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De escritura à écriture
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30 mars 2022

Bonsoir, Buenas noche, Aqui os dejo mi libro de

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Bonsoir, Buenas noche,

Aqui os dejo mi libro de mi serie Vera Lux. Las cosas con Draconis pueden ser algo raras, pero VL no es cualquiera y puede lidiar con mucho y más.

Je vus laisse mon livre de ma série Vera Lux. Les choses avec les Draconis peuvent être un peu bizarre, mais VL n'est pas n'importe qui et elle peut faire face à eux et à plus.

Bonne lecture!

 

Vera Lux      8        Tout feu, tout flamme                

 

1.

 

            J’arrive à la maison. J’ai eu une journée merveilleuse. Vandermeulemans, ma chef de service, est en congé longue durée. Je ne dis pas en dépression, je n’ai toujours pas compris le stud. Elle était très stressée par son travail. Mais… je suis son unique travailleur sous ses ordres, elle ne doit que rendre compte des résultats de mon travail de scannage et faire des rapports mensuels et pas grand-chose de plus. Je ne vois pas trop ce qui la stresse dans ce travail. A moins que ce soit le développement routinier de ce boulot qui l’ait stressé. Tout ce que je recherche et aime. Du coup, on m’a envoyé un mail – on fait dans l’écologie en évitant d’utiliser du papier si on peut faire autrement – où on m’avisait que compte-tenu de la situation et de l’importance du travail effectué, je devenais responsable du service jusqu’au retour de Mme. Vandermeulemans. J’ai été un peu perplexe. Etant donné que je suis la seule dans ce service à part elle, la notification m’a semblé absurde. Donc, je suis hypra cool dans mon taf. J’entre dans la véranda. Mikaïl est là et Glorios aussi, John est en Irlande avec son oncle Jostard pour des affaires concernant les meutes. De temps en temps, il doit y retourner, il est le responsable des Lycanthropes et les Métamorphe. Je ne demande jamais rien, des fois il me raconte comment ça fonctionne, ce qu’il fait, comment il le fait. Il adore s’occuper des meutes et il est toujours serviable et attentif aux siens. Mon p’tit loup… Il y a deux hommes qui se lèvent de concert quand je rentre. Mi a l’air… de deux airs. Il m’étreint avec tendresse et ce petit quelque chose qui me dit qu’il est ému ou inquiet ou… c’est difficile de lire ses émotions, mais j’y arrive de mieux en mieux. Glorios se joint à l’étreinte. Il me caresse les cheveux rassurants. Quoi encore ? Je me détache d’’eux et me dirige vers les deux hommes qui sont restés tranquilles et immobiles, un sourire incertain sur les lèvres. Un peu guindés, non ?

 

-        Bonjour. Je suis Vera Lux.

 

Je leur sers la main. Leurs auras ne me disent rien, elles sont neutres, d’un doré très clair, sourd. 

 

-        Je suis Aiden Zaztine et voici mon compagnon Declan Zourtine.

-        Enchantée.

 

Nous nous asseyons.

 

-        Je prendrais bien un petit en-cas… si vous avez déjà…

-        Nous vous attentions, Bantiarna (Dame) Vera Lux.

-        Ben, me voilà.

 

Nous nous installons autour de la table de la véranda, il fait super bon ici et il y a même une douce chaleur d’un timide soleil qui apparait et disparait entre les nuages. Nous mangeons et buvons ce que Mikaïl a préparé, des petites crêpes et des gaufrettes succulentes. Le chocolat chaud est comme je l’aime onctueux et odorant, un régal pour mes papilles. Les deux hommes ont l’air aussi d’apprécier, j’adore ça. L’accueil avant tout. Mais je ne sais pas ce qu’ils sont. Ils sont Outre-Vivant, c’est clair, mais…  Je pose ma fourchette.

 

-        Excusez-moi si je suis indiscrète, mais… vous êtes de quelle origine ?

-        Nous sommes Draconites.

-        Des dragons ! Ah bon… je n’aurais pas pu savoir, là… et… que puis-je pour vous ?

 

Ils s’échangent un regard. Ce sont les enfants de ceux qui sont venus voilà sept jours. Je commence à voir une légère ressemblance avec leurs pères. Ils semblent gênés. Je ne vois pas pourquoi.

 

-        Je ne sais pas ce que je pourrais faire pour vous…  Je ne suis pas draconite, mais… la seule chose que j’ai souvent c’est que je pète le feu !

 

Je souris de ma blague pourrie, pas eux. Ils se rigidifient en regardant fixement Mikaïl.

 

-        C’est terrible ? As-tu été chez un fzusfalayana ?

-        C’est quoi un…

-        C’est un médecin. Nous sommes désolés de savoir votre problème de santé », si nous l’avions su, nous ne…

-        Quel problème de santé ?

-        Vous pétez du feu, c’est extrêmement douloureux et…

-        Masi… non… enfin, je veux dire c’est une expression pour dire que je suis très en forme…

 

Un air de consternation et de perplexité passe sur leur visage. Maintenant que je les regarde… ils sont vraiment pas mal… Comme tous les Outre-Vivant. Grands, un corps musclé, mais pas très, un peu conventionnel dans leurs vêtures et une mise soignée. Très en retenue. J’imagine que ça fait partie de la nature draconique. Glorios est mort de rire contre son mur. Ça m’aurait étonné, tiens. Je lui lance un regard d’avertissement. Il lève la main et se calme. CV, va !

 

-        Donc vous allez bien Bantiarna Vera Lux.

-        Oui, enfin, je crois bien. En tout cas, je me sens très bien.

-        Nous nous réjouissons de cela.

 

Je leur souris. C’est bizarre. C’est toujours le même qui parle, Declan, l’autre a l’air d’être son ombre. Enfin, s’ils sont contents comme ça…

 

-        Vous voudriez que je vous apprenne à vivre parmi les humains.

-        Oui.

-        Bien ! Vous connaissez la ville ?

-        Laquelle ?

-        Bruxelles, ses dix-neuf communes et celles à facilitées ?

-        Nous ne sortions que dans les grandes forêts. Mais nos parents et nos anciens veulent changer les Lois Draconites afin que nous apprenions à vivre parmi les vivants. Nous avons reçu une formation très aigue pour maîtriser nos capacités et Mikaïl continuera la formation et nous sommes sous sa responsabilité.

-        Parfait, alors ! Je crois qu’un petit Tour Visit s’impose alors et puisque vous allez vivre ici, vous aurez une idée de comment vivent des humains, mais… enfin, on va devoir compléter, ici c’est un peu plein de monde de partout, quoi !

-        Nous ferons ce qui vous semble le plus judicieux, Bant…

-        Vera, appelez-moi Vera, c’est mieux.

-        Vera. Ils sont installés dans la maison, Mi ?

-        Oui. Tiana est passé pour aménager la maison.

-        Je me demande comment fait cette vieille baraque pour s’adapter à tous ces changements structurels !

-        Tiana a renforcé les bases mêmes de la maisonnée.

-        Ah bien ! Aiden et Declan, c’est ça…

-        Oui. Je crois que le mieux est que vous preniez connaissance de la maison, du jardin et Mi va vous faire un petit tour du proprio…

 

Je regarde Mikaïl qui fronce les lèvres. Mais bon, je dois me préparer à leur donner des leçons de… et je fais ça comment moi ? Déjà que je ne suis pas certaine de savoir comment il faut faire pour vivre avec les autres humains ? Oh bon sang ! Bon, on va visiter Bruxelles, Glorios va me servir de chauffeur, je ne peux pas être guide et conductrice, hein !

 

           

2.

 

            Nous prenons le petit déjeuner. Je suis un peu déçue. Ils mangent des toasts qu’ils ont grillés dans le grille-pain. Comme dragon, ben, j’avais dans l’idée qu’il pouvait souffler dessus et hop ! Mais Mi m’a dit que ce n’était pas aussi simple, ni automatique, parce que cela demande une certaine énergie et les dragons sont pragmatiques et ne vont pas l’utiliser n’importe quand, ni comment. Du coup, je me suis sentie bête et la lippe que je tirais a fait que Mi m’a cajolé, une chose en amenant une autre… XXXL Carré blanc, quoi !  Donc, j’ai expliqué où on allait aller et ils m’ont écouté religieusement sans aucun commentaire, J’ai demandé s’ils avaient des questions, ils m’ont répondu qu’ils me faisaient entièrement confiance. Du coup, j’ai eu comme un coup de méfiance vis-à-vis de moi. Me demande si ça va l’fair’ ! Par contre… ils ont un bon coup de fourchette. Je suis vraiment ébahie de voir combien de toasts, ils ont ingurgité. Mi nous a tout préparés comme d’hab et tant mieux, parce que je n’aurais jamais pu leur préparer à manger comme il faut. Dani entre dans la cuisine. Je pousse une exclamation et me lance contre lui pour l’enlacer. Je le trouve de plus ne plus beau, mon petit. Quel beau jeune homme ! Whouna le suit. Je l’enlace aussi. Il a une aura d’un blanc clair et tranquille. 

 

-        Dani… mais tu n’es pas à l’unif ?

-        Ce sont les vacances scolaires, V !

-        Ah bon ? Depuis quand ?

-        Deux jours. Te bade pas, V, sont des vacances scolaires depuis longtemps sur le calendrier.

-        Ah bien, tant mieux. J’ai un peu de mal avec ces trucs d’agendas, de dates et tout le toutim !

-        Normal, V, c’est des temps trop conventionnels.

-        On va dire ça…

 

Me deux dragons se sont levés et ont salué Dani avec un peu de rigidité.

 

-        Nous sommes Aiden et Declan.

 

Ils désignent l’un et l’autre d’un doigt.

 

-        Ah oui, Glo m’a parlé de vous deux. Bienvenus. Vous avez bien choisi, V est top chanmé (très admirable) et je ne flambe pas en disant ça.

 

Ils se rigidifient et me regarde fixement.

 

-        Vous…

-        Tu…

-        Tu ?

-        Oui. On se tutoie, hein… on en a déjà parlé, on se tutoie, OK ?

-        Oui… Tu flambes, Vera ?

-        Non, jamais, c’est une mauvaise pratique de gaspiller de l’argent avec des jeux de hasard jusqu’à se ruiner.

 

Ils me regardent en écarquillant des yeux.

 

-        Non, V… t’as pas capté et eux non plus. Flamber, c’est se vanter… et donc, je ne me vante pas en disant que t’es vraiment top !

 

Declan et Aiden soufflent en riant un peu et ils se tapent cinq tous les trois. Ben, voilà, au moins ils savent un truc moderne. Bon début ! Declan et Aiden se tournent vers Whouna et se jette sur un genou, le visage sur le genou levé. On hon, encore des protocoles. Mais quelle idée, bon sang !

 

-        Relevez-vous, mes petits… cela ne se pratique plus.

 

Ils se relèvent surpris et un peu déconcerté surtout quand Whouna leur montre sa paume pour qu’il le check, ce qu’ils font avec un temps de retard.

 

-        Whouna vous accompagnera.

-        Ah bon ?

 

Je me tourne vers Mi qui déjeune tranquillement en souriant ironiquement. Je peux faire confiance à mes amours pour se marrer en douce.

 

-        Si ça te convient, ce sera un honneur et un plaisir de t’accompagner pour cette visite dans la capitale.

-        Bien sûr, tu sais comme j’aime me balader dès que je peux. Bienvenu, Whouna.

-        Oui, nous sommes honorés de ta présence avec nous…

 

Declan dit un mot qui est tellement fort que mes cheveux sont lancés en arrière comme par un coup de vent soudain.

 

-        Eh bé ! Vous faites aussi sèche-cheveux ou quoi ?

 

Ils me regardent fixement, ne sachant trop comment le prendre.

 

-        C’est une boutade ! Un peu chtarbée, mais bon, heu, j’aime bien quoi !

 

Ils me sourient incertains.

 

-        Appelez-moi Whouna, ce sera plus facile.

-        Bien… Whouna.

-        Je vais vous conduire au centre et je viendrai vous recherchez après votre…

-        Non, on reviendra en tram et bus comme cela, ils en verront plus sur les habitudes de beaucoup de gens.

 

Mi me sourit avant de m’enlacer et de m’embrasser.

 

-        Si vous êtes prêts, allons-y !

 

Dani nous salue en se goinfrant. Il reste ici avec Glorios. Des stud informatifs parfaitement rébarbatifs pour moi et enjoy pour eux. Chacun fait comme il le sent.

 

 

 

 

3.

 

            Whouna s’est assis devant dans le large break et je suis derrière avec et entre Declan et Aiden. Mi nous conduit. Il ne dit rien, se concentrant sur sa conduite, quant à nos deux sulfureux… Ils sont littéralement collés à la fenêtre. Un peu comme ces mômes qui le visage collé à une vitrine. Je ne dis rien tant je suis fascinée par leur fascination. Ils sont drôles. Je vois leurs yeux s’écarquiller furieusement avec chaque tronçon de ville que la voiture parcourt. Les quartiers s’enchainent aux quartiers avec leurs différences et leurs particularités. La ville est un ensemble hétéroclite architectural qui est surprenant. Pour leur première grande ville, ils sont servis. Comment définir une capitale qui ne sait sur quel pied danser ? Je ne connais pas leur lieu d’existence, mais je gage que ça n’a rien à voir ce qu’ils contemplent avec tellement d’ahurissement. Le ciel est uniformément gris et blanc sale. Un vrai ciel de Belgique pour ce que j’en sais.

 

-        C’est sale…

Declan se tourne vers moi et me regarde fixement. Ses yeux ont l’air de rubis. Surprenant. J‘imagine que ça peut vouloir dire qu’il est ému ou autre chose du même genre.

 

-        Oui. Bruxelles n’est pas la capitale la plus propre au monde. Il doit y en avoir de pire, bien sûr. Mais…

 

Je soupire profondément. Bruxelles ne cessera jamais de me décevoir, je le crains. Tant de potentiel et si peu de désir de se connecter à ce qu’elle est.

 

-        Elle sent mauvais…

 

Aiden me regarde en écarquillant les yeux doutant de bien faire en exprimant ce qu’il sent.

 

-        Oui. Pollution oblige. Normalement ils veulent régler le problème en empêchant le trafic de voitures de passer par bon nombres d’artères et de rues. Ça aidera sûrement. Espérons-le !

 

Mi arrive dans la rue Dansaert.

 

-        Je vous laisse ici… avec le piétonnier et les rues coupées au trafic…

-        C’est parfait, Mi.

 

Mes deux hallucinés regardent le bâtiment en face de cette rue. La Bourse. Même s’il est assez détérioré, l’édifice est assez incroyable et majestueux. Dommage qu’on ne fasse pas plus pour qu’il retrouve sa splendeur d’antan. Nous descendons. J’embrasse profondément Mi.

 

-        Amusez-vous bien !

-        Tu sais que tous ces sarcasmes seront comptabilisés plus tard pour ma vengeance ?

 

Mi m’attire contre lui, mon corps est à moitié entré dans l’habitacle et mes jambes battent un peu de l’air. Il m’embrasse profondément.

 

-        J’y compte bien, mon aimée. Et nous tous…

-        CV ! 

 

Mi me pousse doucement en arrière pour que je me stabilise sur mes deux pieds. Mes deux Dragonites sont déjà à mi-chemin du piétonnier.

 

-        Oh, bon sang, ils vont m’en faire voir de toutes les couleurs. Je n’ai pas dû être assez claire.

 

Je file vers eux et me place devant eux.

 

-        Oh là, tout doux mes gaillards ! Alors… une petite mise au point s’avère nécessaire ! Petit 1 : on reste près de moi. Petit 2 : on ne s’adresse à personne et on ne fait aucun geste déplacé qui mettrait en avant votre nature Outre-Vivant. Petit 3 : on me fait confiance pour gérer tous soucis survenant. Petit 4 : je vais veiller que vous passiez un bon moment. Compris ?

-        Oui, Vera.

 

Les deux m’ont répondu en même temps. J’aime bien quand ils font cela. Que la visite commence.

 

 

 

4.

            Lorsque nous sommes sur le piétonnier sur le Boulevard Anspach, il y a du monde partout. Mes deux curieux s’arrêtent net. Ils se mettent à tourner sur eux-mêmes, essayant de bien voire tout. J’imagine que c’est quelque chose d’instinctif, comme ce qu’ils feraient sous forme de dragon. C’est fascinant. Je sais ce qu’ils voient. Pour moi, c’est deux visions qui se superposent. Celle de l’endroit avec les voitures et autres véhicules sur le boulevard, mais ce qui n’a pas changer c’est la foule. Il y a toujours eu du monde. De fait, les escaliers en pierre de la Bourse était le lieu de rendez-vous privilégié et même un lieu de rester là et voir passer le monde. Ils s’attardent sur la Bourse.

 

-        Pourquoi elle a l’air si abimée et si isolée, solitaire, triste et repliée sur elle-même ?

-        Qui ?

-        Là.

 

Ils me montrent du doigt la Bourse. Je l’obverse, effectivement, elle a l’air un peu décati, j’imagine que le fait d’être partiellement souvent sous-employée lui donne cet air.

 

-        C’est un édifice, pourquoi vous en parlez comme si c’était une personne ?

 

Ils se regardent entre eux, puis m’envisage. Whouna s’est assis sur les larges marches et regardent le monde passé avec un air d’intense attention et d’observation bienveillante. Que peut-il encore voir de nous en ayant cet âge sans âge ? Je lui souris avec tendresse. Il est si merveilleux et si lumineux…

 

-        Cet édifice a été habité…

-        D’une certaine manière, il a servi durant très longtemps de Bourse, de là son nom… quelques expos itinérantes ont eu lieu aussi et autres spectacles… donc, oui il y a eu des gens dedans faisant des choses…

-        Habité, donc.

-        Oui, habité.

-        Elle existe donc et elle souffre.

-        Souffre ?

-        Oui. D’ailleurs… pratiquement tout souffre ici…

 

Ils refont un tour sur eux-mêmes avec un air de tristesse. J’écarquille les yeux et je regarde tout autour de moi. Rien de nouveau sous le ciel gris. Les mêmes édifices, les magasins et autres… enfin, l’habituel chaque fois que je viens ici. De fait… à part que je hais profondément les changements structurels faits au centre de Bruxelles… peu a changé. Si un jour j’ai senti un souffle d’authenticité et de personnalité urbaine, cela a disparu pratiquement. Je ne ressens que de la déception, de la haine et du mépris. Le Bruxelles de Brel est bien loin, je trouve, d’ailleurs… j’ai même la sensation que Brel parle maintenant d’une autre ville. Ce qui me laisse penser qu’enfant, Bruxelles n’était déjà plus celle de Brel. Dommage. Lamentable ! 

 

-        Tout est comme ici dans la cité ?

-        Je ne sais pas… on va voir, vous me direz ! J’ai l’impression que c’est vous qui aller me faire découvrir cette ville plus que moi !

-        Non, non ! Nous ne voulons pas nous interposer à votre enseignement.

-        Nullement, on a tous à apprendre toujours. On y va ?

 

Ils me saluent profondément et nous marchons à pas lent. De temps en temps je leur fais remarquer un détail architectural ou une curiosité, un souvenir lié à tel ou tel lieu, un café, taverne ou autre. Nous allons jusqu’à De Brouckère. Ils continuent à regarder tout avec fascination. Malgré leur déception de l’état animique de la ville, pour ainsi le dire, ils sont très curieux. C’est nouveau pour eux. Ça aide sûrement à ressentir cela. Nous stoppons devant ce qui sont un entre marchand actuellement, mais qui fut les Galeries Anspach, un magasin avec ses étages commerciaux où j’allais acheter de temps à autre avec ma mère. Toute une aventure. On passait la journée en ville et c’était un jour particulier, mémorable et surtout plein d’attentes. Alors que je suis là à signaler tel étage, tel balcon et autres détails, un homme pressé me bouscule en m’agressant verbalement.

 

-        Eh, tu ne peux pas faire attention, la vieille !

 

Automatiquement, Aiden et Declan s’approchent de l’homme avec une intention évident de remettre à sa place le malotru, mais je m’interpose.

 

-        Eh ! Tout doux… le MÔSSIEU…

 

Et je me tourne férocement vers le crétin.

 

-… s’est trompé et il n’a pas fait attention, c’est un accident, un petit incident et donc, MÔSSIEU va vite continuer son chemin, hein ?

 

L’homme me regarde, ensuite mes deux compagnons qui ont bien trois têtes de plus que moi et à mon avis, un air pas du tout amical, même un peu sulfureux, déglutit et fille sans demander son reste. Je le vois filer comme un dératé.

 

-        Ben, voilà, ça s’est fait ! Bon, on continue. Vous vous souvenez ? Les Dragons ont bonne mémoire, non ?

-        Oui, cela fait partie de nos facultés.

-        Bon à savoir ! Je vous conseille de vous rappeler donc, les recommandations ? Vous vous souvenez ?

 

Ils hochent la tête et me font une salutation. On n’est pas sorti du piétonnier !

 

 

 

 

 

5.

 

            Nous continuons la visite dans la capitale. Je raconte certaines anecdotes sur tel endroit, édifices, des souvenirs épars d’autres lieux. Il y a eu de tout, du touristique au banal, en passant par l’étrange architectural qui sévit partout dans la ville. Il est si étrange de voir combien une cité peut être si hétéroclite, comme si aucune architecture n’avait su comment y mettre son grain de sable sans une certaine cohérence. Je ne le comprends pas, mais c’est… Bruxelles. Nous sommes devant le Manneke Pis. Je leur donne certaines versions de ce qu’il représente, mais…

 

-        Pourquoi un enfant qui pisse ?

 

Je regarde mes deux jeunes élèves et fronce les sourcils.

 

-        Eh bien, vous savez le sens de cet enfant, les légendes…

-        Il y a aussi une fillette, que vous nous avez montré derrière ses grilles fermées et cadenassées.

-        Et un chien qui pisse en bronze au coin d’une rue, pas très loin d’ici.

 

Ils me regardent fixement en fronçant les sourcils. Je vois des lueurs passer dans leurs grands yeux en amande à la couleur tournant autour du bleu-violet qui, d’après ce que Mi m’a expliqué, fait partie de leur espèce et leur signe d’appartenance.

 

-        Les êtres qui pissent sont un signe particulier et d’appartenance à la ville de Bruxelles ?

 

Je les regarde à mon tour en écarquillant les yeux vélocement.

