dans son pelage avec délectation. Mi et Glo sont chauds et me calment.

 

-          Je… crois que… je pense à la mort.

 

Mes amours font un arrêt image en me dévisageant.

 

-          Je veux dire… je me demande… je vais mourir bientôt… enfin, je veux dire dans pas très longtemps et tout à coup… j’ai pensé à ma fin… et vous êtes immortels ou presque et…     

 

Mi se reprend le premier, il me place plus près de lui tout en me laissant un certain espace. Je ne sais pas comment il fait, mais… il le fait ! Glorios est toujours en mode statue, mais je le sens agité, comme s’il cogitait sérieusement à la question ou à la… je ne sais quoi qui me turlupine dans ma testa sans que je sache exactement le quid de la question. 

 

-          Dis-moi, mon aimée, qu’est-ce qui t’inquiète vraiment ?

 

Je le regarde avec émotion et égarée dans des pensées confuses et chaotiques. 

 

-          Je… tout à coup, je ne sais pas pourquoi, j’ai pensé… vous êtes comme vous êtes et moi, étant humaine, je vais partir avant vous et en même temps, je n’ai pas pu le supporter, parce que vous êtes tout pour moi, comme ma petite et son petit qui arrive et… je ne sais pas où je peux caser ces idées et ce sentiment…

 

ET rebelote, je chiale encore ! Ça m’agace, mais c’est plus fort que moi. Mes amours redoublent de tendresse et d’amour pour moi et bizarrement, j’ai envie de leur gueuler dessus… de leur dire que c’est injuste, que je ne peux pas les laisser, que nous sommes trop nous pour qu’ils soient sans moi, que ce serait… A travers un rideau clairsemé de larmes, je vois et sens que mes trois amours se parlent entre eux.  Ils s’échangent des regards désolés et tous trois d’un commun accord m’enlacent avec tendresse et amour. Je me sens soutenue et comprise, mais je n’arrête pas de pleurer et sangloter. J’ai déjà posé la question, mais… combien de litres de larmes possède-t-on ? Finalement la source de mon déluge tarit et je suis vidée. Le silence s’établit et c’est comme une chaude présence incorporelle. Cela m’apaise et rétablit mon équilibre interne. Voilà que je cause comme la psy de mon ex-boss ! Je commence à déraper dans la semoule !

 

-          Déraper dans la semoule ?

 

John qui a repris son enveloppe humaine – quand ? – écarquille des yeux et tout à coup un fou rire nous prend. Je ne sais pas combien de temps nous hululons de rire, mais cela fait un bien incroyable. Quand je me rends compte que nous sommes tous quatre couchés et les membres entremêlés alors que nous hoquetons lamentablement. Je me relève un peu et les regarde avec toute l’affection qu’ils suscitent en moi.

 

-          Je vous aime tant…

 

Ils m’enserrent dans cette étreinte qu’ils sont les seuls à faire et les mots sont de trop. Alors que nous savourons ce moment privilégié, une sorte de grognement physique fait onduler les murs et même le sol. Glorios et Mikaïl se relèvent à la vitesse vampirique et John et moi nous nous regardons avec surprise. Glorios me prend dans ses bras et Mikaïl prend John dans les siens. Nous dévalons les escaliers tout cela dans un flou vampirique. Vraisemblablement ils savent ce qu’il se passe et si vous voulez mon avis, ça sent pas bon ! Encore un stud de Outre-Vivant !

 

 

 

 

21.

                Quand nos deux amours s’arrêtent. John et moi échangeons un regard éberlué. Je sais déjà que TOUT est possible chez les O-V, mais là, c’est un peu too much. La maison semble trembler sur elle-même, mais pas à cause d’un tremblement de terre, mais par ses étranges rugissements physiques… Je ne sais pas trop ce que je dois penser de tout cela, sauf que je vais vraiment m’énerver si jamais ils – ceux qui grognent comme cela, il y en a au moins deux sons distincts – me cassent la maison familiale !

 

-          Cela n’arrivera pas, mayame. Lucifer arrive.

-          Lucifer ? Ne me dis pas que la maison va encore regorger de monde inconnu au bataillon ?

-          Non. Mais il est le seul à les calmer !

 

John me regarde aussi intrigué que moi.

 

-          Qui sont-ils ?

 

Ils bougent de nouveau et dans la seconde, nous sommes dans la cuisine. Et là…

 

-          Bon sang ! Mais c’est quoi ce binz ? Arrêtez tout de suite ! Mais enfin, ça ne va pas la tête !

 

Whouna et Jean- c’étaient eux – qui aurait cru ! Jean me regarde, confondu.

 

-          Ma tête va bien, je crois. Vois-tu quelque chose…

-          Oh hein, ça va bien là ! Descends-moi ! Comment je peux les engueuler comme ils le mérite si tu me soutiens comme une jeune mariée, hein !

-          Oh, vous vous êtes mariés ? Félicitations.

-          NON ! Tu le fais exprès, Whouna ? C’est une manière de dire… et ce n’est pas le propos ! Vous faites quoi, là ? Vous voulez me foutre en l’air la baraque ? Mais j’y crois pas ! Vous avez quoi dans le crâne, de la purée d’imbécilité ou quoi ? NON ! Et on ne rétorque rien ! Faut que je me calme ! Ah, voilà autre chose !

-          Il me semble que tout est sous contrôle.

-          Lucifer… bienvenu dans cette maison de fous !

 

Il me prend la main et me fait un baisemain qui me fait rougir. Il me fait un clin d’œil et me sourit… diaboliquement.

 

-          J’aimerais te dire que tout est résolu et sous contrôle… mais ce n’est pas le cas ! Je ne sais même pas ce qui s’est passé. Donc… VOUS ALLEZ POSER VOS CULS OU CE QUI EN TIENT LIEU SUR UNE CHAISE… et nous allons calmement parlé de ce qui s’est passé. ET QUE CA SAUTE !

 

Ils se regardent, mais je fais un pas en avant en poussant un grognement et tous s’asseyent. Je vois Lucifer réprimer un sourire. Wouh !

 

 

 

 

 

22.

 

-          Donc…que se passe-t-il ?

 

Whouna reprend ce son…

 

-          STOOOOPPPP ! Le premier qui me fait encore un coup niveau séisme, je te le… Mais tu as quel âge ; bon sang, Whouna ? NON ! Je ne veux pas le savoir ! A ton âge, tu devrais savoir te maîtriser, que diable ! Sans te vexer, Luci ! Te disputer comme un môme avec quelqu’un de plus jeune que toi, à quelques millions d’années près… c’est, c’est, c’est…

-          Et toi, Jean…

 

Il ouvre la bouche.

 

-          NON ! Pas un mot ! Je veux savoir pourquoi tout ce stud et que ça saute, encore bien !

-          Mais… tu nous en veux parce que ta demeure a failli sauter…

-          TAIS-TOI, Jean ! M’enfin… vu vos âges respectifs, on pourrait croire que ce genre de comportement… et vous n’êtes même pas humains ! Pas que cela justifie quoique ce soit, d’être humain, mais on sait ce qu’il en est ! On a des milliers de pages qui témoignent de ce genre de comportement infantile ! Mais, vous, vous, vous…

 

Je me tourne vers la porte de la cuisine. Dani se dandine d’un pied sur l’autre. Je lui souris chaudement. Un gloussement me vient de quelque part dans la cuisine. Je fusille des yeux chacun d’eux.

 

-          Entre, Dani. Tu as mangé ? Non ! Assieds-toi ! Mi, yamanahé, peux-tu lui préparer quelque chose ?

 

Je regarde ma tablée qui ne comporte que des… enfants de chœur ? Ou, c’est comme cela qu’ils se tiennent. Je soupire profondément ! Ils sont tellement…

 

-          Bon, d’accord, prépare-leur aussi quelque chose à becter et à boire, si tu veux bien !

 

Il arrive sur moi, me soulève dans ses bras, m’embrasse profondément, puis me rassois avec infiniment de douceur sur mon siège. Je rougis violemment. Personne ne bronche ! J’aime mieux ! En quelques minutes, Mi prépare un grand plat avec des choses délicieuses, du café et du thé et d’autres boissons, alors que Glorios a mis la table. Je ne l’ai même pas vu faire. Un silence troublant règne dans la pièce. Je me sens un peu mal, mais si on vous casse votre bicoque, vous ne péteriez pas un câble, vous ?  Un discret sourire apparaît sur tous les visages, sauf celui de Dani qui déguste goulûment ce que Mi lui a préparé. Je devrais avoir une sérieuse discussion avec Don Alonso ! S’il ne laisse pas Dani manger quand il le faut…

 

-          Je vous présente mes plus sincères excuses…

 

Je regarde Whouna et sa mine dépitée. Jean l’observe avec un front ridé et des questions pleins les yeux. Il me regarde et lentement prononce.

 

-          Je… je te pris aussi de m’excuser, Vera.

 

Je hoche la tête et leur souris avec une moue. Je ne leur en veux pas. Pas vraiment, mais bon…

 

-          Et donc… c’est quoi l’objet de discorde ?

 

 

 

 

23.

 

-          Dani… prends un dessert… tu as fait un dessert, Mi ? Oui, bien sûr… tu es le roi des desserts et… tu n’as pas un peu maigri, Dani ?

-          V… je suis pas trop maigre ! Te bade pas ! Alonso me fait manger trois fois par jour, depuis que tu lui as… parlé…

 

Mes amours ricanent doucement ! CV, va ! CF ! Jean toussote et Whouna cligne de l’œil à Dani. La solidarité masculine…

 

-          Donc…  C’est quoi votre contentieux ?

 

Whouna se rigidifie et Jean se mets à changer plusieurs fois d’un état à un autre jusqu‘à se stabiliser en sa forme humaine.

 

-          Cela s’est passé il y a quelques millénaires… cela s’est passé sur…

 

Si ça c’est un nom, c’est pas de par chez nous !  Je veux pas savoir !

 

-          Il y a eu un différend entre plusieurs…

 

Je ne comprends pas le mot… ça va être coton de comprendre le quid du problème s’il utilise des mots de sa langue ou de… quoique ce soit qui est son langage natal !

 

-          Et cela a dégénéré et…

 

Une légère secousse fait trembler la maison.

 

-          WHOUUUUNNNAAAAAA ! Je te préviens si jamais il y a une seule chose qui se casse dans la maison, ça va geler en Enfer ! Façon de parler, Luci.

-          J’avais saisi, ma mie.

 

Lucifer me sourit chaleureusement, clairement amusé par tout ce qui se passe ici. Mais bon, je ne peux quand même pas laisser Whouna piquer sa crise et foutre en l’air la maison familiale ! Non ?

 

-          Je te prie de recevoir mes excuses à nouveau. Je vais essayer de me contenir… mais pour abréger ce supplice… ce contentieux comme tu l’appelles a détruit trois civilisations et des milliards des vôtres… Tu sais mieux que personne…

 

Whouna prononce le vrai nom de Jean. C’est vraiment chelou !

 

-          Que la perte de ces civilisations est la destruction de tout votre quadrant. C’est la base de votre Monde et vous avez en plus fait un véritable… carnage, si cela a une signification pour vous tous !

-          Je n’étais pas présent ! Je me trouvais en Zumgrafliilinfu… Et je n’ai su ce qui s’était passé qu’un siècle plus tard après ma mission…

-          Mais tu étais le…

 

Il dit un mot que je ne comprends pas. Glorios me regarde.

 

-          C’est littéralement «  la source de… ». C’est le nom de son Monde. Il est disons… une sorte de père de son Monde. Le créateur ou le Gardien fondamental des siens. Sa position est primordiale. C’est quelque chose d’atavique chez eux. Quand une civilisation est exterminé ou disparaît, c’est tout leur monde qui est altéré et si en plus un grand nombre de personnes meurent en étant exterminé, cela mets encore plus en péril leur monde.

 

Whouna respire longuement et bientôt il devient ce qu’il est réellement, un miroir. Sa surface se trouble et on voit des images qui défilent montrant un monde très étrange, mais on voit qu’il est en destruction. Whouna clarifie certaines images pour que nous puissions voir ce qui s’est réellement passé. Il y a un bord qui indique combien Whouna souffre encore de ce qui s’est passé, sans doute, il y a un temps incroyable. Whouna est le Gardien de toutes vies dans l’Univers. Je comprends sa souffrance. Quand une horreur pareille arrive, la douleur et la souffrance deviennent intemporelle et éternelle, Je m’approche de Whouna et embrasse une partie de son corps. Il reprend sa forme humaine et nous nous embrassons chaleureusement. Je sens toute sa peine et aussi ce sentiment de défaite. Les mots sont inutiles.

 

 

 

 

 

24.

 

-          Juste un petit détail qui me chiffonne… Comment vous en êtes arrivé à vous engueuler à ce point-là… Vous vous êtes salué amicalement et puis, l’engueulade… donc…

 

Nous avons repris notre place et le calme revient. Yanata est arrivé, je ne sais pas quand… on l’a mise au courant. Nous nous restaurons à nouveau et tout le monde me regarde fixement. Whouna soupire longuement et a le même air que celui de Dani quand il se sent sûr de lui. C’est fou çà !

 

-          Je n’ai pas tout de suite reconnu… puis j’ai compris qui il était… et tout est revenu… Mais il semble que je n’avais pas eu tous les éléments…

 

Il regarde Jean et celui-ci hoche la tête acceptant ce qui semble des excuses. Nous reprenons nos dégustations et l’ambiance devient bon enfant. Un coup de vent ou ce qui semble être le cas nous fait relever la tête. Clarette vient de débouler et s’est lancé contre Lucifer. Elle l’entoure, le caresse et Lucifer rit en essayant de se dégager de cette étreinte intempestive. Je m’élance pour l’aider et on finit tous trois par terre, emmêlés et un peu abasourdis. Glo et Mi nous aide à nous relever, ce qui est inutile pour Luci, mais pas pour moi. Quoi que… Clarette s’enroule sur l’épaule de Luci et se tient coite. Je me rassois et écarquille les yeux.

 

-          Clarette… je suis mortifiée là…

 

Clarette change de couleurs et puis s’effondre entre les bras de Luci.

 

-          Je crois qu’elle est honteuse. Mais son enthousiasme me rend fier.

 

Il caresse Clarette qui semble se pâmer entre ses bras. Jean regarde Clarette avec ébahissement.

 

-          Le linge des maisons est… vivant, maintenant ?

 

Je regarde fixement Jean

 

-          Non, non… c’est Clarette, elle était en Enfer avec Lucifer. Et elle est spéciale.

 

Jean sourit comme s’il comprend de quoi il retourne. Ça me parait toujours si étonnant quand les O-V s’étonnent. Vu ce dont ils sont capables… Lucifer me sourit diaboliquement et je ris un peu.

 

-          Mes amis, je suis ravi de vous voir et d’avoir passé ce moment… secoué avec chacun de vous. Mais le devoir m’appelle… 

 

Il prononce le nom de Jean et cela me fait grimacer.

 

-          Un plaisir de t’avoir revu, mon vieil ami… Whouna, toujours un plaisir… Vera… me feras-tu l’honneur de me reconduire à la porte d’entrée ?

-          Oui, mais… OK, bien sûr… honneur réciproque…

 

Luci salue d’un élégant mouvement du buste et de la tête chacun de ceux qui sont dans la cuisine qui le lui restitue. Yana regarde avec une lueur d’admiration et de plaisir le très séduisant Luci. C’est son grand-père qui va être ravi. Les démons et les fées… pas trop copains, quoi ! Nous arrivons près de l’entrée qui semble avoir changé de volume et s’est vachement rallongé. J’aimerais qu’on arrête de faire des rénovations comme ça ! Bon sang ! Luci me touche le bras et je le regarde.