 

-        Non, non ! Non, enfin, non, quoi ! Enfin… mais non, enfin… non ! Bien sûr que non ! C’est juste… comme ça… après Manneke Pis, ben, c’était logique de faire une Jeanneteke Pis et un chien qui pisse.

 

Ils hochent la tête de concert en baissant les paupières. Ils font une légère salutation en ployant le buste légèrement. Je secoue encore la tête. Absurde ! Nous continuions la visite et nous allons dans une impasse. Il y a un bar ou un pub dans une petite cours intérieure où nous pourrons prendre une collation et une boisson. Nous entrons dans la ruelle et… Je me tourne vers eux et les trouve touchant les murs et prenant la pleine mesure de l’étroitesse de ce chemin qui ressemble à un couloir.

 

-        Ça ne va pas ?

 

Je les regarde regarder, puis regarde à mon tour, mais ne voit rien d’autre que ce que j’ai toujours vu là.

 

-        Un problème ?

-        Non.

 

Aiden me regarde et sourit légèrement.

 

-        C’est ancien !

-        Oui, je crois… enfin, l’ancien se rafistole ou se remodèle ou se rajeunit, enfin peu importe le mot, mais oui, ça doit être ancien.

-        Nous le sentons.

-        Et… ce n’est pas bien ?

-        Nous apprécions l’ancien… il est gage d’un temps vécu et qui perdure dans le présent, mais sans doute dans le futur.

-        C’est important ?

-        Nous sommes les Gardiens de la Mémoire de la Vie et de la Mort. Nous aimons ce qui est ancien. Nous allons prendre soin de connaitre les lieux anciens en profondeur.

-        D’accord ! Vous voulez que je vous emmène dans une Bibliothèque…

-        C’est fort gracieux de votre part de nous le proposer, mais nous avons d’autres moyens de prendre connaissance de certaines choses.

-        Ah !

-        Nous avons des strates de connaissances que nous étudions par d’autres moyens.

 

Declan me sourit en clignant des yeux, sa manière à lui de me dire qu’il ne sait pas m’en dire plus. Parce que, de ce que j’ai compris, ils sont prêts à partager des informations sur eux et leurs manières de vivre. Donc, s’il n’arrive pas à mieux expliquer, c’est qu’il n’y arrive pas.

 

-        Bon, ben, ça s’est fait ! On peut aller prendre quelque chose ?

 

Ils se regardent, perplexes.

 

-        Cela est-il courant d’aller prendre des choses comme cela ?

 

J’ouvre la bouche, la referme, la rouvre.

 

-        Non, je veux dire que nous allons consommer une boisson et manger un bout.

-        Oh, bien sûr. Excuse notre piètre connaissance des mots et des… expressions.

-        Pas d’excuses qui tiennent ! C’est normal et je suis là pour vous apprendre des tas de choses, hein ! On y va ! Je meurs de soif.

 

Ils s’arrêtent à nouveau et me regardent avec un air affolé.

 

-        Allons-y vite avant qu’une telle chose ne survienne.

-        Non, non, non ! C’est juste une manière de dire que j’ai très soif.

 

Ils soupirent de concert, ce qui ressemble à un violent coup de vent impromptu.

-        Bon, ben, on y va !

 

Et on y va.

 

 

 

 

6.

 

            Durant le petit intermède dans le pub ornementé à la mode ancienne, mes deux disciples regardent tout avec curiosité et aussi comme s’ils… scannaient les lieux. J’ai eu peur qu’ils ne commencent à sonder les murs ou le plafond qui bien que restaurés, semblent de facture ancienne. Rien de tel, heureusement. Ils se sont fiés à mes suggestions et vu leurs airs extasiés, je n’ai pas eu faux. Ils ont vidé leur chope et finalement ils ont gouté à d’autres bières. Vu leur descente, j’ai omis de dire le nombre de sorte de bières existant en Belgique et le lieu où on peut pratiquement toutes les trouver. Je garde l’info sous le coude, on ne sait jamais s’ils finissent par rouler sous la table et que je me fasse sonner les cloches. Nous avons continué le Tour Visit jusqu’au Palais Royal. Demain on fera les bus touristiques, ma meilleure façon de voir une ville, plus encore une capitale, à mon sens. Lorsque nous arrivons devant le Palais Royal, ils se figent, un peu comme les V. Ils observent longuement les bâtiments avec un air sombre. Je crains le pire.

 

-        C’est le Palais Royal.

-        Ce bâtiment est… malade.

-        Malade ?

-        Oui. Les pierres sont malades.

-        Par quoi ?

-        La solitude.

-        Quoi ?

-        La solitude.

-        Mais…  Il y a des visites annuelles et aussi… des gens qui sont là… enfin, je crois…

-        Insuffisant. Il s’ennuie.

-        Il s’ennuie ? Qui, quoi ? Le Palais ?

-        Oui,

 

Je les regarde ébahi.

 

-        Mais… c’est un bâtiment, un édifice, une maison… enfin quelque chose d’inanimé. Et donc il ne peut pas s’ennuyer, ni être malade.

 

Ils me regardent fixement et soupirent longuement, ce qui crée un petit panache de fumée évanescent.

 

-        Rien n’est inanimé en Terre. Vous ne pouvez le voir, ni le sentir, mais les édifices sont tous très malades et solitaires. C’est triste. Triste.

 

Ils soupirent encore avec ce petit panache de fumée, puis se penchent en avant et saluent le bâtiment.  Ils émettent une sorte de grondement bas qui ondule dans l’air et va vers le Palais. Il s’insinue dans les murs et j’ai l’impression que les bâtiments s’ébrouent légèrement. OK ! Je vais de mieux en mieux.

 

-        Bon, ben, ça s’est fait ! Si on rentrait, hein ? Vous allez adorer le métro. Oui, oui, le métro, ça être tof in the hof !

 

Je ne me suis pas trompée quand j’ai pensé que le métro ça allait être que’qu’chos. Ben, ça été ça et encore pire. Fallait voir leur tronche quand on était sur le quoi bondé dans la station, puis dans la rame et enfin quand nous sommes descendus. On aurait dû prendre un tram pour arriver jusqu’à la maison, mais ça été.

 

-        NON !

 

Et leur tête… j’ai eu la pétoche qu’ils rugissent ou pire. Donc, j’ai tergiversé, bien sûr !

 

-        Bon, inutile de se transformer en dragon ! On va marcher. Ça va nous faire du bien.

 

Un autre panache de fumée. Nous nous mettons en marche. Leur visage fermé m’impose. Ça promet pour le reste de la visite de la ville. Quand nous rentrons finalement, je suis épuisée, Declan et Aiden ont apprécié le trajet et ils ont mêm complimentés les parties composées de verdure. Ils ont juste été triste des arbres plantés ici et là dans certaines rues et avenues, Ils ont un regard triste en les voyant et en caressant leurs troncs.

 

-        Ils sont épuisés et en bout de vie. Ce ne sont pas des endroits pour qu’ils puissent vivre bien.

 

 Je ne pose aucune question. Ils ont l‘air d’en savoir beaucoup sur la question et moi, j’ai ma dose, là.  Quand nous arrivons dans la cuisine, Mi et Glo sont morts de rire. Je souris, très heureuse de les voir heureux. Ils sont si magnifiques. Une personne qui rit ou sourit est aussi belle que la plus grande merveille du monde. Cela fait chaud au cœur, cela me donne envie de fêter, de rire, de sourire et de remercier aussi. C’est à chaque fois une sorte de cadeau particulier. Ils nous regardent et nous demandent d’entrer et de nous installer. Nous le faisons. Glo se calme pendant que Mi nous prépare un goûter tardif. Il aime faire cela. Nous attendons sans le demander de savoir ce qui les faisait rire.

 

-        Je vais vous la raconter… c’est tellement…

 

Il rit plus fort encore et nous commençons à rire aussi, sans trop savoir pourquoi, mais c’est communicatif et sans doute contaminant. Il se calme assez pour nous parler entre deux hoquets de rire.

 

-        Un ami wasapé pour me raconter qu’il a rencontré sa femme de sa vie actuelle. Et lorsqu’ils sont sur le point de s’aimer, elle lui dit : ça ne me dérange pas si tu me mords, mais as-tu lavé tes dents ? L’hygiène buccale est très importante.

 

Et d’éclater de rire derechef accompagné par un Mi qui le rejoint dans l’hilarité. Nous les accompagnons dans le rire plus par courtoisie que parce que ça nous amuse vraiment. Blague CV, quoi ! Declan et Aiden sourient amplement, mais ils sont aussi déroutés que moi, tant mieux. Whouna arrive dans la pièce. Il nous a faussé compagnie à un moment donné dans notre parcours de visites, mais il m’a envoyé un message dans ma tête, me disant qu’il se devait d’être ailleurs. Mes deux élèves n’ont rien dit, totalement subjugué par Whouna. Ne m’étonne pas.

 

-        Asseyez-vous tous, nous sommes au complet. J’ai préparé un bon souper pour vous requinquer. Connaissant notre mayame, cela a dû être mémorable. Après, vous pourrez avoir votre soirée.

 

Declan et Aiden font un bref salut et s’assoient avec un évident plaisir. Vu les odeurs, Mi a encore fait un petit miracle culinaire. Je saurais le remercier comme il se doit plus tard.

 

 

 

 

7.

 

Mes amours sont couchés sur le lit en tenues légères de futur dodo et je déambule devant eux. J’évite de trop les regarder, ils sont tellement, tellement, tellement… waouh… chaud devant ! Carré blanc XXXXXXXXXXXXXXLLLLL, enfin si vous voyez, quoi ! Quoi ? J’exagère ? T’aimerais bien, hein ! Ben tiens, c’est encore que ce que tu rêves, na ! Je jette un regard et ils m’excitent tellement… mais non ! Je suis fâchée, pas question, point barre !

-        Vous vous rendez compte que c’est comme lâcher des dinosaures dans la ville ! Ils sont inconscients de la réalité, merde !

 

Ils se redressent comme un seul homme.

-        Ont-ils été un danger direct pour les citoyens ?

-        Pourquoi ? S’ils sont dangereux indirectement, c’est bien ?

 

Ils froncent les sourcils en me regardant fixement.

-        Non ! Non ! Non ! Evidemment non ! Mais… ils n’ont aucune idée de comment ça fonctionne dans une vielle et encore moins dans une capitale, avec les touristes et tout le toutim habituel !

-        C’est pour cela qu’ils sont ici et qu’ils vont avec toi pour que tu leur enseignes comment cela fonctionne.

-        Tu le fais express ou quoi, Glo ? A moins que tout ça te fasse marrer à donf !

-        Un peu des deux !

-        Argh !

 

Je m’élance contre lui et c’est bien ce qu’il escomptait pour me serrer contre lui et m’embrasser goulument. Je me déprends.

-        Lâche-moi, grosse bête flapie ! Je suis fâchée !!!!  Trèèèèèèèèsssss fâchée, donc pas touche.

 

En une seconde je suis debout devant le lit et lui se recouche en prenant cette pose sexy et nonchalante qu’il sait que j’affectionne, mais qui m’irrite aussi beaucoup.  Je leur tourne le dos, mais juste le temps de renouer avec mon irritation. Je suis fâchée. Je me tourne vers eux.

 

-        Donc, avant d’être interrompue de façon extrêmement grossière par un sagouin dentu, …  C’est de la folie ! Vous ne vous rendez pas compte… ils sont complétement out… normalement les touristes sont un peu… out, mais bon, on gère, quoi, mais là… ils n’ont aucune idée de comment est la population humaine lambda.

-        Mais tu es là pour les guider à avoir un aperçu assez ample et juste de cela.

 

Je secoue la tête en soupirant profondément.

 

-        Ce sont des dragons… je fais quoi si jamais ils se mettent à fumer, hein ?

-        Whouna est là et nous aussi.

 

Je ne peux pas le contester et Whouna peut très bien sauver n’importe quelle situation, mais… John se retrouve près de moi et s’enroule autour de moi. Je lui caresse les bras.

 

-        Tu es inquiète et tu as peur que les choses dérapent, ce qui est tout à ton honneur et crois-moi, leurs pères ont pensé à cela et comptent sur ta dextérité et ta grande conscience. Ils ont confiance en toi et à juste titre. Viens au lit avec nous, nous allons te détendre.

-        Un massage groupé…

-        Et plus si affinités…

 

Je donne une tape sur Glorios en me couchant entre eux. Mikaïl se poste devant moi et m’installe sur le ventre de manière çà ce que tout mon corps soit aligné et détendu. John prend mes pieds et Glorios commence avec mon dos. Lentement, mais sûrement, je me sens me détendre au point de décrocher lentement de ma conscience. Je ne suis plus que sens du bien-être, du plaisir, du détachement, de la relaxation tant mentale que physique et bientôt tout me semble si peu important. Je soupire d’aise et mes amours me laissent m’installer dans cette félicité. Lorsque je réintègre les lieux et leurs présences, je les regarde longuement. Le reste…. Cherchez dans votre vie un stud du genre, ben, tiens ! Moi j’ai aut’chos’ à faire que tout vous expliquer, hein !

 

 

 

 

8.

 

               Nous avons les meilleures places dans le bus touristique. Devant, avec la vitre et la capote rouge fermée au-dessus de notre tête. Bien ^sur, vu leur haute taille, ils sont juste un doigt en-dessous d’elle. S’il y a du vent, ça ne va pas le faire, mais bon… le bus touristique, c’est incontournable. Ils s’installent le mieux possible.

 

-        C’est une tradition ?

-        Quoi ?

-        Ce bus.

-        Non, pas exactement. Mais c’est la meilleure façon de voir toutes les choses touristiques d’une ville aussi grande qu’une capitale.

-        C’est payant ?

-        Oui.

-        Nous te devons donc…

-        Ah non, nous n’allons pas commencer comme ça ! Vous verrez ça avec Glorios ou Mikaïl. Ce genre de discussion, ça me rend incandescente !

 

Ils se regardent fixement ;

 

-        Que pouvons faire pour que tu ne le deviennes pas ?

-        Quoi ?

-        Incandescente.

-        Je… mais c’est juste une expression… je ne le deviens pas vraiment, sauf que je m’‘échauffe les sangs et alors, je bous.

-        Mais, mais…

 

Voilà qu’ils se mettent à bredouiller.

 

-        Glorios et Mikaïl le savent ?

-        De quoi ?

-        Que tu t’échauffes et que tu bous ?

-        Oh, bon sang !

 

J’entends Whouna et Dani pouffer de rire. Dani voulait nous accompagner, même si j’ai des doutes quant au fait qu’il ne doive pas aller à l’unif. Enfin, je crois qu’il a fini ses cours et qu’il doit maintenant rendre son mémoire ou je ne sais pas quoi. Il m’a convaincu en disant :

 

-        Yo, V ! C’est de l’histoire, c’est comme apprendre à l’unif. Te bade pas, V. C’est tof dar!

 

Et j’ai donc acquiescé non sans l’avoir dûment sermonné sur son comportement avec nous. On ne sait jamais ! Et il est là et il se bidonne. Quant à mes deux dragons… je vais devoir choisir mes mots, j’ai horreur de ça, mais bon, vaut mieux, sinon ça ne va pas le faire !

 

-        Bon, peu importe. On démarre. Mettez les oreillettes…

 

Je place l’autre bout dans l’endroit ad hoc pour qu’il écoute la bande sonore des commentaires explicatifs sur tous les lieux et autres édifices que l’on va voir en parcourant le trajet. C’est parti mon kiki !

 

 

 

 

9.

 

            Voilà une demi-heure que nous sommes partis et mes deux gaillards sont sous le charme. Ils se penchant en avant, scrutent tout avec une admiration incroyable. Il semble que la sélection des édifices et autres ainsi que les lieux choisis leur conviennent. J’apprécie cela. Je connais assez bien ces parcours pour l’avoir pris assez souvent lorsque j’ai eu des visiteurs. Un bon moment à passer et toujours d’actualité, puisque ces bâtiments anciens n’en sont plus à une année de plus de leur existence. Ils écoutent religieusement les commentaires et quelquefois font des commentaires sur les commentaires entre ceux dans un langage rocailleux, caverneux et à la fois sifflant. Leur ton est bas, mais très audible. Je l’entends malgré mes audiophones.  Dani parle avec Whouna. Il semble qu’ils sont souvent venus ici sur la demande de Whouna qui voulait bien connaître la ville et ses trésors. Aiden enlève une de ses oreillettes.

 

-        Toutes ces merveilles sont le trésor de quelqu’un ?

-        Trésor ? Dans quel sens ?

-        Dans le sens de richesses appartenant à quelqu’un.

-        Je ne sais pas, mais ça m’étonnerait. Beaucoup sont des bâtiments ou des lieux qui sont des propriétés archéologiques de la capitale ou d’un autre organisme qui s’occupe de la protection du patrimoine. D’autres doivent appartenir à des personnes qui gère ce légat si cela vient de leur famille. Mais vu le coût des restaurations et du maintien de tels lieux, ça ne doit pas être facile de garder son héritage. Et maintenant, on privilégie beaucoup tout ce qui entre dans un organisme officiel de protection.

-        Pourquoi ?

-        Pourquoi quoi ?

-        Pourquoi donnerait-ton un trésor qui nous revient de droit par loi de lignage ?

-        Je ne peux pas te dire, c’est sans doute différent pour chaque famille. Mais… disons que permettre au public de profiter de telles merveilles est quelque chose que je trouve génial ; Si cela n’appartenait qu’à quelques-uns, ce serait vraiment dommage pour le monde entier.

 

Il réfléchit intensément. Declan a suivi notre échange, mais ils continuent à observer tout avec un très grand intérêt.

 

-        Je crois que je comprends. Mais je pense toujours qu’il est essentiel de garder ses trésors pour soi et sa lignée.

 

Je fais la moue. Je sais que les Dragons ont ce truc avec les trésors et je peux comprendre jusqu’à un certain point, mais je maintiens ce que je dis comme dans res publica. Les choses publiques, ben ça quoi, public dont je fais partie.  Le voyage de ce premier tour termine. Il y a le deuxième tour qui visitera une autre partie de la ville. Mais l’heure de manger des moules et puis des frites est venue. J’ai la dalle ! Nous descendons au terminus qui se situe sur une rue donnant sur la Cathédrale Sainte Gudule et Michel, les deux protecteurs de Bruxelles. Nous l’avons visité hier en coup de vent, car ils allaient fermer peu de temps après. Ils ont détesté. Au départ j’ai cru que c’était parce que la visite était écourtée dû aux circonstances. Mais ce n’était pas cela. Ils ont regardé tout en faisant un tour sur eux-mêmes pour bien voire tout l’espace et ils ont grogné. J’ai un instant crû que cela allait mal se passer, genre se transformer, mais… ce n’était pas ça. Ils ont vu ma tête et ils m’ont fait une brève inclinaison du buste pour me faire comprendre que tout allait bien. Nous sommes sortis et sur le parvis, ils ont regardé longuement les tours et tout le haut de la Cathédrale. J’étais sur le qui-vive et perplexe.

-        Ça ne va pas ?

 

Ils m’ont regardé fixement.

 

-        Tout va pour leur mieux, Vera. Mais…

 

Ils se sont regardés entre eux.

 

-        Cet édifice a perdu son authenticité.

-        Comment ça ?

-        On l’a restauré er renouvelé et il a été dénaturé.

-        Masi… il tombait en ruine.

-        Sans doute, les outrages du temps, mais sa restauration a été faite par professionnalisme et très bien, mais il a manqué de son esprit d’antan.

-        Esprit d’antan ?

-        Une marque de leur pérennité au début de leur existence et un gage pour sa continuité à travers les siècles.

 

Je n’ai rien su dire. Ils me parlent de chose dont je n’ai aucune idée. Ceux qui se trouvaient dans le bus avec nous se sont éparpillés. Mes deux élèves regardent à nouveau la Cathédrale avec un air d’affliction profonde. Je ne sais même pas ce que je pourrais dire pour les consoler. Et d’ailleurs de quoi ?

 

-        Ça vous a plu ?

 

Ils se tournent vers moi et me sourient à pleines dents. Une dentition splendide.

 

-        Oui ! Et tout ce que nous avons vu était en excellent état.

-        Avec l’esprit d’antan ?

-        Avec l’Esprit d’Antan.

-        Okido, alors ! On va aller manger. Moules et frites ?

 

Ils froncent le sourcil, dubitatif.

 

-        Une spécialité de la Belgique. Vous allez adorer.

 

Ils hochent la tête, pas trop convaincu. Qu’à cela ne tienne, ils vont goûter ce qu’ils vont goûter !

 

 

 

 

 

10.

 

            Voir mes deux élèves observer la cassolette de moules, puis les frites et enfin se lancer à goûter avec des ruses de Sioux en état dépressif était complètement waouh ! Lorsqu’ils ont enfin mastiqué suffisamment, ils se sont regardés et alors… la ruée, pas vers l’or, mais vers les moules ! On a l’Eldorado qu’on peut ! Ils ont demandé une deuxième cassolette, puis une troisième. A la sixième, ils étaient rassasiés. Dani était ravi de cet appétit quant à Whouna… Fair-play pour changer ! J’ai fini la mienne tout en restant ébaubie de leur appétit. Ils apprécient assurément leur plat. Tant mieux. Je pensais qu’ils étaient repus, mais ils ont choisi trois desserts. Je n’ai rien demandé tellement j’étais époustouflée. Mi ne m’avait pas dit que les dragons mangeaient autant. Nous finissons par un café et je dépose ma tasse.

 

-        Ça vous dit qu’on fasse le deuxième Tour en bus ?

Ils boivent jusqu’à la dernière goutte de leur café Liégeois après avoir dévoré un café gourmand. Je ne sais pas si c’est parce qu’ils brulent littéralement leurs calories, mais c’est impressionnant !

 

-        Bien sûr ! Nous avons adoré ce parcours en bus. Nous vous en sommes reconnaissants ! Et de ce repas aussi. Nous tenons à payer la note.

 

Je ne vais pas refaire le même discours.

 

-        Je ne vais pas me chauffer, là, mais… non, vous voyez avec Mi ou Glo et fissa !

 

Dani me regarde fixement, quant à Whouna il me caresse la joue ce qui me calme automatiquement. Toute cette situation me dépasse un peu.

 

-        Bon, ben, on y va alors.