 

-          Ma très chère amie… tu es resplendissante et il m’est plaisir de te revoir… Je tenais à cet aparté pour te remettre les salutations de…

 

Et il me récite le nom de bons nombre de démons que je connais à peine, mais qui me connaissant et ont bénéficié de mon aide. J’écarquille les yeux, morte de honte. Lucifer me caresse les joues que je sens rouge.

 

-          Ma chère amie… ne sois pas honteuse, leur gratitude est inusitée, mais sincère et c’est un cadeau. Accepte-le. Fwasfwa- Fasnia et Iain t’envoie des tonnes de baisers et d’embrassades.

-          Comment vont-ils ?

-          Ils sont toujours en pleine lune de miel et ils vont adopter une cinquantaine d’enfants du monde entier.

-          Waouh ! Mais ils peuvent faire cela ?

 

Lucifer a ce regard diabolique qui me dit assez qu’il est le roi des entourloupes et qu’il doit avoir plus d’un tour dans son sac.

 

-          J’imagine qu’oui.

 

Lucifer me prend dans ses bras. Il est si chaud… Je me dégage doucement. Il me laisse partir en me clignant de l’œil. Dans une ondulation enfumée, Lucifer disparaît avec un petit rire infernal. Les opuscules viennent me masser les épaules et Clarette s’écroule par terre dans un tas informe et tressaillant. La routine, quoi !

 

 

 

 

25.

 

            Je ne sais pas comment nous nous retrouvons Jean et moi seuls. Vraiment seuls et dans un parc près de chez moi. Chez nous. Le parc est bien entretenu, un parc civilisé. C’est cela, on a apprivoisé la nature de telle façon que la Nature n’est plus que ce que nous en faisons. Bien réglé, aucune herbe qui dépasse, tout au cordeau, au carré. Maté, la bête ! Enfin, l’herbe ! Jean regarde tout avec un demi-sourire et un froncement de sourcil.

 

-          Les parcs sont encore plus organisés qu’à mon époque… certains châteaux avaient des parcs intérieurs pour le plaisir de ceux qui y habitaient… des endroits d’une splendeur inusité comparé au reste des lieux. Au moins aujourd’hui chacun a un accès à un jardin ou parc public. Ce n’est pas commun…

-          Commun ?

-          Oui. Vous considérez qu’aller dans un parc ou un jardin public, comme vous dîtes, est chose commune. Mais ce n’est pas le cas. Et qu’on vous l’organise comme cela est chose plus… surprenante encore.

 

Je réfléchis. Il n’a pas tort. On prend tant de chose pour acquis, comme un dû… sans doute, c’est ce qui doit être pensé, mais… je continue à penser que tout n’est pas si… commun, comme dit Jean.

 

-          T’as pas tort ! C’est comment chez toi ?

-          Chez moi ?

-          Oui, ta planète… c’est chez toi, non ?

-          Ah…

 

Et le nom de celle-ci est totalement impossible pour moi.

 

-          C’est un chez moi de base.

-          Un chez toi de base ? Ça veut dire quoi ?

-          C’est la planète d’où je suis issu d’elle, mais mon... comment dîtes-vous déjà ?

-          Maison, endroit de vie ? Foyer ?

-          Oui, foyer… c’est là où je suis. Nos foyers se bâtissent en fonction de ce que nous sentons.

-          Ben, comme nous, alors.

-          Oui, mais cela est sur une durée plus longue et dépend essentiellement de ce que nous sentons à certains moments de notre existence selon nos vécus, mais aussi des circonstances de nos proches.

-          Ah, je vois.

 

Mais pas du tout, du tout ! Que tu choisis l’endroit où mettre ton foyer selon tes goûts et ressentis… jusque-là, je comprends, mais après… je n’en sais rien. Je ne vois pas trop. Des studs O-V ?

 

-          J‘ai déjà eu 277 foyers.

 

Waouh ! Je ne veux pas savoir quel âge il a, mais j’ai ma petite idée.

 

-          Mon monde est d’une beauté éthéré incroyable et d’une magnificence délicate.

 

Son regard se perd dans un sourire doux et émerveillé qui le rend étrangement beau.

 

-          Vous n’y verriez que du brouillard avec des volutes rougeâtres comme des flammes sans feu.

-          Des fumigènes ?

-          Je vois ce dont tu parles. Dani m’a mis au parfum, comme il dit.

-          Je vois.

-          Mais pour nous… c’est notre « chair » physique. En fait notre monde est créé à partir de ce que nous considérons notre monde et éventuellement notre foyer si nous l’avons placé là.

 

Je comprends de moins en moins. Sauf que…

 

-          Vous créé la planète sur laquelle vous vivez ? C’est dingue, çà…

-          Sans doute… sauf que c’est très réel pour nous et cela correspond à notre nature et essence.

 

J’hoche la tête, un peu perdue, mais bon… après tout je suis une petite humaine lambda.

 

 

 

 

26.

 

            Lorsque nous arrivons à la maison qui a un aspect que je ne reconnais pas. C’est comme si c’était elle, mais pas elle. La façade a la même allure et aspect que d’habitude, mais je ne le sens pas idem. Je me comprends, même si… Je crois entendre des sons… des cris ? Je regarde Jean qui a les sourcils froncés. Il entend comme moi. Nous entrons après avoir bataillé avec la clef, un modèle désuet qui date de ma grand-mère. Nous entrons un peu précipitamment dans le couloir et là… la cage d’escalier est plus amplifiée, genre escalier du Louvre, pour donner une idée, et je vois des couloirs partir partout. Ça semble un terrain… Jean me tire en arrière et je vois passer… un éclair de couleur rouge ? C’est quoi ce stud ?

 

-          C’est quoi, çà ?

 

Whouna apparaît au coin de l’escalier habillé comme…

 

-          Quelqu’un peut-il avoir l’amabilité de me dire c’est quoi ce foutoir ?

 

Dani arrive dans la même tenue que Whouna avec une paire de lunettes comme les militaires ont et une sorte de survêtement et treillis. Mais qu’est-ce qu’ils foutent ? Et puis il y a Glorios qui arrive habillé idem, Yanata aussi, Mikaïl aussi et Tiana…

 

-          Tiana ? Mais enfin… Bon sang ! Les autres… mais toi…  C’est pas sérieux…

 

Glorios affiche ce sourire qui me rend dingue en retirant ses lunettes. Et ça me fait gladaladou partout. Et merde ! C’est pas le moment ! Il a un sourire en coin en riant sous cape. Et le pire, il fait tout çà en se cachant derrière une petite toux. J’y crois pas ! Le sagouin !

 

-          Réunion d’urgence à la cuisine… ôtez-moi d’un doute ! Il n’y a pas d’autres… je sais pas quoi avec cet accoutrement de… quoi, au juste ?

-          Paintball ?

-          Paintball !

 

Je regarde Dani qui se dandine mal-à-l’aise sur place alors que Glorios ne se tient pratiquement plus de rire. Je le fusille du regard et il m’envoie un baiser. Mais je vais te le… te le… te le…

 

-          A la cuisine et que ça saute !

 

Ils se dirigent tous vers la cuisine de manière désordonnée.

 

-          Et… je veux retrouver ma maison d’origine, nom de nom !

 

Une seconde plus tard, ma maison reprend ses dimensions habituelles. Enfin, presque ! Mais, passons !

 

-          Merci !

 

Whouna est vraiment un arpenteur universel incroyable, même si, des fois…

 

-          Qu’est le paintball ? Une technique pour traiter les murs, comme avant on chaulait ceux-ci ?

 

Je me tourne vers Jean qui a les yeux écarquillé. Je vois bien qu’il peine à suivre. Comme je le comprends !

 

-          Pas exactement ! Viens, allons parler à nos… garnements dans la cuisine ! Dani t’expliquera mieux que moi.

 

Il me sourit gentiment, mais avec une petite pointe d’amusement aux coins des yeux. Mouai ! Je devrais aussi l’avoir… l’amusement, je veux dire, mais… j’ai passé l’âge de materner et là je me sens comme une maman ou une gardienne de récré. Alors que j’adorerais être… non, mieux vaut ne pas le dire ou le penser verbalement, tout à des oreilles ici ! Pffffff…

 

 

 

27.

 

            Nous entrons dans la cuisine où ils sont assis autour de la grande table en bois brut. Elle n’est pas devenue plus longue ? Je veux pas savoir! Mikaïl est aux fourneaux, mais dès que je passe la porte et entre dans la pièce, en une vitesse Vprime, il m’enlace et m’embrasse, puis il revient à ses taques à induxion. Glorios a sa mine de petit garçon très sage, mais je le connais. Tout cela l’amuse au plus haut point…je soupire profondément.

 

-          Je veux que ce foutoir dans la maison arrête. Je veux bien que tous vous vous sentiez chez vous, mi casa es tu casa, mais là, là… non, c’est plus… c’est plus, quoi ?

 

Tous font une moue déconfite en me faisant un petit sourire navré.

 

-          Quelqu’un pourrait me dire ce qu’est le paintball ?

 

Je regarde Jean et là, je commence à rire sans pouvoir m’arrêter. Je craque, quoi! Et quand j’arrête de rire, les vannes s’ouvrent et j’éclate en sanglots. Du coup, tous viennent m’enlacer pour me consoler ou je ne sais trop.

 

-          Oh, une embrassade groupée. Je suis content d’être revenu plus tôt!

 

John est sur le pas de la porte. Je le vois mal avec tous ces bras et ces torses autour de moi. Il se joint à nous tous et je baisse les épaules. C’est dingue!

 

-           Reculez! Vous m’étouffer!

 

Ils reprennent leur place, pendant que Dani met succinctement John au courant. Il se relève, se change en loup et s’enroule autour de moi. Glorios me prend dans son giron où je me love. Il me caresse les bras lentement et doucement. Dani entreprend d’expliquer à Jean ce qu’est le paintball. A la tête de Jean, je vois bien qu’il n’est pas convaincu.

 

-           Et cela sert à quoi ?

-          A booster l’ego de grands connards qui se la pète en se croyant des guerriers ?

-          Des guerriers ? Cela peut-il être considérer comme un apprentissage pour guerrier ?

-          Non, je te rassure tout de suite, c’est juste un jeu pour débiles !

 

Je promène mon regard sur l’assemblée qui n’en a manifestement pas cure puisqu’ils dévorent les délicieuses crêpes que Mi a concoctés pour nous. Jean hausse les sourcils et me sourit gentiment. Je crois qu’il commence à comprendre comment ça se passe ici à notre époque. J’entame ma crêpe. De toute façon, que puis-je faire de plus ?

 

-          Ah oui… et arrêter de jouer au yo-yo avec la maison. C’est déconcertant et déstabilisant !

 

Whouna me lève un pouce pendant qu’il ripaille. Je soupire à nouveau. Une vraie maternelle.

 

 

 

 

28.

 

            J’en ai fini de ma journée laborieuse. Entre le bureau qui était mon temple, étant cheffe et seule employée, mais avec les nouvelles réformes qui sont essentiellement faîtes pour emmerder le Monde et moi en particulier, c’est devenu un calvaire. Heureusement que je suis plutôt bien ancré au lieu que j’ai fait mien et qu’il est la cinquième roue du carrosse dans mon lieu de travail général, sinon… Quelle poisse ! Non seulement, on a bien vu ce que tout le monde vaut réellement à échelle mondiale, pas une surprise réellement, mais cela s’est avéré très éclaircissant et vraiment ça donne envie de leur souhaiter à tous ces potentats le pire à échelle humaine… mais je m’égare ou pas ! Le stud, c’est que je suis bien ici. Un peu de calme dans mon petit univers ! Je relève la tête et hurle sans pouvoir m’en empêcher. Dans la seconde qui suit la porte s’ouvre avec impétuosité, je suis soulevée, emmaillotée dans un essuie taille XXXL, car évidement j’étais en tenue d’Eve et embrassée dans l’étreinte aimante et étouffante de Mi.

 

-          Qu’y a-t-il mon aimée ?

-          Désolée ! C’est juste Ned qui m’a surpris !

 

Ned, Gardien des âmes de la Mort dans la Vie- passeur de Lumière à travers la toile de la Mort ou Kamoustout - Ayauhcozamatl (arc-en-ciel) nom aztèque ancien, apparaît autour de nous d’une manière éthérée et avec une mine désolée.

 

-          Je te présente mes plus respectueuses excuses. Mon propos n’était pas de t’inquiéter, ni de te surprendre. Je désirais me présenter à toi pour rester près de toi dans les jours qui viennent.

-          Tu… depuis quand dois-tu avoir ma permission pour venir à la maison ?

-          Et bien…depuis que Mana et Glorios m’ont expliqué qu’il était de bon ton de demander la permission de venir.

-          Foutaises ! Vous allez quand même pas tous me la faire, tout d’mêm’ !

-          Tous me la faire ?

 

Oh bon sang ? Mi a dégondé la porte et toute la maisonnée est là à regarder ce qui se passe. Clarette au seuil de la chambre tourbillonne violemment, désirant sans doute m’entourer de ses bons soins. Va falloir attendre, il y a déjà la file !

 

-          Heu… c’est une expression qui signifie : que je m’attends à beaucoup plus d’actes absurdes dans le même genre !

 

Jean fronce les sourcils. Il fait ça très bien. Dani ? Whouna a aussi des expressions similaires, très humaines et c’est l’œuvre de Dani. Regarde trop les mangas ou un stud du style ! Ned me dépasse en flottant ou lévitant, je ne sais trop et s’agenouille devant Jean.

 

-          … je suis venu pour toi. En aide et en protection.

-          En aide et protection ?

-          … me l’a demandé expressément ?

-           ¿… ? ¿Qu’entend-elle par-là ?

-          Ma présence à vos côtés ?

-          Sans doute…

 

Je m’agite. Je me relève et en une fraction de seconde je suis recouverte d’un peignoir. Ce stud de V….

 

-          Bien ! La séance est finie. Prochain acte demain ! J’ai besoin de tranquillité !

 

Chacun me salue et une minute après je suis chez moi, avec la porte coincée. Vraiment… CV, va !

 

 

 

 

29.

 

-          Vous êtes immortels ?

 

Jean et moi sommes seuls dans la cuisine à siroter un bon café. Chacun est… je ne sais trop. Comme je ne sais pas toujours combien nous sommes à la maison, difficile alors de savoir où ils se trouvent et ce qu’ils font. En fait, c’est simple ou je suis seule ou je suis environnée complètement. Jean dépose son mug et me regarde en souriant. Je le regarde en souriant pareillement. Je ne sais pas pourquoi je lui demande cela. Sans doute, suis-je taraudée par la mort, ma mort. Je n’y pense jamais ou pratiquement jamais. Question de culture occidentale. Les Occidentaux, surtout, avons appris à ne pas parler ou même nommer de façon trop intime ou personnel comme si elle ne devrait jamais être évoquée. Elle est pourtant une réalité, mais qui ne doit pas être trop réelle. Un paradoxe, puisque la mort est partout en nous et autour de nous. La mort physique ? Mais… ne pas la nommer et en débattre, c’est ce qui est usuellement admis. Un déni consenti ou consensuel ? J’aurais pu demander à un de mes compagnons, surtout MI ou Glo ou Mana. Ils ne sont pas immortels, mais… en fait, je n’aurais pas pu leur demander… notre amour n’a pas d’âge, il est la somme de nous quatre et de ce que nous voulons créer ensemble pour chacun de nous et nous tous. Or, la mort n’a pas vraiment de place dans notre union. C’est sans doute le cas pour tout le monde ? Ou alors nous vivons dans cette objection par commodité. A moins que ce ne soit que notre instinct de vie qui nous pousse à vivre en rejetant sciemment l’idée que notre vie va vers la mort toujours ? Je ne sais.