 

Le reste du périple en bus touristique est aussi surprenant et agréable que celui de la matinée. Je suis heureuse de les voir jouir de tout ce qu’ils voient. J’ai demandé s’ils voulaient descendre et visiter l’un des édifices, mais ils n’ont pas voulu. Ils préféraient prendre le pouls de la ville par ces trajets. J’avoue que je ne vois pas trop le rapport, mais vu leur vision des choses, pas étonnant ! Nous revenons à notre point de départ et mes deux dragons sont complètement extatiques. Dani a décidé de leur expliquer comment c’est la vie estudiantine niveau unif. Ils rient beaucoup, c’est ça le fossé des générations quand des jeunes se comprennent entre eux et qu’on est légèrement out. Bon, ben… on va rentrer, je crois, histoire que je me sente moins désemparée de ce que je suis déjà. Whouna me prend contre lui un instant et cela me soulage comme toujours. Il me caresse les joues et me prend le bras. Cela me fait du bien. Ma réputation me précède. Ben, je suis alors à la traîne avec cette histoire de pouvoir aider les Outre-Vivant. Durant le trajet vers le bus - j’ai décidé que le métro était une expérience à éviter – qui va nous amener jusqu’à la maison avec trois-quarts d’heure de plus, mais bon, il n’y a pas de petit sacrifice quand il s’agit de bien-être. Nous finissons par rentrer et mes deux disciples décident d’aller prendre un bain. En fait, ils n’apprécient pas les douches, ce que je peux comprendre. Ils vont végéter dans un bain qui a été aménagé à leur intention. Je suppose qu’ils ne se transforment pas. Je ne sais pas combien de temps ils peuvent rester sans se transformer. Je devrais demander, on ne sait jamais. D’ailleurs, je devrais en savoir plus sur les dragons, mais je ne sais pas si c’est vraiment adéquat ! Je vais à la véranda. Je m’effondre dans mon transat et je regarde le ciel partiellement dégagé. Je soupire et je me sens…

 

-        Ma petite douce, puis-je être avec toi ?

-        Whouna… bien sûr. Viens…

 

Je lui fais une place dans le transat extra-large. Il me prend contre lui et je me laisse aller.

 

-        Les Dragons sont issus de l’imagination de la Création. Ils sont des Gardiens et des Protecteurs. Ils ne peuvent aller facilement dans l’Univers Humain, ils sont trop… nature. Leur innocence est un désavantage.

-        Mais ils considèrent les choses et les lieux comme des trésors.

-        Ils considèrent les objets selon un angle différent. Les lieux, les objets sont réels pour eux comme des êtres vivants. Ils prennent soin d’eux avec une grande puissance. Ils sont très forts et très assujettis une famille et un clan. Je ne peux t’en dire plus, sauf qu’ils te considèrent comme de leur famille, ils te seront légaux et légaux jusqu’à la mort.

-        Je n’en demande pas tant.

-        Tu n’en as pas besoin, cela fait partie de leur nature.

-        Je ne sens un peu… déconcertée et je ne sais pas si je pourrais vraiment leur être utile.

-        Rien de ce que je te dirai te convaincra du contraire. Je vais juste te dire d’être toi-même et de continuer à les instruire comme il t’a été sollicité.

 

 

Je soupire longuement et me serre contre lui. Petit à petit, je me détends et me sens dériver. Whouna a un lent soupir cadencé qui me berce doucement. Je me laisse aller dans cette douceur et… Black-Out !

 

 

 

 

11.

 

                        Nous avons décidé de faire un Tour par voiture dans tous les endroits et autres lieux que nous n’avons pas parcouru avec les bus touristiques.  Nous avons déjà fait le tour des quartiers autour de chez nous et ils étaient morts de rire en voyant les jardins des maisons et ceux des blocs d’appartements que nous avons été voir de plus près. Quand nous étions devant, ils sont restés figer durant de longues minutes, regardant en l’air, envisageant tous les étages, les terrasses. Ils se sont tournés vers moi.

 

-        Qui vit ici ?

-        Des gens.

-        Ce sont des clapiers.

-        Euh, non, pas vraiment, les appartements sont assez grands souvent. Mais bon, si vous vivez dans un endroit avec beaucoup d’espaces, je comprends le sentiment.

-        Ces gens sont fous de vivre là-dedans.

-        Euh… question de point de vue. Tout dépend des ressources dont ils disposent… je suppose que certains ne peuvent vivre ailleurs… c’est difficile d’avoir une idée générale de situations qui sont personnelles et individuelles.

 

Ils m’ont regardé fixement, puis ont continué la promenade. J’ai jeté un dernier coup d’œil aux habitats. Question de point de vue ?  Chaque fois que nous croisions un jardin, ils riaient de plus belle. Quand nous sommes entrés dans un jardin public, ils s’arrêtaient, une expression atterrée sur leur visage. Ils ont fini de calculer les lieux et m’ont regardé.

 

-        C’est ici que vous venez vous promener ?

-        Euh oui… normalement… enfin, ceux qui veulent.

-        Vous êtes fous de venir ici.

-        Pourquoi ?

-        Ces lieux sont contaminés. N’entendez-vous pas combien la végétation gémit et souffre ?

 

Je tends l’oreille.

 

-        Non, pas vraiment, mais nous n’avons pas une ouïe super développée non plus. Enfin, je veux dire les humains, en général.

-        Ne le sent-tu pas, Yanma Vera (Suprême) ?

 

Je respire plus fort, mais à part les odeurs habituelles, je ne sens rien de spécial.

 

-        Euh… non… pas vraiment…

 

Ils se regardent fixement, puis continuent la balade, en riant à gorge déployée et en ponctuant de…

 

-        Vous êtes fous de venir ici, de vivre ici…

 

Je n’ai plus rien dit. J’avais dans l’idée d’aller dans un bois et une forêt, je fais l’impasse.  Je ne veux pas savoir ce qu’ils en penseraient. Le voyage en voiture que nous faisons a commencé dans le silence, puis ils n’ont pas arrêté de parler et de s’exclamer dans une langue rocailleuse et sifflante. Glo et Mi lui répondent dans le même langage et les rires vont bon train.

 

-        Merci de m’inclure dans la discussion !

 

Quoi, je suis vexée ? Non, peut-être. Finalement, ils ont fait les commentaires en français. Je retire ma remarque. J’aurais préféré tout compte fait ne pas être incluse dans la discussion. 

 

-        Mais enfin, Mikaïl, les gens sont fous de vouloir vivre dans de grandes métropoles comme celle-ci. Sont-elles toutes aussi… détériorées et mourantes ?

-        Y’a pire.

 

Ils ont hoché la tête, sévères et sérieux, comme si cela leur semblait normal. Nous sommes rentrés, j’étais vannée. J’ai englouti dix crêpes, trois chocolats chauds et un café pour redevenir moi-même, sereine, tranquille, dans la maitrise. Puis ils ont dit qu’ils voulaient aller dans un club de filles « à la tenue légère ». J’ai donc englouti trois crêpes supplémentaires, Glo était écroulé de rire et j’ai vu le dos de Mikaïl tressauter en même temps que la poêle. CV ! Et mes deux crétins écailleux d’arborer une mine réjouie devant les réactions de mes deux amours. Je ne vais pas y survivre à cette mission. Mikaïl me prend dans ses bras alors que je tressaute de rire, de concert avec lui et la poêle. Je ne vois pas ce qu’il y a d’hilarant dans tout ça.

 

-        C’est terriblement sexiste et malvenu.

 

Ils cessent de rire. Je regarde mortellement sérieuse les présents dans la cuisine.

 

-        Il n’y aura pas de visite dans de tels lieux qui devraient être interdits, parce que généralement les femmes qui s’y trouvent n’y sont pas de leur plein gré. Il s’agit d’exploitation d’êtres humains que les propriétaires de tels lieux proposent comme un négoce normal et légal.

-        Pourquoi le tolère-t-on alors ?

-        Il faudrait le demander à qui de droit.

-        Et qui est cette personne.

-        Les politiciens, ceux qui font la loi, pas moi ni beaucoup qui sommes contre cela pour une question d’humanité et de liberté. La question est complexe, j’imagine et je ne connais pas bien le sujet, mais je suis certaine d’une chose, il y a quelque chose de vicié dans ce genre de « commerce ».

 

Ils hochent la tête comme s’il voyait très bien ce dont je parle. Ils ont de tels clubs chez les Draconites ? Je les regarde avant de boire un autre café. Demain je prévois des cours pratiques gratinés autour des us et coutumes des gens, on ira au resto, dans un de malbouffe comme on dit, puis à la Basilique de Koekelberg. On peut y entrer, on ira tout en haut, cela devrait leur plaire.

 

 

 

 

12.

 

                           Je me promène de long en large dans une de mes vérandas. Il semblerait que j’en ai plusieurs, mais j’ai arrêté de m’inquiéter pour l’envergure de ma maison et ses extensions. Niveau de ces dernières, je ne connaissais que celles qu’on fait chez les coiffeurs, erreur, il y en a d’autres. Demandez à Tiana si vous ne me croyez pas. Quoi, vous ne connaissez pas Tiana ? Pas mon problème, démerdez-vous ! Mes deux padawan me regardent aller et venir comme s’ils assistaient à un match de tennis. Je n’aime pas le tennis. Je m’arrête devant eux après un mouvement chelou hyperrapide qui leurs font se reculer sur leur dossier de chaise.

 

-        Nous allons mettre sur pied quelques règles de base.

 

Je les vrille d’un regard acéré. Ils acquiescent avec la tête.

 

-        JE NE VEUX PLUS ENTENDRE LES MOTS : VOUS ETES FOUS ! Capice ?

 

Ils acquiescent encore de la tête.

 

-        Parce que je vous jure bien que si vous pouvez cracher du feu, moi je peux cracher plein de venin et ce ne sera pas génial pour vous !

 

Ils se regardent.

 

-        Vous pouvez cracher du venin ? Glorios et Mikaïl le savent.

-        Mon Dieu, donnez-moi la patience !

-        Vous avez un Dieu qui peut vous donner de la patience ? Peut-il aussi vous donner d’autres choses ?

 

Je me laisse tomber dans le transat.

 

-        Je ne vais pas y arriver !

-        Ce que je veux dire, c’est que je ne veux plus entendre des critiques. J’imagine bien que dans votre monde, espace ou je ne sais quoi, les choses soient différentes et… mieux, mais… vos pères ont voulu que vous appreniez à vivre avec les humains et… nous sommes comme cela, pas évident et pas toujours très clairs, ni même très logiques… mais on a de bons côtés aussi. Vous verrez. Mais avant… il faut que vous appreniez nos us et coutumes. Nous irons à un fastfood, puis on fera des cours de récréations… il fait beau, vous verrez comme cela se passe. Nous irons dans un centre commercial, puis dans un centre de sports, un centre hospitalier - ça peut toujours être utile, même si je ne sais pas si leurs soins seraient valables pour vous - et on terminera, sans jeux de mots, avec un home. Je vous recommanderai des documentaires à voir sur YouTube ou ailleurs. Dani me prépare un échantillon exhaustif. Mais… la seule manière de comprendre comment sont les humains, c’est de vivre avec eux et parmi eux. Cela ne vous donnera pas toutes les clefs pour les comprendre, mais c’est un début.

-        Les humains ont des portes par lesquelles ils montrent qui ils sont ?

 

Je soupire profondément. J’entends quelques fous rires étouffés. Je me lève d’un bond.

 

-        Ne bougez pas, je reviens tout de suite.

 

J’arrive dans la cuisine où mes trois amours – quand est arrivé John ? Je gage que Glo l’a rappelé pour lui faire miroiter des moments marrants, tel que je le connais- sont morts de rire.

 

-        Vous ! Sortez immédiatement de la maison et aller voir ailleurs si j’y suis ! Et fissa, encore !

 

Je reviens vélocement dans la véranda où mes deux cracheurs de feu n’ont pas bouger.

 

-        Fiurna (Grande Dame) Vera… comment peuvent-ils vous trouver ailleurs si vous êtes ici avec nous ?

 

J’entends un énorme éclat de rire avant que la porte d’entrée ne se ferme sèchement.

 

-        Dani va vous faire un florilège avec les expressions langagières que je risque d’utiliser, ça ira plus vite, hein ! Maintenant, on se concentre sur ce que je vais dire.

 

Durant une demi-heure, je leur explique le fonctionnement d’une journée lambda d’une personne qui travaille, autrement dit, une très grande partie de la population. Quand je termine, je passe sur les personnes qui ne travaillent pas et le reste. Je suis certaine d’avoir oublié des tas de choses, mais… vous sauriez vous comment expliquer en peu de temps le comportement humain où tout simplement qu’est l’Humanité ? Bonne chance avec ça ! Même les Encyclopédistes y ont perdu leur latin, alors…

 

-        Des questions ?

 

Ils se regardent entre eux en fronçant les sourcils. Ils secouent la tête.

 

-        Okido ! On va passer aux visions pratiques, vous verrez plus clair.

 

Ils hochent la tête, plus perdus que jamais. Ben, voilà, qu’est-ce que je disais, hein ? L’Humanité égale une équation avec rien que des inconnues !

 

 

 

 

13.

 

            Nous décidons de passer la soirée à la maison où Dani a donné une Tablet à chacun (cadeau de Glo, mais d’après ce que j’ai compris, ils ont pas mal d’argent. Des sortes d’héritages et… si ce que l’on dit des Dragons est vrai, alors ils ont de la fortune, genre Onc ’Picsou) avec les différents documentaires et autres sur l’Humanité comme je lui ai demandé. Mais comme Dani est Dani et toujours très… créatif, il a aussi décidé de trouver des films et des séries où il est question de Dragon. Je crois qu’il a laissé de côté les jeux vidéo et autres pour plus tard. Je ne sais pas si l’engueuler ou lui être reconnaissante. Je crains le pire. Nous avons mangé ensemble et j’avoue que la tablée a été des plus joyeuses. Nous avons beaucoup ri et je me suis détendue. Je les aime bien, même si quelquefois ils me dépassent. J’aime que Mikaïl se sente si à l’aise avec les deux jeunes. Je ne sais pas quel âge ils ont, mais cela doit se calculer sur des millions d’années. Mi est toujours un peu sur la défensive, je crois que c’est plus une manière de se protéger que de se tenir éloigné des autres. Cela fait partie de sa manière d’être. Il me raconte des choses sur son passé tant quand il était humain que plus tard quand la Civilisation est apparue, assez primaire, mais déjà structurée basiquement. Je vois aussi des images lorsque nous nous aimons, mais elles se mêlent à celles de John et de Glorios et je commence à peine à les différencier. Ils n’ont pas la même vision de leur vécu. Difficile d’expliquer, mais je peux les départager. C’est comme s’il avait une signature, un peu comme un artiste qui crée des œuvres différentes, mais qu’on reconnaitrait sa marque, son style.

 

-        J’ai une surprise pour vous.

 

Il n’a pas révélé à mes deux élèves de la petite surprise de films et de séries sur les Dragons. Je suis certaine et sûre que ce sera tout feu, tout flamme.

 

-        Suivez-moi !

 

Mi commence à débarrasser la table, mais je me place à ses côtés et lui retire le plat sale des mains.

 

-        Non ! Tu as concocté ce délicieux repas et c’est bien assez. Détends-toi avec tes amis et je te rejoins après.

 

Il me regarde, caresse mes joues.

 

-        Tu es certaine, mon aimée ?

-        Mi, tu es toujours aux petits soins avec nous tous, tu mérites ce petit geste et plus encore…

 

Je me soulève sur la pointe des pieds et l’embrasse délicatement et longuement. Je l’aime temps. Il me serre doucement contre lui, sa tendresse à fleur de peau.

 

-        Merci, mayame…

 

Je soupire longuement. Cela va me faire du bien de faire un truc si banal. C’est le bon côté des tâches ménagères, ça vide la tête et ça tient occupé les mains. Dix minutes plus tard et un lave-plats en marche, je me dirige vers le grand salon qui est surtout le domaine de Dani en temps normal. Il a placé toutes sortes d’écran et autres pour voir, jouer et passer du bon temps virtuel. Whouna y passe aussi beaucoup de temps, normal il s’entend comme larrons en foire avec Dani. Juste au moment d’entrer j’entends une énorme vague de rire qui me fait reculer de plusieurs pas. Quoi encore ? J’entre avec peine pour trouver mes deux Draconite totalement pliés en quatre. Glo et Mi sont dans le même état. Je soupire profondément. ? Calme, zen, coulos, no problem ! Mi m’attire contre lui et je me recroqueville dans son giron. Je regarde les images qui défilent sur le grand écran plat et je ne vois rien qui ne prête à rire. J’ai déjà vu le film, il s’agit d’une belle histoire d’amitié, d’amour, de méchants, d’une quête et d’un final génial et heureux. Mais il semble que ce ne soit pas le cas de mes deux disciples. Ils enchainent rire sur rire et j’espère que mourir de rire est juste une expression. Le film s’achève et je vois leur mine concentrée. Il semble que quelque chose de ce qu’il voit les interpelle.  Dani enchaine avec un autre et cela repart de plus belle. Je crois qu’il y aura aussi des dessins animés. Aiden commente un peu et rit plus fort. Bientôt ce sont de véritables cascades de rire qui déferlent partout. Je ris aussi, mais j’avoue que cela m’assomme un peu. Les images deviennent floues, je ne reconnais pas le film, ni les acteurs, le son des voix enregistrées s’estompent, les rires deviennent des sortes d’échos lointains et… Black-Out !

              

 

 

 

14.

 

            J’ai décidé que le mieux était d’aller voir une école, surtout au moment de la récré pour voir comment ça allait. On irait voir du côté d’un jardin d’enfant et après une école primaire et ensuite une école secondaire. Pas question d’aller dans une classe, d’abord parce que c’est de l’ordre de l’impossible, mais aussi parce que je ne crois pas qu’il comprendrait l’importance que les enfants soient en group et la récré c’est un mini échantillon de la société civile. Je crois que via Dani on pourrait assister à un cours à l’Unif, cela donnera une idée de ce qu’est un cours et de l’importance de l’instruction. Du moins, c’est l’idée. Je les ai un peu briffés sur cette idée et je préfère leur montrer. J’ai réfléchi avec Mi sur la manière la moins naze de nous y prendre. Deux grands mecs et une nana qui rôdent autour d’une cour de récréation c’est plutôt glauque et inquiétant. Du coup on a décidé que le mieux est d’aller à plusieurs cours de récréation, surtout celles qui sont les plus visibles et dans un entourage avec du trafic et du passage. Pas évident au départ, mais avec Mi et Glo au volant, cela devrait le faire. On a quadrillé les écoles d’abord à Uccle, autour de chez moi et dans les communes limitrophes. On a décidé de les séparé. Moi j’ai décidé d’aller avec Mi et Ethan et Glo ira avec Declan. Nous sommes raccords par rapport à ce qu’ils doivent observer et apprendre et donc… je ne suis pas trop inquiète. Nous démarrons lentement et arrivons à la crèche. Ce qui est un atout est qu’il fait bon et cela incite les profs à faire sortir les enfants dans la cour. Le tout est d’arriver au bon moment. Nous nous garons pas trop loin de la cour et dès que nous sortons de la voiture, c’est une cacophonie allègre de sons d’enfants. Les plus petits sont tellement bruyants, mais tellement vivants. Finalement Glo et Ethan nous rejoignent alors que nous sommes près de la cour d’une petite école. Nous restons discrets, mais bientôt je sens comme une sorte de voile impalpable nous envelopper.

 

-        C’est quoi ça ?

-        Nous avons pensé à ce que vous nous avez expliqué sur la discrétion et aussi la suspicion que nous pourrions occasionner. Une de nos habilités est ce que vous appelez l’invisibilité, mais qui est plutôt une sorte de distraction visuelle qui enjoint les gens à ne pas regarder de notre côté.

 

Je regarde Declan qui me sourit légèrement. Il est assez timide, un peu distant quelquefois, mais je le crois gentil et même tendre.

 

-        Ah, ben voilà une faculté qu’elle est bien ! Ce sera plus simple, je crois.

-        Assurément.

 

Nous observons cette joyeuse assemblé cde petite êtres qui sautent, jouent, crient, rient et sont tout sauf tranquilles. Cette anarchie me fait rire. Ils sont si merveilleux.

 

-        Pourquoi les enfermer dans un endroit si petit ?

 

Je regarde Ethan en fronçant les sourcils.

 

-        Ils ne sont pas enfermés, comme dans une prison… c’est juste un espace clos où ils peuvent se défouler avant de regagner les classes pour apprendre ce que leurs institutrices ou instituteurs leur apprennent.

-        Cela me semble si… restreint.

-        Vous n’avez pas d’écoles chez vous ?

-        Si. Mais nous avons un autre type d’espace pour nous « défouler » comme vous dîtes. Et les classes ? Ce sont ces cubes vitrés ?

-        Oui. On les appelle des modules. Certains sont bâtis en plus solide comme une maison ou un appart.

-        Je vois.

 

Leur mine à la limite de dégouter ne me dit rien qui vaille, mais je préfère passer outre.

 

-        Si on allait dans la cour des enfants de primaire ? C’est à côté.

 

Ils hochent la tête et nous nous déplaçons. Il semble que le voile nous protège toujours. J’aime mieux ça. Nous restons à regarder les plus grands courir, jouer, crier et être aussi chaotiques que les plus petits, v-bien que l’on voie déjà des groupuscules se créer ici et là, j’imagine selon les accointances et autres intérêts communs. Ethan et Declan ne disent rien, mais leurs mines désapprobatrices me disent tout. Quand nous allons voir la récré des ados, là ils ont carrément une moue de dégout. Le bruit est moins fort ici et les groupuscules plus nombreux et aussi des couples ici et là. On sent déjà une certaine hiérarchie avec des codes et des règles sous-jacentes. Je ne suis pas experte, mais je sais que les récrés d’ados, ce n’était déjà pas ça quand j’étais moi-même ado, alors maintenant…Ethan et Declan se tournent vers Mi et leur sifflent certains mots sur un ton irrité. Enfin, c’est l’impression qu’ils donnent et aussi que mes cheveux volètent en tous sens. Mi leur réponde plus calmement et ils continuent à regarder les ados jusqu’à ce que la cloche sonne et qu’ils entrent dans leur classe avec un mouvement plus ou moins ordonné. Ils se tournent vers moi, l’air renfrogné et mécontent.

 

-        Si on allait prendre un goûter, hein, comme ça vous verrez la différence avec ce que prépare Mikaïl ?

 

 

 

 

15.