 

-          Quelle est vraiment ta question, Vera ?

 

Je le regarde fixement. Il a les yeux vert d’eau… je n’avais pas vraiment remarqué… je m’égare…

 

-          En fait… je ne sais pas  trop… je suis entourée d’un nombre incalculable de personnes qui ont des âges que j’ai du mal à appréhender, même si cela ne m’inquiète pas… j’accepte et… suis-je suis la plus jeune virtuellement et réellement, cela ne me préoccupe pas… et là, tout à coup… je sais bien que je vais mourir dans pas très longtemps et cela me pose question… et…

-          Il me semble que ta question est une inquiétude très humaine. Votre pérennité a toujours été une pierre d’achoppement. Vos réponses à celle-ci, a toujours été à la hauteur de cette inquiétude diffuse et confuse. Vous ne gérez pas bien ce qu’est votre fin physique.

-          Physique ? Est-ce seulement le corps qui meurt ?

 

Il me sourit tendrement comme un père avec son enfant. Il me prend les mains, les tournent, paumes en l’air. Il les rejoint et les serre entre ses grandes mains, doucement.

 

-          Il ne m’appartient pas de te parler de cela. Vis, Vera. C’est cela qui importe, le reste n’est que conversation oiseuse. Mais, je puis répondre à ta première question.

 

Il tient toujours mes mains. Une douce chaleur les enveloppe et une tension quitte mon être.

 

-          Le terme immortel a un sens peu vraisemblable pour nous. Disons que notre existence a un temps infini en regard au vôtre et à la moyenne habituelle. Mais il n’est pas éternel. Rien ne l’est vraiment. Notre temps est lié à notre nature et au passage de l’univers.

-          Ah oui… OK. Je vois.

 

Mais alors, pas du tout. Je ne sais même pas ce qu’est l’Univers. Lequel, d’ailleurs. Nous sirotons notre café, puis je vais lui montrer ce que sont les arts ménagers, autrement dit, comment on s’occupe du maintien d’une maison. Ça promet !

 

 

 

 

30.

 

            Je me suis levée tard. J’ai demandé une journée de congé sans soldes. J’ai besoin de décompresser et le boulot est en ordre. Ça aide d’être employée unique et chef du service. Donc, j’ai certaines prérogatives. En passant dans le couloir de dimensions correctes, j’entends des éclats de rires joyeux. Glorios est celui qui rit le plus fort. Je le reconnais. Il a un rire si communicatif… Mi est plus discret, mais il rit de si bon cœur. Quant à John, il a un rire de loup. Curieux. C’est une veine lupine qui ressort quand il est sous sa forme humaine ! Je me dirige vers la cuisine quand je vois Lucifer, les mains croisés dans le dos, dans la pose de celui qui réfléchit ou qui se concentre. Ou les deux. Il relève la tête et me sourit. Il s’approche de moi, mes prend les mains et les embrasse avec respect et dévotion.

 

-          Vera… Toujours un inestimable plaisir de te rencontrer. Ta tenue est surprenante, mais elle te sied à merveille.

 

Sûr. C’est un jogging qui a perdu inexorablement sa forme initiale, délavée et usée jusqu’à la trame, mais si doux. Je l’adore. Donc… Je lui souris. Il a ce regard entendu de celui qui a bien saisi ma réflexion interne.

 

-          Tu es perdu ? Tu n’es pas loin de chez toi ?

 

Il me considère fixement.

 

-          Non. Yesna, ma chère enfant a créé un passage pour aller en Enfer.

-          Tu veux dire que la maison a une voie pour l’Enfer ?

 

Je le fixe d’un regard que je sens devenir orageux. Il a un regard qui vacille.

 

-          Est-ce à dire que tu n’as pas donné ton consentement ?

-          Non, elle ne m’a rien dit.

-          Cela est inadmissible. Veux-tu que je close cette ouverture ?

 

Je la revois si gentille, si craintive… si hésitante, si amoureuse.

 

-          Non, non. T’inquiètes, Luci, c’est la norme ici… on fait des tas de stud, puis on m’en parle ou pas… puis… une voie à l’Enfer, c’est pas mal. Ça veut dire que je peux aller quand je veux si,… par exemple, je suis over…

-          Mi casa es tu casa. Sens-toi une invitée d’honneur quand tu le désires.

-          Merci… euh, la pareille ici…

-          Ton invitation me touche.

 

Il me fait une révérence profonde. Les vieux de la vielle ont des manières exquises.

 

-          Donc, euh, en quoi puis-je te servir ?

-          Clarette…

 

Elle montre le bout de son corps en se couvrant le haut de son corps en tissu avec gène. Lucifer la prend, la secoue un peu et la dépose devant moi. Clarette lève une partie du haut de son corps et reste statique. Je la considère sans comprendre ce qu’elle veut. Lucifer la prend délicatement et Clarette se love autour de son cou.

 

-          Elle voudrait passer du temps en Enfer. Une de ses nombreuses filles serviette a eu des petites serviettes et elle voudrait passer du temps à les instruire et…à s’occuper d’elles…

 

Je hausse les sourcils. Les serviettes font des petits ? Je ne veux pas savoir.

 

-          Mais, bien sûr… je comprends. Elle peut prendre tout le temps qu’elle veut.

 

Je comprends que dalle, mais bon, rien de nouveau sous le ciel gris. Donc… Lucifer attrape Clarette et la câline. Bon, OK ! Tous les deux me font une profonde révérence et part dans une pirouette enfumée.

 

-          Euh… bon, ça, c’est fait. J’ai vraiment besoin de décompresser.

-           

Je vais à la cuisine. Il y a foule. Et elle a encore changé de volume. Je soupire profondément. Glorios m’a prise dans son giron. J’ai rien vu venir. Je m’installe mieux. Il me fait glaladalou… non, pas maintenant. En quelques secondes Mi me sert un petit déjeuner 1000 étoiles et c’est…

 

 

 

 

31.

 

            Je me lave les dents. OK ! Aucun intérêt. Je suis bien d’accord. Sauf… si je me rappelle la tête de John regardant un documentaire où on parlait des dents, du soin, de l’histoire de la dentition, des différents traitements de ceux-ci, des différents dentifrices, brosse à dent, produits pour rincer la bouche et autres explications. Son visage était tout un poème. Je lui ai demandé si cela était différent quand il était sur terre, presque 1000 ans passés, déjà, La réponse était : bien sûr. Je m’en doutais.

 

-          La population avait les dents saines ou dans un état déplorable. Question d’hygiène.

-          J’imagine bien.

-          Votre façon de vous soigner me laisse perplexe.

-          Toute une avancée médicale.

 

Il fait une moue de doute, très surprenante sur un visage assez lisse, d’habitude.

 

-          C’est mieux maintenant, non ?

-          D’une certaine façon, oui. Mais de l’autre n’est-ce pas un certain commerce fait pour enrichir les uns et les autres ? Tous, avez la possibilité d’accéder à ses… soins ?

 

Je réfléchis. Je connais un peu le sujet, mais il est complexe. Nous sommes tant sur Terre et de civilisations ou cultures différentes ? Même si le modèle sociétal tend à se généraliser sur le mode occidental. Je fais la grimace.

 

-          Non. Les soins de santé sont accessibles à un maximum de gens, mais les soins dentaires…

 

Il ne dit rien, mais son sourire estv de ceux qui disent : j’en étais sûr ou ben, voyons. Un sourire d’intelligence.

 

-          Et vous, chez vous ?

 

Il réfléchit en regardant l’ordinateur avec son écran hyper-grand. C’est un stud de Dani, ça. De fait, il a choisi un comme cela pour les applis de jeux vidéo très sophistiqués. Il semble que lui et Alonso ont décidés de créer des jeux et des applis virtuelles accessibles à tous, de qualité, intelligentes et ludiques en même temps. Je lui ai fait remarqué que ce genre de produits existaient déjà. Il est parti dans un délire cohérent pour lui sur ce qu’ils faisaient et que c’était innovateur. J’ai pris l’air de celle qui est au courant et qui comprend tout. Pas vrai, tiens ! J’ai rien pigé. D’ailleurs j’ai une tête à entraver ce genre de machins virtuels. Je peux travailler sur ordi et l’utiliser le plus adéquatement possible dans des thèmes précis – au boulot, surtout- mais pas plus. Faut pas croire, j’ai l’air maline, mais c’est une fraude très grande que je rentabilise le plus possible. Faut bien. Je suis une nouvelle née avec tous ces Outre-Vivant. Je dois bien me protéger un peu, sinon mon ego ferait…

 

-          Vera ?

-          Hein ?  Oui, désolée, des fois j’ai la tête ailleurs.

-          Mais… n’est-ce pas dangereux d’avoir la tête ailleurs que sur votre cou ?

 

Je le regarde fixement. Je réprime un gloussement.

 

-          C’est une expression qui veut dire que j’ai mon esprit et surtout mes pensées ailleurs, dans une réflexion intérieure.

-          Ah bien ! J’aime mieux cela. Chez nous on dit…

 

J’ai pas compris le mot. D’ailleurs leur langue est vraiment… d’ailleurs.

 

-          Cela signifie : submergé dans un univers de pensées autres que celles du moment.

-          Ah oui ! je comprends.

 

Et je comprends vraiment.

 

-          Pour répondre à ta question. Nous n’avons pas une constitution qui inclut un système physiologique comme le vôtre. Donc nous n’avons pas de dentition.

-          Vous êtes comment ? Je pourrais vous voir ?

-          Non. Vous n’avez pas une vue qui peut nus percevoir.

-          Et Glo et Mi, John et Mana etc…

-          Oui. En grande partie. Mais nous avons la capacité de prendre les formes qui sont les plus usitées dans les divers mondes que nous visitons ou habitons.

-          Waouh ! Ça doit être intéressant et incroyable. Une façon de comprendre chaque monde depuis un point de vue interne et ressemblant.

-          C’est un de nos points forts. Nous aimons nous intégrer le plus possible au monde dans lequel nous voulons passer du temps.

 

Je hoche la tête. Nous allons dans une de mes vérandas. Quel bonheur. Il est temps de lui faire découvrir la joie et la félicité qu’apporte un transat ou un hamac. J’ai hâte de voir sa tête.

 

 

 

 

32.

 

            Il se passe quelque chose… les miens me laissent, pas tranquille, ce serait un abus de confiance de ma part, mais je crois qu’ils me donnent de l’espace, de la distance. J’apprécie. Jean regarde ma véranda, celle que je préfère et que mes amours ont aménagé à mon goût. Pratiquement. Evidemment, on pourrait voir ce lieu comme une sorte de débarras pour transat et hamac, vu le nombre considérable de ceux-ci qui s’y trouve. Le stud… que je puisse choisir un de ceux-ci pour en profiter à donf selon mes désirs et circonstances. Mais à première vue…

 

-          Qu’est cet endroit ?

 

Jean me regarde, les sourcils haussés et des points d’interrogation dans les yeux.

 

-          C’est ma véranda avec mes transats et hamacs.

-          Véranda ? Hamac ? Transat ?

-          Une véranda, c’est un espace créé dans un lieu d’habitat pour jouir de la vue, du soleil sans être à l’extérieur. Un hamac… c’est ça…

 

Je lui montre celui que j’aime le plus et où je suis en amour complet avec mes amours. Mais ça, c’est privé, quoi !

 

-          On y passe le temps qu’on veut et c’était dans le temps, là où dormaient les marins des grands navires. Et ça…

 

Je lui montre un transat. Il est beau. Il est fait d’après un modèle indien de l’Inde.

 

-          C’est comme un lit, mais fait pour passer du temps au soleil ou dans un endroit à l’extérieur pour profiter d’un moment plaisant.

-          Mais ce sont des lits aussi ?

-          On peut y dormir, mais c’est moins commode qu’un lit. On y passer un certain temps, mais c’est moins commode pour dormir la nuit.

 

Il fait une moue pas très convaincue. Je comprends, mais je ne comprends pas. Je lui prends la main et l’approche d’un hamac.

 

-          Couche-toi !

 

Il s’y installe souplement et se détend. Un moment plus tard, il se balance. Je vois son visage s’éclairer et un franc sourire diviser son visage en deux. Il me regarde.

 

-          C’est très plaisant. Je comprends ton plaisir à être en lui.

 

Je lui souris. Je lui tends la main pour l’aider à descendre du hamac. Mais d’un bond il sort du tissu tendu avec une souplesse qui me laisse pantoise. Il me prend la main. Je l’amène devant un de mes transats préférés. Il se couche avec la même élasticité. Je vois le même plaisir s’inscrire sur chaque trait de son visage. Il y reste quelques minutes, se délassant comme je le fais. Il ouvre les yeux et me regarde avec une nouvelle douceur en eux. Il se relève.

 

-          Je comprends ce que tu trouves en eux et pourquoi il y en a tellement dans cet espace.

-          Bon, ben, pour la quantité de ceux-ci, il s’agit pour la plupart de cadeaux de certains de mes amis. En fait… la véranda est chaque fois plus grande. Heureusement sinon, je ne pourrais plus jouir de cet endroit.

 

Jean me sourit et m’étreint amicalement. Je hume l’air. Crêpes ? Ça, c’est du tout cuit Mi. Quand il veut qu’on vienne manger ce qu’il a préparé, il fait circuler des effluves alléchants dans la maison. Je ne sais toujours pas comment il fait ce tour odorant de passe-passe. J’ai l’air d’un chien qui hume. Waouh…

 

-          Viens, Jean. Tu vas goûter un des mets les plus… je te dis pas…

 

 

 

 

33.

 

-          Donc… je ne sais pas si ça va te plaire et ce n’est pas le top du top en matière d’emploi… En fait… maintenant chacun essaie de faire un boulot où dans l’entreprise ou en télétravail… donc…

 

Il me regarde d’un air perplexe. Il a beau avoir passé quelques siècles ici, mais c’était au Moyen-Age et ce n’était pas pareil. On ne vivait pas comme maintenant, tout était plus… différent, enfin plus naturel ou en diapason avec la Nature et la vie.

 

-          Télétravail ?

 

Je réfléchis pendant que je vire à gauche en lançant un doigt donneur à un de ces abrutis de conducteur et un autre à une conductrice. Jean regarde mon geste.

 

-          Désolée, mais ces conducteurs sont épouvantables et c’est plus simple de leur lancer un doigt d’honneur. Tu vois ?

 

Il hoche la tête pas très convaincu.

 

-          Le télétravail… en fait, il existe depuis très longtemps, mais surtout dans les livres de science-fiction. Une invention de créateur. Mais après la pandémie… tu connais ? Bien ! Donc, vu le panorama mondial, les entreprises dans des domaines très variés et divers ont trouvé cette manière de compenser ce qui serait autrement une perte sèche pour bon nombre de secteurs et d’entreprise. Donc, beaucoup de monde reste chez soi pour travailler pour une entreprise. Et avec les ordinateurs et l’informatique, c’est plus viable et plus performant. Bien sûr, certains domaines ne peuvent faire du télétravail. Mais tout ce qui est de nature administrative ou autre peut donc le faire. Tu vois ?