 

            Nous allons dans une taverne pas très loin des écoles. Une assez grande où il y a du monde. C’est moins… suspect. Quoi, je me la joue James Bond ? Vous m’avez vu avec mes quatre lascars, tous sublimes, d’un mètre nonante à plus et une plutôt petite avec des formes très formées et pas vraiment belle ? Si ça ce n’est pas suspect, alors qu’est-ce qui le serait ? Nous prenons une table dans le fond, près d’un escalier et avec les tables alentour sans clients. Il vaut mieux. Dès qu’on est assis, je sens une sorte de voile évanescent entourant notre espace.

 

-        C’est quoi ça ?

-        Un voile de graduation des sons.

-        Comme dans un magnétoscope ou d’autres appareils avec enceintes qui émettent des sons ?

-        Oui.

-        Pourquoi ?

-        Pour prévenir.

-        Ce qui veut dire que vous allez rugir ?

 

Je relève un sourcil comminatoire façon Monsieur Spock sur mes deux Draconite.

 

-        Nous n’en avons pas l’intention.

-        Mais vu vos airs, vous êtes en surchauffe, là. Je le vois bien. De là à cracher des flammes…

-        Jamais ! Nos pères nous l’ont fait promettre. 

-        Non, non ! Je voulais dire que vous étiez très remonté, pas que vous allez vous mettre en mode dragon.

 

Voyant leur air affolé et aussi incrédule, Mi décide de prendre le relais et de d’expliquer les choses, Glo me prend les mains et me caresse les doigts en me souriant gentiment. Je me sens un peu surpassée.  Un garçon arrive et nous commandons. Du moins, Mi commande. Declan et Ethan semblent se calmer doucement. Les consommations arrivent et nous mangeons et buvons. Lentement, nous parlons de choses et d’autres, puis nous demandons d’autres boissons et une autre tournée de douceurs. Mi et Glo prennent des spécialités belges en fromages autres salaisons, des produits locaux et qui sont excellents. Je les regarde. Je sais que le choc des cultures, ce n’est pas toujours ça. Je le comprends. Après tout, quand je suis tombé dans l’univers et l’espace Outre-Vivant, je n’ai pas eu facile et ce n’était pas toujours simple de m’adapter. Il a fallu que je comprenne, que je passe au-dessus ou que je relie des opinions critères et autres éléments persos de moi-même, de mon éducation personnelle, sociétale et humaine au monde Outre-Vivant. De plus… il a fallu que j’intègre les notions de « vivant » par rapport à « existant », puisque mes amours ne sont pas vivants entièrement, mais pas morts. Il a fallu que je saisisse ce que le mot « temps » voulait dire. Mon temps est précaire, si on considère celui de mes amours, par exemple. Bref, ma vie et mon monde ont basculé et mon humanité s’est en quelque sorte amplifiée. Avec tout ça, je ne dis pas que je comprends tout. Je suis pas mal à l’ouest et larguée. Mais j’assure et s’assume vraiment beaucoup.

 

-        Je sais que ce n’est pas évident de comprendre une autre culture et les us et coutumes, mais… je n’essaie pas de vous convaincre que nos systèmes et nos modus vivendi sont les meilleurs, je veux juste vous donner une idée de comment la plupart des gens, comment fonctionne notre société de ce côté-ci du monde. Il y a beaucoup d’autres cultures et… je ne pourrais pas le faire… la meilleure façon de connaitre ou du moins d’apprendre à vivre dans une culture avec tout ce que cela implique est d’y vivre pleinement et avec ça… ce n’est pas gagné d’avance. Je fais au mieux en me conformant au mieux aux desideratas de vos pères.

 

Ils me fixent de leurs regards fascinants et brillants d’intelligence.

 

-        Vos enfants sont parqués comme des animaux dans des espaces restreints et sans nature.

-        Ils font des excursions et ils vont dans des zones vertes.

-        Des zones vertes ?

-        Des bois, parcs et autres espaces naturels.

 

Ils se regardent entre eux. Les Draconite hochent la tête.

 

-        C’est tellement différent chez nous…

-        Sûrement… vous savez, les gens partent souvent en voyage pour se dépayser, connaître d’autres façons de vivre… ce n’est pas comme s’ils allaient vivre là-bas, c’est juste… pour élargir leur horizon.

 

Ils plissent le front.

 

-        Par horizon, je veux dire leur façon de voir la vie et ses différentes manières qu’elle se déploie… On y va, si vous avez fini ?

 

Ils hochent la tête, pas très convaincu. Il leur faut un peu de temps, mais nous n’en avons pas trop. Leurs pères veulent avoir des résultats au plus vite, enfin, que leurs petits soient opérationnels avec ce que je fais pour eux. Bonne chance avec ça !

 

 

 

 

16.

 

            J’ai décidé de ne pas emmener mes deux traumatisés visiter un de nos lieux de vie. Ils avaient besoin de souffler un peu. Enfin métaphoriquement parlant. Mi et Glo ont décidé de partir avec eux je ne sais pas trop où, mais je crois que cela va leur faire du bien. Ce sont des stud d’organisation interne des O-V et je ne préfère rien savoir. Quant à moi, je me détends dans mon transat avec devant le luxuriant jardin de Monsieur Gaston, notre voisin qui s’est constitué jardinier personnel de mon jardin. Alors, quand j’ai hérité la maison, un quatre façades assez grandes, le genre pour famille nombreuse de la petite bourgeoisie, le jardin était grand, mais pas immense, d’autant que les deux vérandas que j’ai fait construire ont rapetissé ce dernier. Monsieur Gaston, qui a connu ma grand-tante, m’a demandé dès mon installation de s’occuper du jardin. Il voulait lui rendre son ancienne gloire. Je n’ai rien eu contre, bien du contraire et depuis… c’est niveau un Jardin des Plantes comme chaque pays en a un. Et au fil du temps il n’a fait que croitre et s’embellir. Et quand je dis « croître », c’est dans le sens de s’agrandir. Du coup, j’ai maintenant un jardin qui a pratiquement triplé. Le plus amusant c’est que Monsieur Gaston n’y voit littéralement que du feu. Il croit sans doute que j’ai acheté des terrains supplémentaires alentour. Il continue à l’entretenir et maintenant j’ai le résultat devant moi en me balançant dans mon hamac. Je ne sais pas très bien comment le hamac a été placé pour que je puisse avoir une vue d’ensemble sans avoir à me dévisser le cou et le reste. Un truc à la Glorios. Il a été ingénieur de je ne sais plus trop quoi et ça se voit dans des cas comme ce hamac. J’ai fermé les yeux et me laisse bercée, une vue virtuelle de ce que j’ai contemplé durant quelques minutes en fond de paupières closes. Cela me fait tant de bien. C’est comme se laisser bercer par du bonheur visuel. Je sens quelque chose s’installer près de moi ou plutôt quelqu’un. J’ouvre les yeux et regarde sur le côté.

 

-        Whouna…

-        Ma chère petite enfant.

-        Ça va ?

-        Il me semble que je me porte à merveille.

-        Tant mieux.

-        Et toi ?

-        Pas mal.

-        Pas mal ?

-        Disons que je suis un peu stressée avec mes deux lascars. Ils ont des idées arrêtées, la critique facile et ont du mal à envisager que leur monde n’est pas Tout le monde.

-        N’est-ce pas le cas de chacun de vous ?

-        Tu veux dire quoi ?

-        Chaque être ne voit-il pas son espace-temps comme étant le centre de tout le reste ?

-        Nous ne sommes pas tous égocentrique.

-        Il ne s’agit pas d’égocentrisme, mais de ne considérer que ce que chacun vit au quotidien, son entourage immédiat et son espace habituel sont la base de tout et que le reste est à l’identique de ce que chacun a.

-        Un peu comme l’étalon.

-        L’étalon ?

-        Je veux dire un étalon de mesure, ce avec quoi on compare d’autres choses et qui devient la référence.

-        Référence est un mot qui conviendrait bien.

-        Je vois ce que tu veux dire. Mais… ils sont des Outre-Vivant et ils veulent vivre dans le monde humain, côté occidental, mais avec la mondialisation pas mal de choses se sont globalisés et les différences d’une culture à une autre, majoritairement, s’emblent s’abolir avec le temps. Tu sais ce truc de : on n’arrête pas le progrès et tout le toutim.

-        Il me semble que je vois. Mais… il en va de même pour tous. Si l’on désire vivre dans un espace-temps différent de celui qu’on connait, on se doit de s’adapter et d’établir suffisamment de passerelles pour que cela soit possible.

-        Pas faux ! Mais tu sais aussi que ce n’est ni linéaire, ni si évident. Les écueils ne manquent pas et il reste toujours une séparation, quelque chose « out » qui nous fait différent de notre adaptation à un mode de vie, à une culture ou autre civilisation. Et je ne parle même pas de la langue. Même si on parle la même langue, cela ne certifie pas que l’adaptation se fera de façon plus fluide et simple.

-        As-tu peur qu’ils ne puissent s’adapter à leur nouvel environnement.

 

Je soupire profondément.

 

-        Je ne sais pas, sincèrement pas, Whouna. Être un étranger, que ce soit juridiquement parlant, au niveau physique ou autre, comme la couleur de peau par exemple, n’empêche nullement que l’on se sente étranger soi-même et que cela rende la vie dans cet espace-temps assez difficile, pénible, voire un véritable enfer.

 

Whouna hoche la tête. Il se lève et me rejoint dans le hamac qui s’est agrandit. Je ne vais pas dire par miracle, magie serait plus juste. Je n’arrive plus à m’émouvoir de ce prodige. La banalisation est si facile à intégrer.

 

-        Tu as du cœur, ma douce petite enfant et cela lié à ta considération et ton désir de bien faire trouveront en toi les réponses. Tu n’es pas seule.

-        Je le sais, mais je ne veux pas merder.

 

Whouna sourit et son aura se déploie comme un lever de soleil. Cela me réchauffe. Je me serre contre lui et nous nous berçons. Sans que je me rende compte, je pars et… Black-Out !

 

 

 

 

17.

 

-        C’est fait ?

-        Quoi ?

-        La visite dans un auditoire. J’ai choisi un cours d’Histoire. Je pense que cela peut être archi-dar (super bien) !

 

Dani me regarde avec sa casquette de travers. Il s’est mis à la casquette, du coup Whouna aussi. Notez, mieux qu’avec les bandanas, j’en pouvais plus là !

 

-         Ce n’est pas une mauvaise idée. Mais cela ne va pas créer de problèmes ? Après tout, nous ne sommes pas des élèves.

-        C’est un cours d’un professeur ordinaire et donc archi-déclassé (super très bien). Vous allez kiffer grave !

-        Eh bien, très bien.

-        On y va alors. Le prof, ne l’est pas trop sur les retardataires.

-        Il commence à me plaire ce prof !

-        Wep !

 

Glorios ne nous accompagnera pas, il m’a expliqué qu’il devait être là pour engager une personne. Il semble que son aval soit nécessaire. Ne m’étant jamais intéressée de près à ces dernières, je ne peux pas avoir une opinion claire et sensée. Mi vient, Whouna, mes deux cracheurs de feu, Dani bien sûr et moi. Mi va nous véhiculer là-bas. Il trouve un parking pas très loin du campus, ULB à Ixelles, et nous nous dirigeons vers une Faculté où aura lieu le cours. Je ne sais pas laquelle. Mes deux ahuris sont avec Dani et Whouna. Dani explique en désignant les choses et mes deux fumeurs de feu regardent tout avec étonnement. Nous croisons un défilé clairsemé de jeunes qui parlent, rient, chahutent discrètement, courent, marchent rapidement, lisent des notes ou seulement marchent. Une foule bigarrée. Declan et Ethan s’intéressent aux jeunes femmes en les observant discrètement. Je les comprends, il y en a des pas mal du tout. Ceci dit… je ne sais pas quel âge ils ont, mais je ne vais pas leur permettre de batifoler à gauche et à droite et… Dani doit être mis au courant.

 

- Ma douce, ils n’ont pas leurs yeux dans leurs poches, mais des consignes leur ont été données à ce sujet ! Ne t’inquiète pas. « 

- Merci. Cela me rassure. Ne t’inquiète pas.

- Je vais essayer.

 

Mi me rejoint et me donne la main. Il m’embrasse doucement sur les lèvres et je me rapproche de lui. Il est si tendre. Mon amour. Nous arrivons dans un grand bâtiment et cinq minutes, nous entrons dans l’amphithéâtre. Nous nous installons tout en haut. Les chuchotis, murmures, exclamations et autres commentaires saturent l’air. Il y a des rencontres, des salutations, des railleries, puis un homme entre, très grand, les cheveux en bataille, un gabarit imposant et des vêtements un peu usé aux entournures. Il installe son cartable en cuir très usé, prépare quelque chose avec son téléphone et pousse sur une commande. Un écran descend lentement devant les tableaux verts. Le silence s’installe par nappe. Lorsqu’il est complet, il se redresse et fait un tour visuel de son public. Ses yeux s’attardent un peu sur notre petit groupe et plus particulièrement sur Mikaïl. Je fronce les sourcils, mais mon Mi ne bronche pas.

 

-        Maintenant que j’ai votre pleine attention, je vous remercie de votre présence ici. Je salue ceux qui sont de nouveaux venus. Bien !

 

Il dépose sa montre, une pièce en métal argenté, de l’argent peut-être.

 

-        Je vais vous projeter deux séries de documents et de photos et je vais vous raconter une histoire. A la fin de cette projection, j’espère que vous aurez une idée de ce qu’était la Renaissance. Quelqu’un peut me la situer dans le temps ?

 

Plusieurs mains se lèvent. Il fait signe à un jeune homme roux et particulièrement surexcité.

 

-        Dites-moi le début de la Renaissance…

-        Fin XIIème Siècle.

-        Oui. Vous… la fin de la Renaissance.

 

Il désigne une jeune femme très mignonne, une vraie poupée avec des membres graciles et un visage d’ange.

 

-        La fin du XVIIème siècle.

-        Parfait !

 

Il refait un tour d’horizon.

 

-        Pourquoi cette époque est-elle si importante ?

 

Personne ne réagit.

 

-        Bonne réponse. Espérons que ma petite histoire vous parlera.

 

Il ferme les rideaux en poussant sur la commande, puis projette ce qu’il vaut nous montrer. Il s’installe sur le coin de sa table de travail, un pied se balançant au bout et sa voix s’élève à mesure que les photos et autres documents passent sur l’écran. Lentement je me laisse happer et envoûter par sa voix, ses mots, sa cadence. Je commence à voir des scènes s’ajouter aux photos et autres documents. C’est merveilleux, comme lorsqu’on me racontait une histoire avant de m’endormir. Une heure plus tard je suis totalement sous le charme et j’ai la sensation de connaître cette époque comme si j’y avais vécu. Vu l’air fasciné de mes deux draconis, je ne suis pas la seule dans cet état.  L’écran redevient blanc. Les rideaux s’ouvrent, personne ne dit rien, mais tous semblent un peu ailleurs.

 

 

 

 

 

18.

 

            Le silence se déchire comme un papier de soie et les personnes commencent à commenter mezzo voce. Ils ont un air ravi que je comprenne, je suis dans le même état.

 

-        Je vous ai assez retenu. A la semaine prochaine.

 

Chacun s’ébroue et pendant que le flot d’étudiants se s’écoule hors de l’amphi, le professeur range ses affaires avec la même concentration qu’à notre arrivée. Nous commençons à descendre lentement les escaliers. Au bas des marches, le professeur nous attend. J’entends Dani et mes deux disciples bavarder avec animation. Whouna les écoute, son aura est brillante, un pâle jaune brillant. Elle fluctue comme se berçant avec bonheur.

 

-        Blomani Versakari… un honneur de vous avoir dans mon modeste lieu de travail.

-        Enchanteur, voilà longtemps que je n’avais rencontré un des tiens.

-        Oui.

-        Ton récit était envoûtant.

-        Mais légal.

-        J’en suis certain. Du contraire, je ne serais pas ici.

 

Il hoche la tête avec respect. Il me regarde et un éclat admiratif passe dans son regard clair et serein.

 

-        Vous êtes Vera Lux. Accepter mes plus sincères excuses pour ne pas vous avoir considérer plus tôt.

 

Il se penche en prenant ma main qu’il embrasse doucement en me souriant. Je rougis violemment en gloussant bêtement. La honte ! Il se redresse et abandonne ma main. Mikaïl est en arrêt image, j’imagine que cela ne lui plaît pas trop, mais il sait que je le taclerais au mur s’il s’avisait de se la jouer homme des cavernes, même s’il est originaire de là. Le professeur, dont je ne connais toujours pas le nom- regarde par-dessus mon épaule et… pose un genou en terre, joint les mains paumes vers le haut et baisse la tête.

 

-        Wuuuouuuwwuziii

 

Le mot est si mirifique, que je me sens vaciller. Il est si envoutant que j’ai l’impression de me trouver ailleurs, quelque part où je me sens entière et dans le bonheur, même si je ne sais pas ce que ce mot signifie maintenant. Whouna se place devant le professeur.

 

-        Bwoowou… cela fait longtemps que je n’ai pas vu un des tiens. Relève-toi, Bwoowou.

 

Le professeur se relève, le visage émerveillé par Whouna. Il fait toujours un effet bœuf. Cela ne m’étonne pas.

 

-        Je suis infiniment désolé de ta perte, bamouwi (fils de lumière). 

 

Le prof hoche la tête, une lueur de douleur dans les yeux.

 

-        Il s’agit de la perte de deux de ses frères. Cela l’a profondément affecté. J’imagine que cela explique sa présence parmi les vivants. Normalement, ils restent en Faerie.

 

Le professeur qui s’appelle James Bornword sur Terre, regarde les trois jeunes qui continuent à déblatérer. Dani doit leur expliquer qu’il y a des jeux virtuels sur le sujet et que ça devait être hyper dar ! J’ai un pic d’anxiété qui s’élève.

 

-        Ne t’inquiète pas mayame, les Draconite ont une immunité naturelle par rapport aux Outre-Vivant et les vivants. C’est une de leur particularité. Ils sont Occulteurs et les seuls qui peuvent avoir connaissance de ce qu’ils sont par nature et essence, sont ceux qui sont aussi âgés qu’eux.

-        C’est-à-dire combien ?

-        L’âge de Glorios. Plus de sept millions cinq cent mille ans.

-        Ah, tout de même. Cela me rassure, la confidentialité est importante et je veux réussir ma mission.

 

Mikaïl m’attire contre lui et m’enlace avec douceur et tendresse. Le professeur se tourne vers Dani et mes deux padawans.

 

-        Si mon cours vous a intéressé, vous pourriez y assister. J’en professe un par semaine.

-        Oufissime carrément ! C’est go, prof ! Pour vous ?

 

Je regarde Mi qui me fait singe que c’est clean pour lui. Je hoche la tête à Dani qui comprend mon assentiment.

 

-        Parfait ! Vous êtes le bienvenu.

 

Dani fait le check five avec mes deux lascars qui ont déjà bien intégrer les us et le langage de Dani. Y’a au moins deux qui suivent. Moi aussi, mais à la traîne et à la ramasse. On ne se refait pas, mais on peut le tenter.  Nous sortons après les saluts conventionnels et une demi-heure plus tard, nous sommes de retour à la maison.

 

19.

 

            Mes deux dragons sont devant moi et ils se dandinent presque. Je commence à m’inquiéter.

 

-        On voudrait vous remercier de tout ce que vous faites pour nous et surtout ce cours d’Histoire. Nous sommes très heureux de ceux-ci et nous sommes encore plus ravis d’en suivre d’autres. Cela nous aide à comprendre les humains.

-        Je… et bien merci beaucoup. Cela me rassure de savoir que vous tirez profit de ces leçons, mais le mérite en revient à Dani.

-        Nous l’avons remercié aussi. Mais nous voulions vous en faire part.

-        J’en prendre bonne note et vous remercie.

 

Ils sortent d’un pas sûr, mais légèrement louvoyant, ce qui est étrange. Un peu comme le ferait un…Dragon. Glorios apparait. Il a tout entendu, je le sais.

 

-        Comment va la femme de mon existence ?

-        Sur le point de t’en coller une si tu n’arrêtes pas de rire sous cape come cela ?

 

Il a ce rire si joyeux qui me fait des choses un peu partout et mon irritation s’amenuise comme une peau de chagrin. Il m’attrape et m’embrasse longuement. Une vague chaude et enivrante me parcourt. De haut en bas et je me serre plus fort entre ses bras.

 

-        Une pré-sieste coquine ?

-        Je ne crois pas, avec nos deux invités.

 

Il grogne légèrement et soupire ne même temps.

 

-        Ce soir ?

-        Ce soir.

-        Garde cette chaleur, je saurais souffler sur les braises.

 

Et un courant d’air m’empêche de rajouter quelque chose. Y’en a qui prenne des douches froides, voire glaciales, mes deux CV courent.

 

-        C’est quoi la suite du programme ?

 

Dani entre dans la véranda où j’essaie de me détendre. Je sais, j’y passe beaucoup de temps, mais c’est un peu… normal, non ? J’ai tellement les chocottes de rater ma mission avec mes deux ahuris que je me sens à la ramasse. Je le regarde.

 

-        Une après-midi de détente dans un spa.

-        Un spa ?

-        Oui.

-        Mais… ce sont des dragons ?

-        Oui. Mais ils ne vont pas se transformer en dragons et ils doivent bien se laver. Puis… y’a pas des dragons qui vont dans l’eau ? J’ai vu un film ou un dessin animé et il me semble bien que le dragon nageât.

-        Wep ! Je te calcule su ce coup ! Ça va être hypra dar, V !

-        Qu’est-ce qui va être hypra dar ?

-        Le spa.

 

Mikaïl arrive dans la véranda, suivi de Whouna.

 

-        V veut une journée spa pour la swag !

-        Zwag ?

-        Cool, si tu préfères.

 

Mi hoche la tête et Whouna sourit avec tendresse à Dani. Il me semble qu’il a parfaitement intégré le parler jeune. Moi le parler vieux, on a la moyenne.

 

-        Qu’est-ce qui est cool ?

 

Declan et Aiden entrent en se frottant les cheveux.

 

-        Le spa.

-        Un spa ?

-        Oui.

 

Je les regarde et leur air confus.

 

-        C’est un espace avec des piscines, des points d’eau et d’autres plaisirs liés à l’eau. On peut même demander des massages et autres soins du corps.