 

Il réfléchit intensément et fini par hocher la tête. Je ne suis pas certaine qui voit ce que je veux dire, mais ce n’est pas si évident. Nous arrivons à mon boulot et un grand sourire me détend. C’est si…

 

-          On y est !

 

Il me sourit aussi, un peu perplexe.

 

-          Tout le monde est si heureux d’arriver sur son lieu de travail ?

-          Oh non ! Pas du tout ! C’est que… tu vois… avec les O.V…

-          O.V ?

-          Les Outre-Vivant, enfin vous tous… tu vois ?

-          Ah oui !

-          Donc… ils étaient et sont toujours avec moi, autour de moi, des fois en moi et cela me stressait… même ma chef a succombé et donc… mon lieu de travail a pris une place prépondérante pour moi… en fait, ça me détend et je suis heureuse… et mon propre patron…

-          Ah oui, télétravail…

-          Non, non ! Je dois aller sur place, ce n’est pas pareil ! Viens, entrons, je vais te montrer comme c’est cool ici…

 

Nous entrons dans le bâtiment et j’adore me trouver ici. Même si c’est pas toujours le top du top en matière du turbin, mais le train-train quotidien est si plaisant et si réconfortant… En quelques minutes, je lui montre ce que je fais et comment et aussi chaque objet du bureau et ma joie est de plus en plus dithyrambique dans ma façon de lui expliquer.

 

-          Tu vois ?

 

Jean me regarde m’exalter avec beaucoup de douceur dans les yeux.

 

-          Je vois. Puis-je t’aider ?

-          Tu sais encoder ?

-          Encoder ?

-          Mettre les données papiers dans des fichiers ordinateurs !

-          Non, je ne crois pas…

-          Ben alors, assieds-toi ici, c’est un endroit génial. Je vais m’y mettre. Ça ira ?

-          Parfaitement. Vaque à tes occupations.

 

Je fais un geste avec la tête pour donner mon assentiment et me mets à l’œuvre. On en aura pour trois heures.

 

 

 

 

34.

 

-          Vraiment, c’est cela ton travail ?

 

Je ne sais pas combien de temps a passé, mais… Je regarde Jean qui fluctue entre solide et éthéré. Cela pourrait être embêtant pour moi, mais j’en ai vu tellement !

 

-          Oui. Et crois-moi, c’est tellement déstressant !

-          Déstressant ?

-          Oui. Tu ne peux pas t’imaginer comme l’insolite, le curieux, le hors-norme, le surprenant, l’inusuel, l’étrange peuvent être épuisant ! Je veux pas dire par là que vous êtes, les O-V, bizarres ou étranges ou anomaux, quoi ! C’est pas le cas, mais moi, chui qu’une humaine lambda et ma vie est normale, sans trop d’ex-abrupts, ni trop de choses qui sortent de l’ordinaire, alors… pourtant, faut pas croire, j’adore ma vie, parce qui a mes amours, John, Mi et Glo. Et ça, c’est le bonheur, vraiment… je les aime tellement !

 

Je regarde le vide d’un air extasié. Ils ont changé ma vie et je ne sais pas ce que je ferais s’ils venaient à la quitter.

 

-          Aimer ?

 

Je le regarde fixement.

 

-          Quoi ?

-          Que veux dire : aimer ?

 

Ah ben, je l’ai pas vu arriver celle-là ! Donc… comment lui expliquer ce qu’aimer veut dire ? Du moins du point de vue d’humain ?

 

-          C’est quelque chose que nous sentons pour d’autres personnes et qui fait que ces personnes sont pratiquement plus important pour nous que nous-même. On les aime, quoi !

 

Jean réfléchit à ce je lui ai dit. Il fait partie des espèces qui absorbent les cultures, les mots surtout d’une manière étrange pour moi. C’est sans doute dû à son état d’êtres éthérés et transformateur. Je ne sais pas.

 

-          Donc, cela peut arriver à tout le monde.

-          Quoi ?

-          Eh bien, tout le monde peut aimer et être aimer. C’est une condition ou spécificité humaine ?

 

Je réfléchis à ce qu’il dit. Tout le monde peut aimer.

 

-          Je voudrais pouvoir te dire que tel est le cas, mais je n’en suis pas si sûre ! En fait, est-ce vraiment une spécificité humaine ? Je ne sais pas et n’en suis pas du tout convaincue. Pas, pour tout le monde, alors… Ou… Je ne te cache pas que j’ai des doutes concernant ce sujet.

 

Il fronce les sourcils, puis acquiesce.

 

-          Et être amoureux, c’est la même chose qu’aimer ?

 

Je le regarde en fronçant les sourcils. Et ben ça, c’est une question intéressante.

 

-          Ben, heu… difficile de te répondre ! Etre amoureux, c’est un état qui peut atteindre tout le monde, mais cela ne dure pas toujours… aimer par contre, c’est plus long et surtout tout le monde peut aimer quelqu’un, en principe…enfin, je crois…

-          Et si je peux abuser…

-          Pas d’abus à demander… demandes !

-          Et l’amitié ? C’est aussi de l’amour ?

 

Ah, la colle !

 

-          Disons qu’on peut beaucoup aimer un ami… la distinction sans doute, c’est quand on aime, il peut y avoir des relations sexuelles au milieu, mais pas en amitié. Je crois… parce que maintenant il y a aussi amis, avec des droits.

-          Des droits ?

-          Des droits de relation sexuelle.

 

Il a l’air perdu. Notez, moi aussi. Avec toutes ces distinctions, ça devient difficile d’aimer, d’avoir des amis etc… et j’espère qu’il ne va pas me demander si c’est normal qu’un couple compte quatre intervenants. Parce que là…

 

-          Je suppose qu’il est difficile de savoir pour chacun. Vous êtes beaucoup sur Terre.

Ah ben oui, t’as bien résumé. On est beaucoup ! On continue ?

-          Oui… mais… cela me semble un peu absurde !

-          Comment ?

-          Ce que tu fais.

 

Je fronce les sourcils.

 

-          Peut-être, mais n’oublie pas que nous sommes mortels et notre vie est très courte en temps, donc… Internet, c’est un bon moyen de garder en mémoire notre présent actuel pour… rappel… c’est un peu comme les biblios…

-          Les biblios ?

-          Ben oui, c’est des lieux où il y a des livres et chaque livre renferme des moments de vies. Les biblios sont un peu notre mémoire immortelle, enfin… quand on les brûle pas… et aujourd’hui on mets tout sur ordi, donc… pour les cramer, faut déjà y aller !

-          Y aller ? On doit aller où ?

-          Non, non, c’est une manière de dire que c’est plus compliquer aujourd’hui de pouvoir brûler les livres si on les digitalise.

-          Je comprends.

 

Ben tant mieux, moi je suis même pas sûre.

 

-          T’as pas été dans une biblios encore ?

-          Non.

-          Bon, alors c’est notre prochaine visite… les biblios, c’est un peu notre part la plus vivante et le plus essentielle… même si ça a pas l’air comme ça !

 

Il acquiesce et nous continuons, avec une différence, c’est qu’il met la main à la pâte et c’est un élève très efficace.

 

 

 

 

35.

 

            On a fait deux fois plus de boulot que quand je suis seule. C’est dingue, quoi ! Nous sommes dans la voiture et Jean a le nez collé à sa fenêtre. Ca fait très…très… enfin, un peu gamin, non ?

 

-          Ça va ? Tu vois quelque chose qui t’interpelle ?

 

Il me regarde en me souriant pleinement.

 

-          C’est ouffissime, Vera ! J’adore comment on circule à cette époque. Beaucoup mieux que quand j’étais ici.

 

Je lui rends son sourire et hoche la tête. J’imagine bien. On arrive à la maison et j’ai hâte de parler avec Dani. Mais où il a la tête pour le baratiner avec son langage « jeune » ? Ça me gonfle ! Nous entrons dans la maison qui a un silence qui m’inquiète. Quoi encore ! De plus… comment y-a-t-il une croisée de couloirs autour d’un escalier monumental ? Lucifer  apparait au haut des marches. Je fronce les sourcils.