 

Ils se regardent en fronçant les sourcils. Donc au pays des Draconite, il n’y aurait pas de spa, ni sans doute de salons de beauté.

 

-        Le mieux est qu’on y aille, pour que vous voyez ce que c’est ! Vous avez des maillots de bain ?

 

Ils ont le même air perplexe.

 

-        Je m’en occupe.

 

Mi m’embrasse et je me redétends. Le bon côté, c’est qu’on va pouvoir se relaxer et le spa en question ne ferme qu’à 11h du soir, ce qui nous laisse cette fin d’après-midi qui commencerait à 17h et toute la soirée. Parfait pour qu’il voie ce dont il s’agit. Et ce spa… c’est vraiment de la boulette ! Génial, quoi ! Si je m’y mets, c’est chtarbé complet !

 

 

 

 

20.

 

               Nous y sommes. Rien que l’odeur, l’atmosphère feutrée, le clapotis de l’eau, les allées et venues serines des gens qui désirent comme moi ce moment de détente, d’absence de leur présent, sans téléphone, Tablet et autres objets cybernétiques. Des livres ou des revues, peut-être, mais sans plus. L’espace humide, les transats disséminés ici et là dans des aires où se poser si l’envie nous vient. Des douches simples, à plus sophistiquées. Des éviers, des distributeurs de glaçons, des porte-manteaux ici et là, des portants pour y laisser les serviettes et autres peignoirs. Des saunas, des hammams, des jacuzzis, des espaces aqueux, des transats dans un extérieur qui est spacieux et très relaxant. Des espaces de repos pour ceux qui veulent dormir un peu ou sommeiller, un grand âtre pour des flambées de bois. Je soupire longuement et profondément. Glorios vient m’enlacer et je me laisse aller, me sentant déjà détendue.

 

-        J’aime te voir comme cela…

 

Il est si délicieux, si excitant je le flaire, enivrée. Un autre corps se place devant moi. Mi. Je reconnais son odeur, son parfum, l’essence de ce qu’il est.

 

-        Ce serait appréciable que vous soyez discret.

-        Mi, tu ne nous crois pas exhibitionniste tout de même ?

 

Mikaïl regarde fixement Glorios dans ce duel de regard qu’ils ont quelquefois et qui doit faire référence à un passé commun.

 

-        Tu ne me poses pas la question, youmoumbe (de mon cœur) ?

 

Glorios hausse les sourcils et sourit de façon provocante. Mi soupire longuement, mais il nous sépare avant de m’embrasser sur les lèvres et le front.

 

-        Par quoi on commence ?

 

Je vois arriver Declan et Aiden, pas très à l’aise dans la pièce la plus importante où se situe la plus grande des piscines. Ils regardent tout avec curiosité et aussi surprise. Ils nous sourient, pas très convaincus. Ils observent la piscine et ce petit air dépréciatif apparait sur leur beau visage. Je soupire longuement et me poste devant eux.

 

-        Je connais ce petit air… et comme je me sens magnanime, vous avez deux minutes pour faire vos… commentaires !

 

Ils se regardent.

 

-        Cette piscine est ridicule, comment faites-vous pour vous ébattre ?

-        Nous ne nous ébattons pas, on y entre, on profite de ce qu’elle peut nous apporter et basta.

-        C’est pas mal comme endroit, un peu petit, mais c’est très bien. Et je vois que c’est plus grand …

-        Oui, ça l’est.

 

Declan est toujours plus conciliant, plus indulgent, plus compréhensif, Ethan moins. Ils font un bon tandem.

 

-        D’autres commentaires ?

 

Ethan regarde fixement Declan qui serre les lèvres.

 

-        Nous sommes prêts à profiter de cet espace, Fyounya Vera. (Lumineuse)

-        A la bonne heure ! Le principe du lieu est que vous pouvez aller où bon vous semble. Il y a un espace avec maillot et l’autre sans. Vous pouvez passer de l’un à l’autre, sans problème. Vous gardez votre bracelet au poignet il vous permet de sortir pour aller dans votre casier ou quitter l’endroit si cela devient trop pénible. Des questions ?

 

Ils se regardent et quelque chose passe entre eux. Je le savais, ils causent intra-cerveaux.

 

-        Non. Nous vous remercions. Nous désirons aussi que tu profites bien de ce lieu.

-        Merci, j’apprécie beaucoup votre sollicitude. Je propose que nous retrouvions ici dans deux heures. Il y a un restaurant très bon au-dessus, nous pourrons y dîner.

 

Ils hochent la tête et nous nous séparons. Dani qui a insisté pour venir et je sais qu’il n’aime pas l’endroit, les accompagne, ainsi que Whouna qui est très curieux de ce lieu. Il fera le nécessaire si mes deux innocents débloquent.

 

-        Je voudrais bien aller là, avec l’eau chaude et la pénombre.

-        Excellent endroit. Allons-y.

 

Je sens quelque chose, une sorte de toile énergétique se placer alors que nous prenons possession de ce petit lieu aussi grand qu’une salle de bain, mais avec un plafond plus haut et un jeu de lumière éclairant la pénombre bien venue. Je me place dans une sorte de renfoncement et me souche en partie sur la banquette sous l’eau. Il fait plus sombre ici et je me sens délicieusement partir à la dérive. Deux corps arrivent contre moi et s’allongent. La banquette en pierre semble s’élargir. Je reste là, sans bouger, les sens endormis, l’esprit dégagé et cette eau chaude qui me caresse et me berce. Mes deux amours s’alanguissent. L’eau est toujours un corps bordé de plaisir.

 

 

 

 

21.

 

            Après avoir passé une demi-heure avec mes amours dans cette petite piscine d’eau très chaude et en pénombre, je me sens apaisée et revigorée. Glorios et Mikaïl me suivent partout dans ce parcours délicieusement liquide et notre complicité finit par me détendre. Il n’y a pas trop de monde et j’aime cela. Le son de l’eau qui s’écoule, clapote, bouillonne, jaillit ici et là achève de me mettre à l’aise. Nous transitons par un transat qui s’est légèrement élargi pour nous permettre d’être couché serré-collé à trois. Personne ne dit rien, ni ne nous regarde. J’apprécie. Un procès à la pudeur est la dernière chose que je veux. Nous ne faisons rien, sauf d’être enlacé ensemble. Mais… trois n’est pas un nombre acceptable dans l’univers politiquement correct. Heureusement que nous ne sommes pas quatre. Ce serait pire encore.

 

-        Il est l’heure.

-        L’heure ?

-        Oui, d’aller manger. Nous devons retrouver Declan et Aiden.

-        Ah oui !

 

Je presse mon visage contre le torse divinement doux et musclé de Glorios en gémissant lamentablement. Glorios a ce rire sourd qui lui illumine le regard de manière si sexy. Mikaïl me caresse le dos en riant en sourdine. Ils m’aident à me relever et c’est en trainant les pieds que nous arrivons au restaurant, bien emmitouflés dans nos peignoirs. La pièce est intelligemment agencée de façon à ce que chacun est un espace plus intime et cela permet de se lever pour aller au buffet, si c’est cela que l’on a choisi de manger. Des plats diététiques sont prévus, chauds et froids. L’ambiance est cordiale et la salle semi pleine. Nous voyons nos deux lascars avec Whouna et Dani assis à une grande table. Dani nous fait signe et nous prenons place autour de la table. Je regarde le visage de mes deux ahuris et je crains le pire. Ils m’ont mené la vie un peu rudement dernièrement et je ne suis plus très patiente. Dani nous accueille, ravi et Whouna resplendit. Je vois son aura sereine, stable, mais lumineuse dans un ocre doux.

 

-        Yo, V. C’est hypra dar. C’est l’éclate totale ici.

-        Heureuse que cela te plaise.

-        C’est plus que ça. Ça déchire à donf !

 

Je serre la main de Dani. J’aime le voir heureux comme cela. Whouna est aussi ravi. Je n’ose pas demander à mes deux cracheurs de feu ce qu’ils en pensent.

 

-        Fyounya Vera. (Lumineuse)

 

Declan me sourit timidement.

 

-        Nous te remercions pour nous avoir fait découvrir ce lieu. Nous sommes ravis et c’est un lieu que nous aurions plaisir à visiter plus souvent à l’avenir.

 

Je reste bouche bée, un peu perdue, mais Glorios me tapote l’épaule et je m’ébroue mentalement.

 

-        Je suis vraiment très heureuse que cela vous plaise.

-        Nous sommes désolés de t’avoir mise mal à l’aise. Nous ne savons pas toujours comment dire les choses et nous manquons de tact.

-        Ne me remerciez pas et j’accepte vos excuses pour cette fois. On va mettre de l’eau dans son vin. Moi-même, je nage à vue pour vous aider dans votre objectif.

 

Je tends la main vers Declan d’abord. Il la serre un peu perplexe, puis je fais de même avec Aiden.

 

-        C’est juste pour sceller un pacte, une alliance, une décision commune. C’est un geste commun parmi les humains. On le fait aussi pour saluer, dire bonjour quand on rencontre quelqu’un.

 

Ils hochent la tête de concert. Dani se chargera de compléter ma maigre information. Nous commandons et tous choisit le buffet froid et chaud. Vaut mieux, vu comment ils mangent tous. On dévisse de choses et d’autres en dégustant.

 

-        Qu’est-ce qui vous a plu le plus jusqu’à présent ?

 

J’avale une bouchée de salade composée avec appétit. L’eau, ça creuse !

 

-        Les saunas !

 

Ils ont parlé en même temps et ils sourient avec délectation. J’aurais dû m’en douter.

 

-        Il y en a de diverses chaleurs, mais il y en a deux qui sont parfaits.

-        Wep, V ! T’aurais dû les voir ! Puis, Declan a été vers les pierres brûlantes et il a mis la main dedans. J’ai trouvé ça boloss et dar, mais Aiden a fait la même chose et ils se marraient à donf ! Whouna a ri et il m’a expliqué que le feu est leur élément et les pierres chaudes sont un plaisir pour eux. En fait ils font des séjours près de volcan sous leur forme de dragons et ils adorent ça.

-        Je vois.

 

Mais pas du tout, mais bon, ce sont des dragons, vous n’allez quand même pas croire que je sache quoique ce soit sur eux et leur culture, hein ! Après une heure et je ne sais combien d’allées et venues au buffet, on dégage. Nous avons décidé de continuer notre périple dans ce merveilleux spa jusqu’à l’heure de fermeture.

 

 

 

 

22.

 

               Lorsque nous décidons de rentrer, il est à peine vingt-deux heures. Nous rentrons et nous nous dispersons. Je mets une lessive à tourner avec tous les draps et autres choses que nous avons utilisés au spa. Je les entends dans la véranda où ils dévissent en riant. J’aime cette ambiance bonne enfant. Dani est parti avec Whouna pour une fête je ne sais pas où. Il continue à instruire Whouna sur les pratiques des jeunes, j’imagine. Whouna apprécie. Mais ce jean troué et le bandana… je ne sais même pas comment il supporte tout cela, mais il le fait et avec le sourire encore. Whouna, c’est… c’est… c’est… Whouna, quoi ! Je décide de me mettre à l’aise avec des vêtements plus amples et plus commodes. J’ouvre le tiroir où se trouve mes culottes et…

 

-        Quoi ? C’est une blague…

 

J’attrape quelques sous-vêtements et descend pieds nus aussi vite que je peux, autrement dit, très vite comme je le fais quelquefois sans que je ne me rende compte. J’entre dans la véranda en secouant les vêtements furieusement.

 

-        Qui a enlevé mes culottes de grand-mère pour les remplacer par ces… choses ?

 

Je jette l’ensemble de string et de petites culottes aux liserés coquins sur le sol rageusement. Mes deux padawans regardent le tas de tissus multicolores en écarquillant les yeux, alors que mes deux CV affichent un visage savamment neutre. Je regarde fixement Glorios en plissant les yeux.

 

 

-        C’est toi, hein ! Tu as toujours haï mes culottes de grand-mère, je le sais et tu en as profité pour lâchement les remplacer !

 

Glorios écarquille les yeux innocemment et dirige un long doigt fin et élégant sur son torse.

 

-        Je te connais, vieux crocs salivants !

 

Glorios secoue la tête négativement. Il cligne des yeux et ses pupilles dévient légèrement vers Mikaïl. C’est si subtil que j’ai failli le manquer. Je me retourne vers Mikaïl et d’un bond me lance contre lui. Il me réceptionne et je lui plante les ongles dans les avant-bras qui me retiennent.

 

-        TU AS OSE ? Pourquoi ?

 

Je vrille mon regard à son si séduisant et adorable regard.

 

-        Je voulais que tu changes tes sous-vêtements habituels pour voir si d’autres te plairaient.

 

Il ne bouge pas, ils se contentent de me regarder avec ce regard si franc et si direct et cette petite lueur d’amour qu’il a toujours lorsqu’il me regarde. Je me retourne et fixe avec dégoût les petits bouts de tissus.

 

-        Le truc de… comment tu peux savoir si tu n’as jamais essayé avant ? Je n’adhère pas. Je n’ai jamais pratiqué le saut à l’élastique, mais je sais que jamais je ne le ferai !

-        Oui, mais le saut à l’élastique, ce n’est pas vraiment la même chose que d’essayer ces sous-vêtements.

 

Je fusille du regard Glorios qui a toujours le même air impénétrable.

 

-        Tu ne joues pas les avocats du Diable, ça m’agace beaucoup, beaucoup, beaucoup.

 

Mes deux lascars suivent nos échanges en restant cois. Très intelligent.

 

-        Je veux récupérer mes culottes de grand-mère.

 

Mikaïl me regarde encore pendant quelques secondes, puis soupire légèrement. Il me vole un baiser profond auquel je réponds directement.

 

-        Deuxième tiroir de la penderie centrale.

-        Merci.

 

Je saute en arrière, ramasse les bouts de tissu et sors d’un air royal. Enfin presque, parce que je trébuche un peu dans mes tongs.

 

-        De toute façon, je te préfère sans.

 

Je me crispe en m’arrêtant un instant avant de partir vélocement, sans demander mon reste. CV, va ! 

 

 

23.

 

            J’ai enfilé mon plus vieux pyjama, une horreur molletonnée qui devrait être au rebus longtemps, mais combien de fois m’a-t-il consolé, rassuré, donné de la force, conseillé des fois aussi…et je devrais le jeter pare qu’il est vieux ? A ce compte-là, si on faisait de même avec les 3ième âge, anciennement appelé vieux, il ne resterait plus grand monde. La porte s’ouvre et le visage de Mi apparait légèrement entre le battant et le chambranle.

 

-        Nous t’attendons…

-        Oui, mais… avec l’histoire des culottes, je ne peux pas venir comme cela…

-        Pourquoi ?

 

Il entre et me rejoint. Il me prend contre lui et je me fonds dans l’étreinte.

 

-        Ben… c’était un peu… too much…

-        Cela fait partie de qui tu es et des réactions qu’ont les humains…

-        Tu veux dire une petite en formes arrondies moitié hystéro ?

-        Ne te sous-estime pas, mayame. Totalement hystéro…

-        Ohhh, le con !

 

Je le bourre de coups de poings qu’il sent à peine et rit aux éclats.

 

-        C’est ici que ça se passe !

 

Glorios vient d’arriver alors que je suis pratiquement sur les épaules de Mi à force de lui taper dessus puérilement.

 

-        J’essaie de freiner une tigresse.

-        Felidae… CV !

-        Besoin d’aide ?

-        Non, je crois que je maitrise le sujet.

-        Tu n’as pas l’air…

-        Tu veux aider…

-        Deux fois plus qu’une !

 

Glorios s’unit à cette étreinte désordonnée et bientôt nous sommes membres entremêlés secoués d’un fou rire monumental. Au bout de quelques minutes, nous nous redressons pour voir mes deux cracheurs de feu sur le pas de la porte, le visage ahuri et complètement à la masse. Du coup on repart dans un autre fou rire avec en arrière fond l’air de plus en plus ébahis de mes draconites. Lorsque nous arrivons à arrêter de rire et à nous mettre debout, je vois le regard de mes deux padawans chavirer et à la dérive. Je sais. Mon pyjama fait toujours et effet. Je ne veux même pas me souvenir de la première fois que je l’ai mis avec mes deux CV (con de vampire) et mon CF (chien fou). Je revois le visage savamment maitrisé de mes trois amours, ne faisant aucun geste de peur que tout parte en vrille. Finalement, Glorios a été le premier à réagir.

 

-        Waouh ! Tu m’excites encore plus comme ça, yanamahe…

 

Il avait cet air de deux airs et après… Universel carré blanc ! Je ne vais pas tout vous raconter, hein ! Declan et Aiden sont figés.

 

-        Je crois qu’on les a traumatisés.

 

Glorios et Mikaïl me regardent.

 

-        Faudra vous y faire, mes amis… Les vivants ont des attitudes et des réactions pas toujours très cohérentes… Faudra vous y faire.

-        Comme vous, mon oncle ?

-        Non. Moi j’aime. Ce n’est pas pareil !

-        Retournons à la véranda, on va jouer des jeux de sociétés.

-        Des jeux de sociétés ? Ça à voir avec le déroulement des Sociétés humaines ?

 

Je les regarde.

 

-        Bonne question, mais ceux que je vais vous montrer sont sans doute différents

 

 

24.

            Durant deux heures nous jouons et c’est un des moments les plus enjoy que j’ai eu depuis pas mal de temps. Du vrai bonheur ludique. Pas que jusqu’à présent j’ai vécu en Enfer. Enfin celui de Dante, histoire de montrer que je ne suis pas totalement inculte. Même si je n’ai jamais lu Dante. Quoi ? Comment je peux en parler si je ne l’ai pas lu ? Parce que vous si ? Menteurs ! Bon, ben… donc… c’était supra dar ! J’ai adoré. Ils ont compris en quelques minutes les règles des jeux et ils ont gagné pratiquement tous ceux-ci. D’après Mikaïl, rien d’étonnant, les Draconites ont ça dans le sang. Donc, pas de quoi s’étonner. Je suis assez nulle et même quand je connais les règles, j’arrive encore à me tromper et à les oublier. Il était très tard, quand je me suis écroulée sur mon siège dans la véranda et que je ne me souviens de rien. Ce matin, j’étais dans mon lit avec un p’tit loup enroulé autour de moi. Je ne sais pas quand il est arrivé. John. Il est si beau. Nous avons eu un moment de pur… pur… pur… ça ne vous regarde pas ! Je dévore un petit déjeuner comme seul Mi peut préparer. C’est sublime ! Si vous pensez avoir pris un bon déjeuner un jour, oublier ! Mes Draconites apparaissent dans la cuisine et John se présente. Je pensais qu’ils le connaissaient, mais ‘est pas le cas. En fait, mes trois amours sont si près de moi, font tellement partie de ma vie, de mon existence, de mes sentiments, de tout ce qui est essentiel pour moi que j’ai toujours l’impression que les autres les connaissent.  Pendant qu’ils inter-échangent pleins de choses et d’autres, je finis mon café. Si je pouvais essorer la tasse pour absorber l’ultime goutte, je le ferais. Ils se sont aussi servis à boire et à manger et ils dévorent aussi. Un point en commun. John est plus lent, plus gourmet. J’aime cela. Il est délicat. Ça compense ma brusquerie, quelquefois.

 

-        Où va-t-on ?

 

Declan me regarde en souriant.

 

-        J’ai pensé qu’une salle de sport, ce serait pas mal.

-        Et un match de foot, ce serait aussi bien.

 

Je regarde John. Je sais qu’il n’est pas fan, mais il a raison. Les matchs de foot sont représentatifs de nos sociétés humaines. Je hoche la tête.

 

-        Très bonne idée ! Mais d’abord la salle de sport. Tu nous accompagnes.

-        Je suis mandaté par les deux CV !

-        John, petit loup, ce n’est pas sympa !

-        Oui, mais c’est drôle.

-        Tu vas te mettre dans un problème.

-        Un problème avec eux est un vrai plaisir.

 

Je rougis un peu. CF (chien fou !) ! Declan et Aiden suivent notre échange, un peu déconcertés.

 

-        Donc, heu… on y va en dix… si c’est bon pour vous ?

-        Bien sûr…

 

Je leur fronce les sourcils. Pas d’adjectif avec mon prénom, ça m’agace.

 

-        Vera…

-        Parfait ! Je vous rejoins à la voiture, je dois me préparer.

 

Dix minutes après, nous filons ver la salle de sport. Je crois que Glorios a des parts dans un de ces lieux. Il m’avait proposé d’utiliser le local pour faire ce que je voudrais comme sport. De pilâtes à vélo statique, bande électrique de marche ou de course… enfin tout ce qu’offre ce genre de lieu. Je l’avais mal pris. OK ! Je sais… quand on des complexes, on peut au moins essayer de ne pas projeter le mal-être de ceux-ci sur les intentions des autres. Glorios est devenu tout rouge et je me suis sentie horrifiée. J’ai commencé à balbutier et à me fustiger mentalement d’être aussi grande gueule. Glorios est redevenu pâle, enfin doré clair et je me suis mise à trembler. Mes mots et mes maux ont dépassés mes pensées et mes émotions. John m’avait alors prise contre lui, m’entourant tendrement et comme toujours sa chaleur m’a calmé. Glorios m’a prise à son tour et j’ai commencé à pleurer longuement. Il m’a bercé, puis nous a bercé. Un hamac, notre hamac d’amour. Je l’ai regardé, les yeux pleins de larmes.

 

-        Je suis désolée… hip… je ne le pensais pas… hip… je suis tellement… hip… je ne sais pas comment tu me supportes… hip…

-        Stop, mayame… je sais qui tu es… je te connais comme si tu étais une partie de moi… tu t’enflammes et cela m’enflamme… ne change pas, ma félidée… jamais…

 

Puis… enfin…bon… vous voyez le genre ? Ben… pas du doute !

 

-        On arrive… la salle est très grande, nous pourrons y être sans déranger les clients… C’est… enfin vous verrez… beaucoup de personnes aiment aller dans ce genre d’endroit, mais je ne peux pas vous dire ce qui les pousse à y aller… je crois que Glorios a demandé aux propriétaires, aux instructeurs de sport et même à certains clients de répondre à vos questions si vous en avez. On leur a dit que vous faisiez une thèse ou un stud du genre.

-        Thèse ?

-        Un travail que les étudiants d’université font sur un sujet particulier.

 

Mes deux padawans hochent la tête.

 

-        Parfait ! Entrons !

 

John m’attrape par la taille et nous entrons enlacés. Il aime faire ce genre d’entrée et moi aussi. Il est si sexy et séduisant, ce petit côté lupin et sauvage, son air taquin et sa silhouette de mannequin de haut vol, ses traits réguliers et fascinants.

 

 

 

25.

 

               Nous sommes devant une grande paroi vitrée montrant une salle avec des tas d’engins de sports différents. Il y a pas mal de femmes et d’hommes qui les utilisent. Mes deux élèves sont figés devant la vitre, totalement ébahis. Moi aussi je le suis. D’après ce qu’on dit tous cela est fait pour « sculpter le corps ». Si j’avais su que mon corps était matière d’œuvre d’art, j’aurais préféré qu’on l’utilise en peinture.

 

-        Ils utilisent ces appareils pour travailler leurs muscles, leurs ligaments et leurs tendons. Si vous voulez savoir pourquoi ou d’autres choses sur leurs exercices, vous pouvez leur demander. Ils sont dispos à la faire.

-        Oui, oui.

 

Ils restent fascinés par ce qui se passe dans la pièce. John est parti rencontrer une de ses connaissances. Cela ne m’étonne pas, les Lycos sont très sportifs et ils doivent avoir des appareils à leur mesure ou à leur démesure. Il me fait signe avec la main et celui qui est à ses côtés, se ploie légèrement en avant pour me saluer en signe de respect et d’admiration. Pas du tout, gênant, mais c’est ce qu’ils font. Je me souviens que John m’avait invité dans un resto où les Outre-Vivant ont leurs habitudes et la majorité sont des Lycos. Quand nous sommes entrés, ils se sont levés comme un seul homme, se sont penchés en avant en un salut des plus protocolaires. La honte totale ! Mais vouloir raisonner un Lycos est une perte de temps et je préfère faire autre chose, donc je fais d’autres choses plus enjoy. Mes deux padawans restent toujours aussi consternés. Je ne sais pas trop quoi faire. Je ne peux pas les pousser à entrer et à poser des questions. Heureusement mon p’tit loup vient me sauver sans destrier blanc, mais dans le même esprit. Mais je ne suis pas précisément une demoiselle en détresse. Plusieurs visages de femmes et d’hommes se tournent vers moi en même temps. Merde ! Des O-V ! J’ai encore oublié de placer le paravent mental et ils entendent tout ou… presque tout. Declan et Aiden se placent autour de moi. Ils sont comme des paratonnerres ? Les O-V continuent leur tâche et…

 

-        Vous pouvez empêcher les Outre-Vivant de lire dans mon esprit ? Enfin les pensées que j’émets dans ma tête…

 

Ils se penchent pour être à hauteur de mon visage.

 

-        Nous pouvons t’aider pour que les autres, à part tes compagnons qui ont un lien privilégié et unique avec toi, ne puissent entendre ce que tu penses ?

-        Vraiment ? On m’a aidé, enfin on a essayé avant, mais c’est peine perdue. Ma tête c’est comme un moulin !

-        Un moulin ? Cela est-il possible ?

 

Declan écarquille des yeux longuement en me dévisageant avec stupeur.

 

-        Non, non ! C’est juste une expression, c’est pour dire que tout le monde y a accès.

 

Ils semblent rassurés. Moi aussi.

 

-        Donc… vous faîtes comment ?

 

Ils se ceignent à moi sans me toucher. Ils placent chacun deux doigts sur un côté de mon front et sur le coin d’un de mes yeux.

 

-        Ferme les yeux, Vera.

 

Je le fais, pas très rassurée, mais je sens la présence de John là à ma droite et dans ma tête, mes amours, attentifs, mais sereins. Je me détends. Puis je sens… je sens… je sens… c’est une sensation… enfin, quelque chose… c’est doux, mais c’est aussi pointu, comme si on me recouvrait d’une fine pellicule énergétique qui englobe mes pensées, du moins l’espace où je pense que sont mes pensées. C’est puissant, mais pas douloureux ou dérangeant. Ils retirent ses doigts et s’écartent. J’ouvre les yeux et John me prend contre son torse en me caressant les bras et les mains.

 

-        C’est bizarre.

-        Cela l’est sans doute, mais plus personne, à part ceux que tu désires, ne pourra entendre ce que tu penses.

 

Je me tourne vers la salle et me mets à penser des horreurs sur ceux qui font du sport. Personne ne bouge, ni se tourne vers moi.

 

-        Ça marche ! Waouh ! C’est hypra dar !  Merci. Merci beaucoup ! Vous êtes super géniaux.

 

Ils hochent la tête en me souriant.

 

-        Vous voulez poser des questions ?

 

Ils se regardent. Declan hoche la tête. Aiden me sourit.

 

-        Oui, ce serait bien. Nous sommes un peu… surpris.

-        Je comprends, moi aussi ça me dépasse un peu. Tous ces efforts…

 

John a ce petit rire lupin qui me plaît tant. Declan et Aiden entrent dans la salle et commence leur ronde de questions et de réflexions. Je vais rester de ce côté-ci en spectatrice. Ça promet d’être drôle !

 

 

 

26.

 

            Je sais, je sais. Faire du sport et puis… Nous sommes sortis du complexe après trois heures. Longues, très loooooongues pour moi, mais pour eux, pas assez. Je les ai vu à travers les larges vitres. Euphoriques ! Y’a pas d’autre mot. J’ai pris mon mal en patience et je les ai laissé profiter à donf des lieux. Glorios et John n’étaient pas en reste. En fait, genre fomenteur de combustible, ils sont parfaits. Une jeune femme, genre parfaite de chez parfaite, m’a apporté un thé délicieux dénox, serenity et slim avec des biscuits absolument divins. Exquis, légers et vraiment… Glorios est un pâtissier excellent, mais là, j’avoue que… Bref, trois heures plus tard, ils sont sortis et se sont réunis avec moi. Après cinq minutes

De parler en se coupant la parole ou en complétant une phrase, nous avons décidés de sortir du centre sportif. C’est un bonheur d’entendre tant d’enthousiasme et de bonheur. Avec le nombre de personnes qui ne cessent de se plaindre, se lamenter et penser qu’il n’y aura jamais un lendemain heureux… Bon sang, quel plaisir ineffable d’entendre cette joyeuse cacophonie ! Sur le parking, mon ventre grondait. Ils se sont tous tournés vers moi.

 

-        Quoi ! Je crève la dalle ! On va bâfrer un stud ?

 

John vient s’enrouler autour de moi et Glorios aussi.

 

-        Tu as faim, ma féline ?

-        Non, c’est juste que mon estomac a décidé de faire de l’opéra ! Evidemment que j’ai faim ! CF, va !

 

Mes deux joyeux cracheurs de fumée nous regardent les yeux écarquillés. J’imagine que pour eux parler de cette manière à un vampire et plus, ainsi qu’à un Lycanthrope de cet âge, est quelque chose d’impensable surtout venant d’une simple humaine si vulnérable et peu puissante. Dès qu’ils auront une idée de ce qu’est aimer, il se peut qu’ils voient les choses autrement. Enfin, je dis ça, je ne dis rien.

 

-        Nous allons manger, alors.

-        Bonne initiative, CV !

 

Glorios jette un bref regard à John et tous deux m’attrapent et me chargent vers la voiture comme si j’étais un meuble précieux. Je pousse un bref rire et un petit cri. CF et CV ! Nous arrivons dans un parking pas trop plein. Pas étonnant, c’est une heure creuse. Il s’agit d’un restaurant de repas rapide, un fast food. Pour une raison que je méconnais, Glorios apprécie ce genre de nourriture. Il en raffole même, même s’il aime manger dans des restaurants avec des menus très bons et quelquefois très chers aussi. Et avec Mikaïl, nous sommes dans un 5 étoiles, assuré. Declan et Aiden considèrent l’endroit avec circonspection. Ils hument délicatement l’air, mais gardent un visage lisse. Glorios sautille presque en entrant avant de se diriger vers le comptoir pour commander nos repas. Bientôt 4 plateaux se trouvent pleins de boites et de sachets ainsi que des gobelets en cartons que nous remplirons avec des boissons gazeuses ou de l’eau, avec glaçons ou non. Nous nous installons à une grande table et des chaises visées au sol. Nous plaçons les plateaux au centre afin que chacun choisisse ce qu’il veut. Glorios se jette sur les sachets et autres contenant les pains avec les différentes viandes, poissons, sauces et crudités. Il prend aussi un paquet de frites XXL avec le sel en sachet qu’il ouvre pour saupoudrer le tout. Il mord voracement dans le petit pain garni et fourre plusieurs frites dans sa bouche. Il mâche avec plaisir et force. Mes deux ahuris le regardent avec stupéfaction et stupeur. Ils se penchent sur les plateaux et hument avec détermination. Ils se jettent des regards furtifs.

 

-        C’est de la nourriture ?

 

Declan me regarde fixement, les pupilles s’agrandissant et rapetissant.

 

-        Il semblerait que oui. Du moins, c’est l’appellation consacrée pour tout ceci.

-        De quel animal s’agit-il ?

-        Quoi ?

-        Ce que mange Glorios.

-        Du bœuf, je crois. Ce sont des hamburgers et je crois que c’est du bœuf.

-        Ça ne sent pas comme du bœuf.

 

Aiden respire profondément un des sachets. Glorios relève la tête et soupire profondément.

 

-        Arrêtez de toujours vouloir tout analyser et comprendre. Mangez et buvez, les enfants !

 

Il leur tend un sachet et pousse deux paquets de frites devant eux. Avec infiniment de précautions, ils ouvrent le sachet, se penchent pour le humer, le prennent en main et… donnent un bon coup de dents et en deux bouchées le terminent. Ils en prennent deux autres et en un tour de mandibule l’achève. Ils se pourlèchent les commissures des lèvres. Ils prennent deux gobelets et avec une synchronisation parfaite boivent d’une longue lampée le liquide avec la paille en carton. Glorios leur sourit avec insolence. Il est si… si… une demi-heure plus tard et deux renouvellements de commandes, ils se tiennent pour rassasier. Quand nous sortons du lieu, celui-ci commence à se remplir. Je me sens un peu vaseux, trop de gras, mais c’est assez plaisant. Dans la voiture, je suis calée entre John et Glorios. Aiden est devant et Declan derrière sur un siège qui a été ajouté à la voiture. Vaut mieux ne jamais demander d’explications. Je risque d’avoir une réponse. Pas assez de… Black-Out !

 

 

 

27.

 

            Je regarde John et Glorios. Vraiment, je ne comprends pas qu’à l’âge qu’ils ont, ils font des conneries pareilles. On doit avoir un âge pour faire des conneries ? C’est quoi cette question ! Evidemment non, mais on peut imaginer qu’après un certain âge, on aurait une certaine sagesse et qu’on serait à même de ne plus tomber dans ce genre d’idioties. Faut croire que non !

 

-        Mais enfin, vous pensiez à quoi, hein ? C’est dément de faire ce genre de chose. Faire un jogging aller-retour à Paris en une heure ? Et toi, John, lancer un défi à un Lycos qui a pour passif des dizaines de victimes. C’est une ordure de la pire espère.  Et oui… Mikaïl m’a parlé de cet énergumène. Et toi, tu ne trouves rien de mieux que de l’affronter ? NON ! Je ne veux rien entendre ! Je suis certaine que vos arguments sont en acier trempé, mais… peu importe…Faut arrêter de déconner, sans charre !

 

Je les regarde avec irritation, ma peur de les perdre, de savoir qu’ils pourraient disparaitre de ma vie me donnent envie de les engueuler comme des enfants. J’ai sans doute tort, mais c’est plus fort que moi. Je leur fais un geste de ne pas m’approcher, je sais qu’ils savent ce que je ressens, mais… je ne veux pas… pas encore… les avoir près de moi.

 

-        D’accord, je comprends vos motivations, mais si vous continuez comme cela vous aller droit dans le mur !

 

Je regarde John et Glorios avec sévérité. Ceux-ci regardent mes deux élèves improbables avec stupeur. Je me tourne vers eux. Je les avais presqu’oubliés. Ils me regardent en écarquillant les yeux.

 

-        Vous connaissez les Murs ?

-        Les murs ?

 

Je perçois un léger gloussement, je me retourne vélocement et donne une tape sur le dos du crâne.

 

-        Ça suffit !

 

Je me retourne vers les deux ahuris.

 

-        Je connais des murs, enfin ceux de cette maison, ma maison, enfin notre maison et… bon, je sais plus trop, avec tous les mouvements et changements dedans, les murs ont tendance à ne pas être toujours à la même place. Mais bon, ce sont toujours mes murs, quoi ! Enfin, nos murs.

 

Ils me regardent, figés et de plus en plus ébahis. Je me tourne vers Glorios et John qui répriment à grand peine son rire de p’tit loup.

 

-        Quelqu’un aurait l’amabilité de m’expliquer ce que sont ces murs, s’il vous plaît ?

 

Glorios me prend par la taille et ça fait gladaladouwouh !

 

-        Viens, asseyions-nous !

 

Nous prenons place et Glorios reste debout.

 

-        Dans l’Univers Draconite, il n’était pas évident de passer d’un plan à l’autre, leur taille rendrait la situation pratiquement impossible. Des Mages et des Faes ont étudiés la question durant un certain temps et en sont venus à la conclusion qu’il fallait trouver une solution qui pourraient leur permettre d’accéder à d’autres espaces sous leur forme originelle. Ils pensèrent à des plis d’espace, mais ceux-ci avaient l’inconvénient de n’être pas extensible et ne permettant qu’à des formes et des tailles précises. Il fallait trouver une autre option. Finalement ils trouvèrent les « Murs » qui ne sont pas vraiment des murs, mais des sortes de parois qui peuvent prendre la forme d’un mur avec des décorations ou des matières différents selon les circonstances et qui dont en quelque sorte escamotable lorsqu’un Draconite décide passer dans une autre dimension ou un autre espace. On les a donc appelés communément « Mur ».

 

Je hoche la tête. Je comprends mieux leur confusion. Je me tourne vers eux.

 

-        Désolée, nous avons tant d’expressions et souvent on ne sait même pas les origines de celle-ci, ni à partir de quand elles ont été utilisées. Nous le faisons naturellement. Cette expression est utilisée pour prévenir quelqu’un que s’il n’arrête pas ou ne change pas son attitude ou ce qu’il fait, ça peut aller mal pour elle.

-        Oh, je vois. Nous disons chez nous : Si tu ne freines pas ton vol, tu ne sauras que planer.

 

Ils hochent la tête, convaincus. Ok ! Je ne vois pas du tout de quoi ils parlent, mais si c’est comme le mur, j’assume.

 

-        On va manger un bout ?

 

Ils se regardent entre eux et hochent la tête.

 

-        Oh oui, bien sûr, je commence à avoir… la dalle ?

-        Eh ben voilà, ça commence à entrer !

 

 

 

28.

 

            J’ai décidé qu’un centre commercial aujourd’hui, c’est le lieu à visiter. Mikaïl a eu une petite grimace, donc je l’ai exempté de nous accompagner quant à Glorios… je suis à deux doigts de le croire fashion victim et accro à la consommation. Comment dit-on déjà ?

 

-        Acheteur compulsif…

 

Glorios me prend dans ses bras et me serre.

 

-        Je ne le suis pas, mayame, vraiment pas. Il y a un côté jouissif à acheter et parcourir ces antres de biens matériels, mais… tu es la seule à laquelle je suis accro complètement. Je t’aime yamanahe…  Tellement.

 

Je me serre plus contre lui, me sentant si aimée et si… yaglaladdou…

 

-        On a un centre commercial à écumer !

 

John passe près de nous ne claquant les fesses de Glorios au passage.

 

-        Nous règlerons cela plus tard, petit loup !

-        J’y compte bien, buveur de sang !

 

Une demi-heure plus tard nous arrivons dans un centre commercial où je ne vais que très rarement. Mes deux padawans regardent tout avec avidité et curiosité. Ils ont d’ailleurs été très discrets depuis le petit déjeuner. Je gage que Dani les a briefés durant la nuit avec des tas de reportages et des vidéos sur YouTube. Je comprends. Dani doit passer par Internet avant de se fixer dans le réel. C’est un peu comme si pour appréhender le réel, il devait d’abord voir ce que cela donne de manière virtuelle. Le réel est-il une branche du virtuel ou du contraire ? Glorios ponte au volant et je regarde mes deux élèves monter dans la voiture à l’arrière avec John. Ils ont à nouveau cette mine indéchiffrable et un peu inquiète.  Nous nous garons. Je me tourne vers eux alors que John sort lestement de l’habitacle.

 

-        Tout va-t-il bien ?

 

Ils se consultent du regard, puis se tournent vers moi.

 

-        Bien sûr ! Nous sommes simplement curieux.

-        Bien. Alors allons-y.

 

Ils regardent le parking avec ses nombreux véhicules garés à la va-vite.

 

-        Il y a beaucoup de monde.

 

Aiden observe tout avec une moue dubitative.

 

-        Oui. Nous sommes mardi, début après-midi et pourtant il y a foule. Pourquoi ?

 

Aiden et Declan froncent les sourcils. Ils ne savent pas quoi me répondre. J’imagine bien que Dani n’a pas dû leur expliquer grand-chose, à part qu’on y va pour acheter des choses nécessaires dans la vie de chacun.

 

-        Pour tout ce dont on a besoin pour vivre.

-        Oui, mais encore ?

 

Ils écarquillent les yeux de plus en plus dubitatifs. Je leur souris gentiment. Cela ne doit pas être simple d’apprendre à vivre dans une société nouvelle et de comprendre les règles de vie sociales. Cela a l’air si facile pour nous de circuler, de se conformer aux règles et autres coutumes sociétales, de faire comme il faut. Mais pour eux…

 

-        Allons dans une cafétéria prendre un café, un excellent café, c’est un bar qui propose différents types de café… vous verrez et on en parle.

 

Cinq minutes plus tard après avoir louvoyer entre des groupes d’acheteurs potentiels et des flâneurs, toute une foule bigarrée qui s’emboîte relativement bien. C’est une étrange chose que personne ne se cogne contre personne. Nous arrivons à nous faufiler entre les autres sans même les toucher. Assez étrange. Ou pas. Nous prenons une table au fond avec deux banquettes. Nous prenons place, commandons et dégustons. Je dépose ma tasse. Je regarde mes deux ahuris.

 

-        Une idée ?

 

Ils finissent leur tasse en se léchant les lèvres.

 

-        Ça leur plaît.

-        Pourquoi ?

-        Parce qu’ils sont avec d’autres gens.

-        Oui. Mais encore.

-        Ils passent du bon temps ici, parce qu’ils… ont beaucoup de choix pour acheter…

-        Mais… on peut aussi boire et manger en achetant…

-        Et les enfants peuvent aussi jouer un peu…

-        C’est un lieu de choix pour passer du temps, du bon temps et aussi acheter ce dont on a besoin pour le quotidien. Et il y en a pour toutes les bourses. C’est comme cela qu’on dit ?

 

Je ris en leur souriant. Ils sont observateurs.

 

-        C’est bien l’expression idoine.

-        Pour le côté argent qui est nécessaire si on achète des choses… Dani nous a expliqué pour l’argent et les cartes de crédit et les comptes en banque. Mais nous ne devons pas nous préoccuper de ça. Nos pères nous ont expliqué que Glorios s’occupait de la partie matérielle et pécuniaire. Nous devons en référer à lui pour toutes questions concernant l’argent et les dépenses courantes.

-        Okido ! C’est bon à savoir. Vous verrez donc avec lui. Mais, bien vu.

Je ris en leur souriant. Ils sont observateurs.

 

-        C’est ça. Vous comprenez pourquoi ce sont des lieux qui ont tant de succès et sont très concouru.

 

Ils hochent la tête. Après cela nous passons une heure à aller d’un endroit à l’autre en nous baladant et en d’assouvissant les envies acheteuses et capricieuses de Glorios et un peu les miennes aussi. Même mes Draconites se laissent tenter. Comme quoi… Je ne suis pas la dernière à succomber à cette espèce de fièvre compulsive qu’on possède presque tous en nous. Quoi, vous pas ? Et alors ? Grand bien vous fasse. Moi, je ne boude pas les plaisirs et de temps à autre un centre commercial, ça le fait !

 

29.

              

               Quand nous retournons, il fait déjà nuit. La Belgique a cette particularité que la nuit peut très vite assombrir l’air. Cela tient au ciel pas toujours très clair. Très nuageux. J’ai appris que les Draconites aimaient les nuages. Cela les cache à la vue des humains lorsqu’ils décident de venir de notre côté. J’ai alors demandé s’il n’y avait pas de problème avec les avions. C’est à ce moment-là que je sais que j’ai raté une occasion de la fermer. Pour ma défens – si défense il devrait y avoir – je n’y connais rien niveau vol et compagnie. Du coup, je zieute un peu plus le ciel pour voir si je ne verrais pas un dragon voler. C’est un peu comme celle qui voit des nains partout, sauf que les dimensions seraient légèrement différentes. Ça fait marrer Glorios. Mais comme un rien fait marrer Glorios… CV, va !  Quand nous entrons dans la cuisine, nous sommes très excités. Je suis très heureuse de cette sortie. Je commence à les apprécier. Quand ils se dérident et se laissent aller, ce sont de joyeux drilles. Mikaïl sourit en nous voyant. Il a préparé à souper. Une des raisons qui m’a fait rentrer. Je savais qu’il désirait cuisiner pour nous et j’aime lui faire plaisir. Ils s’asseyent à la grande table, commentant des tas de choses avec Glorios qui vient d’arriver. Ils parlent dans une langue gutturale. C’est la langue des Draconites. Une simple gorge humaine ne pourrait pas parler cette langue, je crois. Dani est arrivé et tout de suite la connexion qui existe avec mes deux padawans se reforme. J’aime voir cela, cette complicité. Whouna arrive. J’ai perçu son aura flamboyante avant qu’il n’arrive. Il suffit que je la perçoive pour me sentir inondée par elle et heureuse. C’est comme s’emplir les poumons d’un air naturel et sain. On a la sensation d’être régénéré et rénové. Tous l’ont salué avec déférence et affection. Dani et lui ont fait un check five. Aiden et Declan ont fait de même avec un peu moins d’efficacité et un peu plus de réticence. Whouna reste une figure emblématique, hautement respectée par les Outre-Vivant en général et en particulier. Dur de se défaire des mythes, légendes et coutumes ancestrales. Je revois encore la tête de mes deux ahuris quand j’ai sauté au cou de Whouna tout en le cajolant. Ils en avaient la mâchoire qui trainait pratiquement au sol. Glorios se bidonnait, pour changer, quant à Mikaïl, mon tendre et merveilleux doux amour, il a donné quelques explications en Draconite. Cela a rasséréné un peu mes deux lascars et depuis, ils ne se formalisent pas de mes gestes de tendresse ou des actes peu conventionnels vis-à-vis de lui. Mais Whouna, il est… je ne sais pas trop d’ailleurs, mais…c’est Whouna, quoi. Je ne peux pas dérouler le tapis rouge pour lui.  Nous sommes tous assis autour de la table et nous dînons dans un brouhaha joyeux et bruyant tout en nous délectant des mets préparés par Mikaïl.