 

-          Luci ?

 

Il arrive devant moi en planant littéralement et m’embrasse sur les joues et sur les mains avec dévotion.

 

-          Il s’passe quoi, là ?

 

Il me sourit amplement et me prends par la taille.

 

-          Ma Vera. Ton inquiétude me vexe, ma belle ! Pourquoi ma venue serait considérée comme un inconvénient ?

-          J’ai pas dit ça, mais là…

 

Je lui montre l’escalier, les couloirs…

 

-          Ya de quoi, s’inquiéter, non ! Regarde ! Ma maison devient… c’est du n’importe quoi, là !

 

Lucifer regarde ce que je lui montre et fronce les sourcils.

 

-          Mais ma beauté infernale… je n’ai fait cela que pour me permettre d’accueillir plus facilement ceux qui sont un peu partout dans les Univers et sur Terre. Après je remets tout comme avant.

-          Mais… Pourquoi ?

 

Glo et Mi arrivent et fait reculer Lucifer pour m’entourer tendrement. Glo me fait toujours gladaladou… et Mi… bon, c’est pas tout ça, mais…

 

-          Mon aimée…

-          Ma douce…

-          C’est quoi ce bordel ?

-          C’est pour la…

 

Il dit un mot, son… je sais pas trop et je me dis que ça doit être en corrélation avec Jean. Glo commence à m’expliquer ce qu’il en est avec forces détails et mots imprononçables pour moi. Quand il finit, je sens une migraine galopante qui serpente tout autour de ma testa.

 

-          Donc, si je résume, il s’agit d’une sorte de fête nationale du clan masculin chez Jean et qui demande une préparation précise pour que toutes les espèces puissent participer à la fête et en plus il faut de l’espace et donc il faudra trouver un champ de 1000 mètres carrés, parce que chacun peut se lier avec la terre pour avoir de l’énergie. En fait, ce serait comme une super-méga-fête-écolo Universelle.  J’ai rien oublié ? Ah oui… c’est une fête que tous les O-V attendent.

 

Jean, Lucifer et mes amours hochent la tête, pendant que je me masse les tempes. Glo commence un massage qui fait des miracles. Je ne sais pas… enfin oui, un séjour en Inde, mais bon, c’est tellement, trop… le bonheur !

 

-          Otez-moi d’un doute… vous m’embringuez pas dans cette histoire, hein !

 

Je les regarde fixement tous les trois. Lucifer se tourne vers Mi.

 

-          Très cher… vous n’avez pas encore parlé à Vera ? Voilà qui est fâcheux et désolant…

 

J’entoure Glo et Mi fermement contre moi.

 

-          De quoi deviez-vous me parler ?

 

Mon ton est calme et détendu. Une médaille pour moi, na !

 

 

 

 

36.

 

            Glo me prend contre lui, amoureusement. Donc, c’est lui qui est délégué pour me manipuler, circonvenir ?

 

-          Mayame… nous avons parlé… et il nous est apparu que vu tes dons de diplomatie naturelle…

 

J’écarquille les yeux et Mi se fige. Il se moque de moi, là ? Glo toussote et cela me fait glaladou… je ziever ou quoi ?

 

-          Nous avons pensé… parce que le…

 

Il prononce ce mot imprononçable qui semble être important…

 

-          Qui doit compter toutes les espèces vivant et existant dans l’Univers et les humains dont nous désirons la présence ne veulent pas venir pour un vieux différent.

-          Vieux depuis combien de temps…

-          Quelques milliers d’années.

-          Mm… et pourquoi ?

-          L’un des frères de lait de Mi a vidé de son sang tous les bébés d’un village et donc depuis lors, il y a ce différend avec les Vampires.

 

Je regarde fixement Glo, puis Mi qui est toujours aussi raide.

 

-          Je veux bien le croire qu’ils n’ont pas envie de frayer avec les V après ce que Machin-Chose a fait… moi, j’aurais aussi la haine tenace et longue…

-          Il a été exécuté dès que Mana a eu vent de l’affaire.

-          Oui, mais le mal était fait !

-          Sans aucun doute, mon aimée !

 

Mi est à mes genoux et je lui caresse ses cheveux avec tendresse. On ne peut pas en vouloir à toute une famille pour le mal qu’a fait l’un des leurs.

 

-          Cette commémoration est très importante et les…

 

Il prononce le nom de l’espèce de Jean qui hoche la tête avec un doux sourire peint sur les lèvres.

 

-… veulent que cette commémoration unisse tous les vivants et existants. C’est une sorte de lien utile pour qu’un point d’équilibre soit dans l’Univers et permettre à celui-ci de se fortifier.

 

Je regarde Jean qui fluctue longuement entre sa vraie nature et sa métamorphose de Transformers. Cela semble très… primordial, essentiel, vital… Je tourne en rond dans mes pensées et je me dis que je ne peux pas faire autrement. Lucifer me lance un clin d’œil coquin. Glo et Mi me serrent contre eux. Mais j’ai encore rien dit quoi… langage non verbal ou ils lisent dans ma tête ? Je veux pas savoir !

 

-          Bon… d’accord… Faut faire quoi ?

 

En quelques secondes une table grandeur présidentielle s’installe et une foule d’Outre- Vivant apparaissent. Mais… ils attenda ient où ? A moins que… L’air de deux airs de Lucifer, j’imagine que c’est son œuvre. Je les connais presque tous, sauf ceux que je ne connais pas. OK ! C’est du Lapalissade tout craché ça ou je ne m’y connais pas. On fait une ronde pour se saluer selon un protocole précis. Certains ont un regard d’admiration vis-à-vis de moi que je trouve… bizarre, pour le moins. Certains documents emplissent la table devant chacun des intervenants et Mi commence la réunion.

 

 

 

 

37.

 

-          Au 3ième…

 

Il dit un mot que j’ai du mal à prononcer, mais tous hochent la tête avec componction.

 

-          … les…

 

Le nom de l’espèce de Jean.

 

-          … ont créé un…

 

 Et encore un autre mot pour parler de… ?

 

-          … et tous les quadrants de l’Univers sont venus. Les guerres et autres révoltes de vivants et d’existants, les Humains et tous les Outre-Vivant ont voulu venir à cette commémoration pour tenter de garder un…

 

Un autre mot incompréhensible.

 

-          … et après tellement de temps, le…

 

Et un autre…

 

-          … mais il y eut le Washmanili…

 

Un ooohhh horrifié circule parmi les présents, enfin ceux qui ont l’âge ou qui savent de quoi on parle. Lucifer affiche ce petit sourire qui me donne envie de lui fracasser quelque chose sur le facies. Il tourne son regard qui fulgure en rouge vivace vers moi et je recule précipitamment et trébuche pour me retrouver dans le giron de Glorios qui me sourit avec douceur. Bon sang ! C’est un peu pathétique, la petite humaine qui a peur de Lucifer ? Ben oui… c’est Luci, quoi ! Vous croyez quoi ? C’est quand même… Lucifer, quoi !

 

-          Et maintenant, célébrons, puisque notre amphytrionne a accepté cette mission pour nous.

 

Je maugrée entre mes lèvres alors que Glorios m’installe et me prépares un plat délicieux.

 

-          Commençons et après nous lui expliquerons en détails quoi faire à notre déléguée majeure et parfaite.

-          C’est de moi que tu parles ?

-          Oui. C’est le titre que tu auras, cela sera comme une clef qui t’ouvrira la porte des négociations.

-          Tu m’inquiètes, là !

-          Tu ne dois pas. Jean t’accompagnera, ce sera la première fois depuis… des temps immémoriaux et ils seront favorables et heureux de voir un haut représentant de cette lignée et espèce. Trinquons !

-          TRINQUONS !

 

 

 

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