 

-        Où va-t-on demain ?

 

Je lève mon nez de mon assiette et surtout son contenu qui est tout simplement divin, une vraie tuerie et regarde Declan. Il est le moins causant et le plus discret. Je suis toujours un peu surprise quand il prend l’initiative de parler ou d’interférer.

 

-        C’est bien que tu en parles. J’ai deux propositions. Soit, nous avons journée libre et chacun fait ce qu’il veut, histoire de décompresser et de digérer tout ce que vous avez appris. J’imagine que s’adapter à ce monde si différent du vôtre requiert pas mal d’efforts et d’énergie. Soit, nous continuons la visite de notre société en vous faisant visiter un autre secteur de notre civilisation mondialiste.

 

Tous me regardent avec ébahissement.

 

-        Quoi ? J’ai dit quoi ?

-        C’est parfait, ma très chère enfant. Tu as parlé… top dar.

 

Whouna se tourne vers Dani pour avoir son approbation. Dani lève son pouce et Whouna rayonne. C’est ce que j’aime chez Whouna, c’est cet enthousiasme et cette innocence avec son humilité. Il est la quintessence de la vie, de toutes les vies et pourtant… Declan et Aiden se consultent du regard et sans doute via intra-cerveaux. Glorios et Mikaïl regardent avec tendresse et indulgence ces deux jeunes qui ont un air touchant.

 

-        Nous aimerions… une pause. Nous avons besoin de nous ressourcer.

-        Oh, bien sûr ! Il faut me dire ce genre de stud. Je serais mieux pour que vous soyez bien. Donc, vous avez besoin de quoi pour vous ressourcer ?

 

Ils me regardent en écarquillant les yeux. Je les ai perdus encore une fois. J’ai dit quoi ?

 

-        Ma félidée, ressourcer signifie qu’ils ont besoin de retrouver leur forme draconique.

-        Oh ! OK ! Je ne savais pas…

-        Bien sûr. C’est à nous de vous aviser de nos nécessités, nous vous présentons nos plus sincères excuses.

-        Oui, bon, ce n’est pas grave ! On ne va pas se la jouer protocole à tous les étages, quoi ! Maintenant que je le sais… s’il y a d’autres choses pertinentes que je doive savoir…

 

Ils se regardent encore et secouent la tête négativement.

 

 

-        OK ! Manger, sinon, ça va refroidir et ce serait pitié !

 

Nous terminons le repas en riant, dans une ambiance très chaleureuse.

 

 

 

 

 

30.

 

            Je me réveille très tôt, suffisamment pour observer les amours de ma vie. Ils ont là tous les trois. Curieusement, Glorios dort. Il est le plus ancien de mes amants, mais il dort comme un humain. C’est… un effet secondaire de notre relation. D’après Mana, c’est tout à fait inusité et même improbable, mais notre relation est atypique et cela ne s’est jamais vu de mémoire de Mana. Et Mana, c’est le premier vampire né, autant dire que c’est une mémoire existante, puisqu’il ne vit pas. Comme tous les vampires et pas mal d’autres espèces Outre-Vivant. Et de mémoire de Whouna qui est le disque dur du vivant et existant dans l’Univers, il n’y a jamais eu ce cas de figure, pour dire comme cela. John dort d’un œil, il a un sommeil si léger que même le murmure d’une plume tournoyant dans l’air le réveillerait. D’ailleurs, je ne suis pas certaine qu’il ne sache pas déjà que je suis réveillée. Puis il y a Mikaïl. Il est si beau, d’une beauté émouvante et douce. Ses traits détendus sont, à mes yeux, parfaits. Il ne dort presque jamais, il médite et se mets en état Alfa. Il a une capacité de s’absorber et de s’extraire de la réalité digne d’un bonze ou d’un moine ou d’une moniale contemplatif/ve. Il étire son bras et me prend contre lui. Il retombe dans sa méditation et bientôt John le rejoint et se colle à mes jambes comme un petit loup ou chien. Loup… loup… il me fait de chatouille et j’aime autant qu’il ne continue pas. Glorios ouvre grands ses yeux de ce bleu céruléen irréel.

 

-        Quoi ?

 

Curieusement, Glorios a aussi les réveils des humains, autrement dit, désorienté et ahuri. Enfin, je dis ça, je dis rien. Il doit y avoir des gens qui ne sont pas dans le coaltar au réveil. Mais Glorios, si. On sourit tous les trois en le voyant si ébouriffé et si abruti de sommeil. Je lui tends la main et il se place contre moi. Nous renouons un instant le temps du sommeil chacun comme il le sent, mais je n’arrive plus à m’endormir, ni même à sommeiller.

 

-        Vous croyez que c’est bien que nous allions dans un centre hospitalier ? Après tout, c’est un endroit pour se soigner quand on a quelque chose qui va pas comme ça devrait chez soi.

 

Ils me fixent du regard. Glorios se soulève et fait des arabesques sur mon ventre nu. Il fait cela quand il se concentre.

 

-        Pas faux. Mais… les centres hospitaliers sont devenus incontournables et pratiquement indispensable au quotidien de beaucoup de gens. On y va même si on n’a rien. Des prévisions, dépistages ou révisions. Ce sont les termes utilisés aujourd’hui, non.

-        Oui. C’est une avancée importante aux soins de santé.

-        Ou une manœuvre de marketing sanitaire aussi.

-        Sans doute, oui. Mais cela ne m’avance pas vis-à-vis de ma question. D’ailleurs… ils ont des centres de soin ou comme on les appellerait dans la société draconite ?

-        Ils ont une capacité à se guérir chacun et c’est très rare qu’ils aient recours à des soins de santé, comme on l’entend chez les humains. Cependant, il y a des sortes de guérisseurs qui peuvent les aider s’il y a blessure, par exemple ou brûlure.

-        Ils peuvent se brûler ?

-        Oui. Pas leur propre flamme, mais si d’autres draconites leur envoient des jets brûlants, cela peut les atteindre et les brûler. Normalement, ils s’auto-soignent, mais quelquefois c’est trop grave. Interviennent alors des guérisseurs.

-        Mais… cela pourrait les intéresser de voir où on soigne ou du moins ou on donne des soins de santé aux personnes ?

-        Oui.

 

Je me tourne vers Mikaïl qui me regarde de son chaud regard si tendre.

 

-        Cela leur donnera une idée de la fragilité et de la vulnérabilité des humains et aussi cela leur indiquera où ils devront aller dans le cas où un humain serait blessé ou malade.

-        Une sorte d’indication d’intérêt général.

-        En quelque sorte.

-        OK !

 

Je reste pensive un moment.

 

-        Et on devrait aller dans quel centre hospitalier ?

-        Un grand. On passera plus inaperçu et on gênera moins le personnel soignant.

-        J’ai une amie qui bosse dans un grand centre hospitalier de Bruxelles. Elle est d’essence Lycos, elle pourra nous aider.

-        Génial.

 

Je réfléchis et me recentre.

 

-        Demain… je peux… non, ce n’est pas…

 

Mes amours attendent que je poursuive.

 

-        Pour se ressourcer… c’est… font quoi ?

-        Ils volent au-dessus des nuages. Demain il fera très nuageux et ils voleront au-dessus des forêts surtout, un plus pour rester invisibles.

-        Ah oui ! OK !

 

Ils me fixent du regard en souriant.

 

-        Tu aurais aimé y aller, mon aimée ?

-        Non, non ! Enfin… un peu… je crois… mais avec les nuages et tout ça…

-        Tu pourrais venir sur le dos harnaché d’un Draconite.

 

Je regarde Mikaïl, horrifiée.

 

-        Mais non, mais non… Je suis… j’ai le vertige… peux pas, vraiment pa  s…

-        Bien, mon aimée.

 

Il me serre contre lui tendrement, Glorios aussi et John aussi contre mes hanches et mes jambes.

 

-        Mais tu peux les voir et être avec eux.

-        Comment ?

-        Glorios peut léviter à une altitude suffisamment haute pour que tu admires leur vol.

-        Mais, c’est kif-kif et bourricot ! C’est en hauteur !

-        Oui, mais nous avons un système qui te permettra d’être en l’air à l’aise et sans peur.

-        Comment ça ?

-        Une bulle de contention énergétique teintée qui ne te permettra pas de voir le sol sauf autour de toi et en l’air.

-        C’est possible ça ?

-        Avec Whouna et Mana, sans aucun problème.

-        Tu veux dire que… ils ont créé ça pour moi ?

-        Oui.

 

J’ouvre la bouche, la referme. Ma vision se perd. Je ne dois pas pleurer. Je ne peux pas pleurer. C’est tellement, tellement… je les aime…Nous gardons le silence. Mon cerveau bat la campagne, mes pensées se tournent vers Mana, puis Whouna, puis se perdent à nouveau, ce qui me rend distraite, un peu absente. Mauvaise idée. Mes deux CV et mon CF n’attendent que cela pour s’unir et s’occuper de moi et… c’est absolument… Carré Giga-méga blanc !

 

 

 

 

31.

 

            Je suis harnachée, vraiment très harnachée contre Glorios qui est aux anges. Il adore tout ça. Je le sens. Il a une sorte de rire ondulant et de plaisir qui se propage contre moi sans trop m’atteindre. J’ai un peu la trouille. J’avoue. Mes padawan sont partis tôt ce matin avec Mikaïl pour des envols d’essais. Je subodore qu’ils le font pour après me donner un spectacle de vols. Je connais mon Mi.

 

-        Mayanahe… Ne crains rien. Tu vas adorer.

-        Wep, sûr !

-        Détends-toi, j’assure.

 

Une demi-heure plus tard, après quelques rajustements mentaux, nous décollons. Le ciel est un manteau nuageux de gris clair à gris foncé en passant par toutes les teintes grisâtres. Je pars en vrille mentale de panique contrôlée, puis me détend quand Glorios me caresse longuement et doucement mes bras, mes mains, mon ventre et que je me détende lentement. Je commence à vérifier que je ne voie rien en bas. Effectivement. Même pas si je me tends en avant. En fait dès que je veux regarder au-delà de mes pieds, une sorte de brouillard m’en empêche. Je finis par regarder autour de moi. Il y a encore pas mal de couches nuageuses entre le sol et notre ascension, puis on arrive à une frange dégagée de ciel. Glorios s’arrête juste au-dessus d’une masse blanchâtre et évanescente.

 

-        Ça va ?

-        C’est bizarre, mais je n’ai pas peur. Enfin, pas vraiment. C’est un peu… enfin, j’ai de l’appréhension, tu vois… parce que là… on est dans les airs.

-        J’ai toujours voulu m’envoyer en l’air avec toi !

-        Glorios ! Ce n’est vraiment pas le moment de dire des âneries ! On est… dans les aires, tu comprends !

-        Oui, parfaitement et c’est très sexy !

-        Oh bon sang ! T’es irrécupérable.

-        Parait ! Ça fait même un bail qu’on me le dit !

-        CV !

 

Il y a une sorte… Waouh ! C’est un…

 

-        … Draconite. Declan. Il est un peu plus grand et plus fort qu’Aiden.

 

Un autre Draconite passe.

 

-        Mikaïl.

-        Il est magnifique.

 

Sa peau est un dégradé de doré, jaune chaud et de couleur orangée, chaude et profonde. C’est flamboyant et il est immense, mais si gracieux. C’est tellement lui. Il a cette grâce qu’il met en tout. Les trois Draconites se pourchassent et font des arabesques aériennes magnifiques, si complexes aussi que j’en reste bouche bée. Glorios ressert mon épaisse parka fourrée et remonte mes gants également fourrés. S’il pouvait il me resserrerait les bottes qui sont dignes de celles utilisés dans les pôles. Mes amours avaient peur que j’attrape froid. Je risque juste de perdre deux kilos pour sauna personnalisé appliqué. Je ne me préoccupe pas. Glorios adore me cajoler. Je laisse faire. Pendant, je continue à être béate d’admiration et très impressionnée. C’est tellement… C’est… en fait… c’est magique. Voilà, magique. Oui, bon, des dragons, c’est magique… mais ce n’est pas ça… faite pas comprenette bouchée… C’est magique comme incroyable, comme extraordinaire, comme… mirifique, comme… enfin, utiliser Google pour les synonymes, moi je déguste du merveilleux par tous les sens.

 

-        Tu aimes ?

-        C’est… merci...,

-        Quand tu veux, ma félidée.

 

Le spectacle continue encore quelques minutes, puis les trois Draconites stoppent leur vol et me saluent. Enfin… une sorte de salut groupé. J’en ai les yeux embués. C’est… je suis si reconnaissante. Je les vois partie au loin, puis s’estomper entre les plis des nuées compactes comme on s’évanouit… dans les airs. Nous restons encore deux-trois minutes. Mes yeux sont perdus là où je les ai vus pour la dernière fois.

 

-        Prête à rejoindre le plancher des vaches, mayame ?

 

Je soupire et tourne mon visage vers celui de mon CV d’amour.

 

-        Merci ! Je t’aime, tu le sais…

-        Tu veux vraiment que je te montre ici, en l’air combien je sais que tu m’aimes ?

 

Je fais la grimace.

 

-        T’as raison ! Sur le sol ferme, tu peux me montrer tout ce que tu veux.

-        Tout ? Tu prends des risques !

-        Oh, hein… tu ne la ramènes pas et tu ne fais pas ton malin. Allez, redescendons sur terre, finalement c’est là où je me sens le mieux. De plus, j’aurais vraiment besoin de me réchauffer. Il caille vachement en haut.

-        Comptes sur moi. Je sais comment te réchauffer.

-        Oh, hein…

 

Quelques minutes plus tard, nous sommes au sol et… le reste ne vous concerne et ne vous regarde pas.

 

 

 

32.

 

 

            Nous sommes dans le parking d’un centre hospitalier de Bruxelles qui est… gigantesque. J’aurais pu décider qu’une polyclinique ou un centre plus petit serait adéquat pour leur expliquer cde tels lieux, mais… ici ils vont voir un peu de tout. A la fois la dimension tentaculaire d’un tel lieu, en espaces et autres pièces de soins. Que cela soit des aires de consultations à celles d’hospitalisation et autres lieux d’analyses particulières prescrites par les médecins et d’autres endroits pour tout le monde. Il y a même des petits magasins, genre librairie et une pharmacie aussi. Le restaurant est aussi assez visité par tout le personnel hospitalier, mais aussi par les malades hospitalisés, les visiteurs de ces deniers et tout quidam qui veut accéder à ce service. Mes padawan ont leur mine d’ahuri, autrement dit, ils regardent tout avec curiosité et perplexité. J’imagine qu’ils n’ont jamais rien vu de pareil. Je les comprends, ces lieux sont aussi curieux pour moi. Il y a une odeur, une effervescence et une synergie qui me mettent mal à l’aise, me déstabilisent et me stressent. Le nouveau mot à la mode… le stress… John discute avec une de ses nièces. Enfin, petite nièce, plutôt. Ils semblent très proches. Ce qui ne m’étonne guère. John est le parent idéal. Il est proche de tous les siens. Il est une sorte de… parent de référence. Dès qu’il y a un problème, ils veulent en parler avec lui. Même si son oncle Jostard, qui est le Lycos en charge de toute la Communauté. Il inspire naturellement confiance, ce qui est beaucoup dire quand on est un Lycos de sa puissance et de sa force. Mikaïl m’a accompagné cette fois-ci. Glorios est resté pour régler certaines de ses affaires et avoir une conférence par audio-vision avec les responsables et autres Directeur Général de ses entreprises et aussi avec Ranita, sa SCTCEP : Secrétaire-confidente et tête chercheuse et pensante et meilleure amie. Elle travaille comme bras droit et factotum de Glorios, ce qui permet à mon CV d’amour d’être plus souvent avec moi. IL a appris à déléguer. Ce qui m’arrange, bien sûr, mais qui ne me permet plus de voir autant Ranita. Bien sûr le fait que Cristold, son compagnon et l’amour de sa vie ait décidé de faire littéralement un tour du monde avec elle et aussi de vivre ici et là où il a aimé vivre par le passé, n’aide pas à ce que nous voyons avec régularité. Je relève la tête, j‘étais attentive à suivre les lignes sur le sol qui amène à tel ou tel lieu dans l’hôpital. Mes élèves sont arrêtés et e regardent. En fait, tous mes regardent.

 

-        Quoi ?

-        Nous voulons savoir par où commencer la visite.

 

Je regarde John qui vient de parler.

 

-        Ben, heu, je ne sais pas. C’est mieux que…

-        Yanaïs…

-        Yanaïs, oui, c’est ça de nous driver à gauche et à droite.

-        Ah, il est important de circuler dans un centre hospitalier dans deux directions particulières.

 

Je regarde Declan qui hoche la tête comme s’il avait eu une illumination ou alors la solution d’un rébus particulièrement difficile. J’écarquille les yeux.

 

-        Non, non… c’est une expression.

 

Il affiche une mine déçue.

 

-        Il n’y a pas de sens précis, enfin oui, pour pouvoir se retrouver quand on doit aller à un endroit précis, on doit, par exemple suivre les panneaux explicatifs et aussi ces lignes sur le sol. Il y a aussi des explications sur d’autres panneaux pour savoir comment aller ici et là. On peut aussi demander son chemin à une des personnes qui travaillent ici. Un médecin, un/e infirmier/ière ou autres.

 

Ils hochent la tête, rassurés. Yanaïs décide de nous faire aller d’une aire à l’autre en nous expliquant la dynamique d’un tel lieu, leurs fonctions, leurs utilités, les patients qui vont là. Mes padawan entourent la jeune femme et boivent littéralement ses paroles. Ils sont supra-mega concentrés. Je suis épatée. Les gens circulent autour de nous. Le personnel, reconnaissable à leur vêtement de soignants, les visiteurs, re connaissables à leur bouquet de fleurs ou les ballons et autres cadeaux que l’on offre dans ces situations là et le reste. Nous sommes un groupe à part. D’ailleurs, je suis surprise que personne ne semble nous calculer.

 

-        Nous avons mis autour de nous une sorte d’enveloppe énergétique qui fait que les gens n’ont pas besoin de nous voir.

-        Comme un sort de camouflage ?

-        C’est l’idée, mais c’est plus comme un répulsif.

-        Note, les gens sont si peu observateurs et personne ne fait attention à personne… donc…

-        Oui. Mais nous avons, disons, une forme d’être et de faire qui pourraient nous faire remarquer et ce n’est pas souhaitable.

-        Oui, tu as raison. Note… mieux comme ça, plus tranquille.

 

Nous continuons la visite. Nous passons aussi par les couloirs où les gens sont hospitalisés. Nous ne sommes pas indiscrets, mais beaucoup sont dans les couloirs ou ont leur parte ouverte. Certains sont plus ou moins bien, mais d’autres ont l’air très malades. Je me rapproche de mes deux padawan. J’ai vu leur aura s’altérer en regardant ces personnes qui vont de leur endormissement médicamenta  l à des états plus terribles. Ils semblent très impressionnés.

 

-        Ils sont malades ?

-        Tous ceux ici le sont à des divers degrés.

-        Ça sent la mort.

 

Je regarde Aiden qui a le regard posé sur une personne d’un certain âge qui a l’air en bout de vie et d’un jeune qui est avec plâtré. Sans doute un accident de la route.

 

-        Pourquoi mettre deux malades ensemble ?

-        Manque de place quelquefois et aussi c’est mieux psychologiquement d’être avec une autre personne.

 

Yanaïs a répondu à la question, mais je sens qu’il y a d’autres raisons plus liées à leur métier. Je vois dans leurs yeux toute une palette d’émotions que j’ai du mal à déchiffrer.

 

-        Ils ont de la peine pour eux.

 

Mikaïl me souffle les mots. Je lui serre fort la main. Yanaïs part en avant et la visite se poursuit. Les deux Draconites se sont rapprochées et regardent tout avec plus de réticence. Ils sourient amplement quand on passe par la Maternité. Ils rient même. Il semble que les Draconites adorent les enfants et plus encore les bébés. Mikaïl me l’avait expliqué. Nous restons un peu plus longtemps dans ce service et je suis plus rassurée en les voyant se détendre. Nous continuons la visite en silence. Yanaïs décide de nous emmener en dernier lieu à la morgue. Il y a là deux vampires médecins légistes qui officient en ces lieux. J’ai trouvé cela étrange, mais pas Mi, ni les Draconites. Mikaïl les connait bien. Je crois même qu’un des deux est une de ses filles. Nous parlons un peu avec eux. Curieusement mes deux apprentis ne sont nullement troublés par ces mieux.

 

-        La mort fait partie de la vie, mon aimée. C’est dans l’ordre naturel des choses. Ils sont respectueux de cela.

 

Nous terminons la visite et décidons d’aller dans le restaurant. Ce sera l’occasion de leur montrer un autre lieu gastronomique en quelque sorte. Nous commandons. Yanaïs leur conseille quoi prendre selon ce qui se prend habituellement parmi le personnel, les patients et les visiteurs. Nous consommons. Je vois des questions circuler dans la caboche de mes deux ahuris, mais Yanaïs est encore de service et je ne voudrais pas abuser.

 

-        Poser vite vos questions… Yanaïs doit encore travailler.

-        Oh oui, bien sûr. Nous vous sommes très reconnaissants de votre temps, les explications. Nous voudrions juste savoir… pourquoi avoir choisi un travail avec de telles douleurs ?

 

Yanaïs ouvre la bouche, un peu interloquée. Mais son essence Lycos lui permet de comprendre le point de vue d’un Lycos.

 

-        Je ne peux pas parler pour tous ceux qui décident de faire ce métier… Mais… c’est surtout parce qu’ils ont besoins de nous et nous pouvons les aider.

 

Declan et Aiden hochent la tête. Ils comprennent ce qu’elle dit et surtout ce qu’elle ne dit pas. Peu de temps après nous partons et une heure plus tard, embouteillage oblige, nous sommes à la maison.

 

 

 

 

 

33.

 

            Nous dînons dans un silence curieux. Glorios, Dani et Whouna… Dani. Il ne devrait pas étudier pour l’unif ? A moins qu’il ait terminé son cursus. Je ne sais plus. J’ai un peu de mal, passé les humanités à me retrouver dans les cursus universitaires et autres non-universitaires. Je lui poserai la question plus tard. Quant au reste de la maisonnée… actuellement, nous sommes mes deux padawan, John et Mikaïl qui a fait un buffet froid absolument délicieux. Aiden et Declan sont perdus dans leurs pensées et je les sens perturbés. Je savais bien que ce ne serait pas vraiment… enfin, je ne le sentais pas, quoi ! Et maintenant…

 

-        Ça va ?

 

Ils relèvent la tête. John et Mikaïl savourent et sont détendus.

 

-        Oui.

-        Vous n’avez pas l’air. C’est la visite, c’est ça, trop dur.

-        Non, ce n’est pas cela… ce sont toutes ces personnes qui sont couchés là… il y avait tant de désespoir et de résignation.

-        Résignation ?

-        Oui. Comme si être soigné était aussi mal que d’avoir un problème de santé. Et ce désespoir… Cela sentait la mort.

-        Vous avez déjà dit cela. Vous voulez dire quoi ?

-        Chez nous cela signifie que l’instinct de vie ou ce qui donne ce désir de vie est moindre que le désir de mort.

-        Mais si ces personnes vont à l’hôpital c’est parce qu’ils veulent vivre.

-        Cela ne suffit pas. Ce sont des lieux de mort, pas de vie.

-        Mais… non… enfin, on peut y mourir, bien ^sur, mais… c’est des lieux qui sont préparés pour la vie, pour que les gens vivent…

-        Ce n’est pas ce qui se dégage de là. A part la…Maternité… c‘est comme cela que vous dîtes ?

-        Oui.

 

Je porte une bouchée avec un mélange de légumes sautés à mes lèvres. Mm ! Je… ne comprends pas cette expression, mais j’ai le sentiment que c’est juste. Je ne peux pas l’expliquer, mais… c’est toujours l’impression que j’ai eue quand j’ai été dans les hôpitaux. Même s’ils sont modernes, éclairés, pleins de mouvements, d’une énergie vibrante, il y a de la misère dans l’air et… on n’a pas envie d’être là. Ce n’est pas le but, non plus… mais cela devrait être un lieu où on est bien, où on sent qu’on est vivant… mais…  Ce n’est pas le cas… en fait, c’est sinistre.

 

-        Vous avez raison. Cela vous perturbe ?

 

Ils réfléchissent durant quelques secondes.

 

-        Oui. Nous avons vu des documentaires que Dani nous a montré et des … spots… et tous avaient le même air positif, plein de… joie de vivre, d’allant, mais quand nous y sommes allés il y a quelques heures… ce n’est pas cela que nous avons senti. Cela sent la mort.

 

Je hoche la tête. Ils mangent et leurs traits s’adoucissent. Je les découvre et cela me les rend plus proche et plus aimant. Ils sont un peu comme mes enfants… même s’ils doivent avoir un sacré paquet d’ans. Veux pas savoir !

 

-        Vous voulez aller… voler pour vous détendre ?

 

Ils me regardent surpris.

 

-        Non, nous te remercions, mais de ne sera pas nécessaire. Nous préférons continuer à connaître vos lieux de coutumes et de vies. Et de morts.

-        OK ! Je crois alors qu’un repas dans un restaurant de cuisine à fusion, ce serait pas mal.

 

Mes deux padawan blêmissent à me faire peur.

 

 

-        Heu, vous allez bien, là ?

 

Je me tourne vers John et Mikaïl qui froncent les sourcils en les regardant. Aiden écarquille les yeux.

 

-        Vous avez des restaurants qui servent des repas cuits à la fusion nucléaire ?

 

Nous regardons Aiden pour voir s’il plaisante, mais il est tout à fait sérieux. Mikaïl est au bord du fou-rire, je lui flanque un coup de pied sous la table.

 

-        Non, bien sûr que non. D’ailleurs, ce n’est pas possible, hein ! Non, c’est une manière de préparer des aliments. Vous allez voir, c’est du tout cuit très bon.

 

Mikaïl renifle. La cuisine moderne l’emmerde profondément. Il dit que manger est un art, mais surtout quand on cuisine simple et ingénieux, pas élaboré et sophistiqué. Mes ahuris soupirent et se détendent. Ce n’est pas gagné ! Demain, ça va encore être coton, je sens ça. Quant à Dani, m’est avis qu’il va être sollicité pour des docus explicatifs. Pour un peu, je le plaindrais, si je ne savais pas ce garnement très heureux de cette tâche. Même Whouna adore ça, c’est dire.

 

 

 

 

34.

 

            Quand je vais au lit… enfin, dans ma chambre, j’entends des voix. Je soupire. Mes merveilleux padawan si sensibles… on ne dirait pas comme ça, mais être un dragon ne fait pas de quelqu’un un monstre. Je souris doucement en entendant les voix et… ils rient… euh… z’étaient pas peiné… Je vais vers une…y’avait pas une petite chambre là ? Bon, pas grave ! La maison se gère toute seule, ne m’inquiète plus. Enfin, pas trop. Donc, maintenant c’est… J’ouvre la porte en frappant très légèrement sur le battant. Pour l’effet de surprise. Ah ben oui, alors ! C’est carrément une salle de jeux ou de passe-temps.

 

-        Je ne veux pas déranger, mais…  Vous allez l’air de vous amuser.

-        Yo, V.

 

Dani se lève et m’enlace en m’embrassant chaleureusement. Je garde un air sévère.

 

-        Mais, ôtes-moi d’un doute… tu ne devrais pas bosser pour tes études d’université.

-        Mais V, j’ai fini voilà deux semaines.

-        C’est vrai ? Mais comment c’est possible ça ?

-        J’ai fini mon cursus.

-        Mais pourquoi ne me pré vient-on jamais de telles choses ! A quoi ça sert que je sois la maîtresse de maison, si tout le monde fait comme il veut, quand il veut, avec qui il veut et où il veut ! Bon, mais… ne change pas de sujet ! Vous avez l’air farce…

-        V, ne te bade pas (ne t’inquiète pas) ! Je montrais à Declan et à Aiden, les réseaux pour se pacser.

-        Quoi ? Montre-moi ça, tout de suite !

 

Je vais vers l’écran et je vois une page virtuelle avec des photos, des textos… Il y a un encart stylisé au-dessus.

 

-        Enjoy with you… Qu’est-ce que c’est ça ?

 

Je regarde mes padawan qui sont figés, attendant à quelle sauce ils vont être mangés.

 

-        DANI ! Tu ne leur as pas montré ces réseaux où des gens cherche l’âme sœur ou un plan cul ?

-        Les humains peuvent s’unir d’une âme à l’autre ?

 

Je les regarde fixement. Ils parlent français pourtant, mais je ne comprends pas toujours ce qu’ils disent ou posent comme question.

 

-        Je ne veux même pas savoir ce que tu entends par là, Declan ! DANI !

-        Ma chère douce Vera. Ces sites sont ce que beaucoup usent pour trouver une personne avec qui passer leur vie. En soi, ce n’est pas négatif.

-        Whouna… mais…

-        Ma tendre Vera… peu importe où se passent les rencontres, ni comment, ce qui compte, c’est de trouver cette personne avec qui être. Votre temps est si court et si friable.

 

Je ne sais pas ce qu’il entend par friable et je ne veux pas savoir. Mais…

 

-        Bon, c’est vrai avant y’avait les discothèques et autres lieux de récréation où on pouvait rencontrer quelqu’un… maintenant… y’a encore de tels lieux et d’autres où l’occasion peut faire le couple, mais c’est… différent maintenant. Et… tu crois que ces lieux, c’est comme tous ces lieux de possibles rencontres condensées en plusieurs pages virtuelles ?

-        Je n’aurais pas pu mieux dire, ma très douce Vera.

-        Merci, Whouna. Bon, ben, maintenant qu’on a clarifié la situation… Dani… tu peux continuer à expliquer à Aiden et à Declan ces… sites… passez une bonne soirée… Je vous voie demain. Bonne nuit.

 

Dani m’embrasse tendrement, Declan et Aiden m’embrassent sur la joue avec chaleur, mais un peu déconcerté et Whouna me serre contre lui avec infiniment de tendresse. Il sait comme personne me soulager de mes propres angoisses, inquiétudes ou irritations. Je me laisse engloutir dans sa sérénité et mon amour pour lui devient infini. Nous nous déprenons.

 

-        Dors bien, ma charmante Vera.

 

Je hoche la tête. Je sors, referme doucement la porte et me laisse un peu aller contre le battant.

 

-        Merde ! Bravo, Vera, y’a que le ridicule qui ne tue pas, une chance pour toi, tu serais déjà six pieds sous terre.

-        Tu soliloques toute seule, ma féline ?

-        J’essaie de ne pas me gifler pour comportement stupide.

-        Tu ne préfères pas une séance de mamours ?

 

Je regarde John et ris un peu. Il peut être si… p’tit loup !

 

-        Mamours, vraiment.

-        Vraiment. Je crois d’ailleurs que dans la symphonie des mamours, cela se joue à huit mains.

-        Sur un même instrument ?

-        Sur quatre instruments plus que disposé.

-        Alors, ne laissons pas refroidir les deux autres instruments ?

-        Mon exact sentiment !

 

 

 

 

35.

 

            John, Aiden, Declan, Dani, Whouna, Glorios et moi prenons place sur une table ronde très grande. Normal les assiettes sont gigantesques par rapport au contenu. Aiden et Declan ont écouté avec une très grande attention les explications absconses du Maitre d’Hôtel sur les préparations à la fusion. Je les voyais froncer les sourcils de plus en plus, ne voyant pas vraiment de quoi parlait cet homme, au demeurant très sympa, très pro et très passionné. Cela fait plaisir. Le cadre est vraiment magnifique. Il est en hauteur, dans un restaurant très design, avec des espaces délimités où les convives se sentent en espace privé, mais en public, ce qui n’est pas désagréable. Les lieux sont éclairés et le fait d’être ne hauteur leur permet de regarder les ciels sans vis-à-vis. C’est plaisant. Le premier plat est arrivé. Le Maitre d’Hôtel est reparti dans des explications plus succinctes sur le plat proposé. Aiden et Declan ont une mine défaite. Ça mange quoi un dragon, normalement ? Des vaches entières, des moutons, de l’herbe sauvage ? Je ne vais pas demander, je ne veux pas qu’ils crachent des flammes de colère ! Ils ont gouté avec précaution et ils ont souris. Ce n’est pas mauvais. Maintenant on est à la dix-septième bouchée et dix-septième explication aussi précise et concise. Pour ma part, je suis un peu écœurée. John soupire à intervalles irrégulières quant à Glorios, il fait l’intéressant en savourant et en lançant des interjections tel que : « Surprenant ! Rafraichissant ! Quelle texture ! Cette Combinaison sublime ! »  Et autres stud du genre. CV ! Dani et Whouna ne disent rien. Il mange avec une relative curiosité comme s’ils n’étaient pas plus concernés que cela. Ça ne m’étonne pas. Je ne sais pas qui déteint sur qui ! Et la 22ième bouchée arrive. J’espère qu’ils ont plusieurs lave-vaisselles. Toutes ces assiettes. Ils devraient placés des plateaux avec les bouchées et chacun mettrait une ou plusieurs sur l’assiette. Vu le gabarit de celles-ci, ce serait une idée. Mais bon… je ne suis pas dans la restauration non plus, hein ! On nous propose la carte des desserts. Je n’en peux plus des bouchées. Sucrées, salées, c’est bon quoi !

 

-        Nous avons aussi des cartes de thé et de café si vous le désirez.

-        Excellente idée, je prendrai plutôt une boisson.

 

Je regarde John e j’hésite. Les photos sur la carte des desserts sont des plus inspiratrices et ce ne sont pas des bouchées mai bien des desserts. A part un encart avec des propositions qui m’inspirent que du doute, sinon le reste… Je vais me laisser tenter. Après tout, je n’ai mangé que des bouchées, donc, ça ne compte pas, si ? Nous dégustons les desserts, pour moi une mousse à la groseille, une mousse de chocolat pour Dani, une mousse à la banane pour Whouna et une mousse au nougat et aux amandes pour Glorios. Mes padawan ne savent pas, du coup notre magnifique Maitre d’Hôtel leur propose un plateau de desserts variés. Je suis admirative quand je vois le plateau. J’ai senti mon cholestérol et mes triglycérides grimpent en flèche rien qu’à voir tous ces délices sucrés. Les dragons peuvent-ils être diabétiques ? Je sais c’est chtarbé comme question, mais vu ce qu’ils bâfrent de sucreries et autres, c’est à se poser la question. Enfin je crois.

 

-        Vous pouvez être diabétique et avoir des problèmes de cholestérol ou même d’obésité ?

 

Mes deux ahuris ont une mine encore plus ébahie et moi aussi. J’ai encore raté une occasion de me taire. Bon sang, le chat a perdu sa langue, ça ne m’étonne pas. A force de curiosité, ça va finir par m’arriver.

 

-        Non, ma féline, il y a peu de chance.

-        Merci, John…

 

Aiden me regarde en plissant les yeux.

 

-        Nous ne pouvons avoir des maladies humaines, même si nous sommes en parti humain.

-        Ah… oui, bien sûr… j’avais oublié, vous me l’aviez dit ou je ne sais plus… c’est juste que j’ai des idées qui me viennent dans la caboche et alors ça tourne, puis je demande et je… bref… je suis contente que vous n’avez pas nos faiblesses.

-        Je suis désolé que vous les ayez, Vera.

 

Je suis touchée et plus par ce regard compatissant et doux qu’il a pour moi. Une demi-heure plus tard, nous sortons du restaurant. Curieusement, je ne me sens pas ballonnée, mais légère, ce qui est… surprenant.

 

 

 

 

 

36.

 

-        Peux-tu nous expliquer à nouveau où nous allons, dame… euh, Vera ? Dani nous a expliqué, mais nous n’avons pas vraiment compris de quoi il retournait.

 

Je regarde Declan qui n’en démordra pas. Je soupire. Ça ne m’étonne pas que Dani ait du mal à donner une explication claire de l’endroit où nous allons. A son âge, je n’aurais pas pu non plus. Et même plus âgé, je ne suis pas sûre qu’on y arriverait. Il y a plusieurs choses qui empêchent d’avoir une vision claire de ce que sont ces endroits. On a bien des définitions, mais humainement… comment expliquer ces voies de garage, là où la vie est ne exergue, où le temps devient obsolète, parce qu’il ne se nourrit plus du quotidien de la société entière où nous vivons ? Comment expliquer que la détérioration des corps et des esprits nous fait aller dans ces endroits qui devient une salle d’attente pour l’au-delà où tous nous allons ? Comment expliquer que le personnel fait de son mieux, mais qu’ils sont assujettis à un contrat de travail qui fait de leur office une routine laborieuse ?

 

-        Je crois que le mieux est que nous allions là et que vous voyez ce qu’il en est. Après ce sera plus facile, je crois de donner des explications et de répondre à vos questions éventuelles.

 

Ils hochent la tête, pas très sûr, mais ils comprennent le concept.

 

-        OK ! Andiamo, donc !

 

L’avantage de tels lieux est qu’on en trouve dans toutes les communes. Donc, nous ne devrons pas aller très loin. J’ai choisi un dépendant de la commune où nous habitons, donc publique et non privé. Mais le tout est de comprendre le concept de cette population en particulier. Ensuite, cela peut varier selon les finances et aussi les états des personnes et des circonstances de leur vie. Il y a plusieurs facteurs personnels et sociétaux qui entrent en ligne de compte. Aujourd’hui je suis seule avec mes padawan. Dani devait aller à l’unif pour voir un de ses profs concernant une de ses affaires à laquelle je ne comprends goutte. Enfin, maintenant il a fini son cursus. Je crois qu’il a trouvé un boulot, mais bon… je n’ai pas vu des trucs festifs à la maison, donc je ne peux pas dire. Quoi ? Vous ne connaissez pas Glorios, dès qu’il y a matière à faire la fiesta, il est présent encore plus qu’avant et je ne vous dis pas comment ça devient. Et faut pas croire que Mikaïl et John sont en reste. Que nenni ! Ils font un parfait trio. J’te jur’ bien, tiens ! Je ne sais pas comment Mi a réussi à ce que nous puissions aller sur place et visiter. Et je ne veux pas savoir. J’espère seulement que la personne qui a accepté » que nous entrions là et allons où nous voudrons sache que nous ne voulons pas de mal et que nos intentions sont honnêtes. J’espère qu’il n’a pas dit qu’on voulait y aller comme on va dans un musée. Même si ce que nous allons voir ressemble un peu à une scène de théâtre. Un lieu où s’écrit un même scénario continuellement, même si les acteurs sont différents continuellement. Je me gare dans le parking devant l’édifice la résidence pour personnes âgées. Mes padawan regardent tout avec suspicion et inquiétude. L’édifice en tant que tel n’est pas horrible et même avenant avec des parterres, de grandes baies vitrées et tout est propre et avenant.  Une grande femme sort sur le pas de la porte. Je sens que c’est elle qui va nous véhiculer dans ce lieu. Elle a une aura rouge flamboyant qui se dégrade jusqu’au rose foncé. Elle a un sourire éclatant et elle est très attirante, malgré sa très grande taille. Vampire ? Sans doute, elle a un peu la même énergie que les vampires. Je ne poserais pas la question. Ce serait grossier. Nous sortons de la voiture.

 

-        On y va ?

-        Oui.

 

J’inspire profondément.

 

-        OK, c’est parti mon kiki !

 

 

 

 

 

37.

 

 

            Voilà cinq minutes que nous parcourrons le home en passant d’abord par les zones communes. Personne ne nous a demandé qui nous étions et que faisions-nous ici, je suppose que tout est en ordre. Mes padawan regardent tout avec stupéfaction. Tout est très propre des vieilles personnes aux installations. Certaines sont vivaces, d’autres éteintes. Les télévisions sont allumées avec certaines personnes âgées placées devant les écrans. Ils sont passifs. D’autres jouent à des jeux de sociétés et d’autres encore lisent. Pas beaucoup.

 

-        Il y a une salle avec des ordinateurs. Mais peu de nos personnes âgées utilise ceux-ci.

 

Declan et Aiden hochent la tête. Je regarde tous ces visages ridés, marqués par le temps et leur génétique. Ils me donnent un sentiment de tendresse et aussi de désolation. Ils n’ont pas l’air malheureux, mais pas heureux non plus. Ils attendent, passent le temps qui leur reste. Ils sont présents et absents. J’en tremble intérieurement, tout en leur souriant, un peu gênée d’être là, comme si les voir était obscène. Notre « guide » Flaviana, leur adresse quelques paroles et certains s’animent et lui sourient avec un plaisir visible. Certains semblent renaître. Il est vrai que le sourire de Flaviana est beau et lumineux. Je souris aussi, aimant son regard posé sur moi quelques secondes. C’est comme si je me sentais plus vivante, plus heureuse. Peu de personnes ont ce pouvoir. Charisme ?

 

-        Nous allons passer dans les couloirs où ils ont leur chambre. Beaucoup ont des chambres avec une autre personne. Cela aide aussi si l’une d’elle se sent mal durant la nuit. Nous… n’avons pas tant de personnels pour être partout tout le temps. Nous faisons comme nous pouvons.

 

Elle nous explique tous les dispositifs mis en place pour aider et prévenir certaines situations. On ne peut pas dire que les personnes âgées sont laissées à leur chance. Mais il semble que ce ne soit pas assez. Je le comprends. Les instances politiques ont sans doute d’autres choses plus importantes à faire que de s’occuper de ce sujet épineux.

            Les couloirs où nous passons sont assez larges suffisamment pour qu’un lit passe et bien sûr les chaises roulantes. C’est idem pour les portes. Il y a des douches communes, étant donné que la plupart ne peut plus se laver seul. Ces espaces sont aussi adaptés aux personnes âgées et aux diverses pathologies et autres handicaps dont certains souffrent. Flaviana est passionnée par ce qu’elle dit et explique. On sent que c’est une vocation pour elle. Les chambres ont peu de décorations, juste quelques cadres et pas beaucoup plus, comme si tous ce que l’on a eu avant dans la société active comme bibelot et autres n’avaient plus leur place dans ces lieux et pour ces personnes. Dépossédés ?

Nous sortons de cette aire.

 

-        Voulez-vous prendre le goûter avec nos pensionnaires ?

 

Mes deux padawan se regardent.

 

-        Est-ce possible ?

-        Bien sûr. Ils sont toujours heureux quand il y a des visiteurs.

-        En vient-il souvent ici ?

-        Cela arrive. Tous nos pensionnaires ne sont pas intéressés, mais ceux qui le veulent peuvent les rencontrer lors d’un goûter.

-        Nous serions honorés et reconnaissants de participer à ce goûter.

 

Declan fait une courbette en souriant légèrement. Aiden fait de même. Flaviana fronce les sourcils.

 

-        Quel âge avez-vous ?

-        Nous comptons à ce jour 27.877 ans.

-        C’est bien ce qui me semblait. Je suis contemporaine de Mikaïl à quelques années près. A cet âge nous ne nous attardons plus à ce genre de détails.

 

Mes padawan sourient en hochant la tête. Ça doit être un stud de vieux, très vieux, quoi. Donc elle est bien vampire. Plus de 200.000 ans. Elle ne les parait pas. Enfin, ça je le sais aussi. Avec le nombre d’Outre-Vivant que je connais et bien sûr mes trois amours, je le sais. Enfin, je crois. Elle nous amène dans la salle-à-manger commune où plusieurs tables sont dressées. Il y en a une plus grande où des personnes âgées plus vives sont assis. Ils nous accueillent avec de grands sourires. Flaviana nous présente de manière succincte et les présente par leurs noms et prénoms. Je suis impressionnée. Moi qui aie tellement de mal à retenir les prénoms, sans parler des noms… Nous prenons place et durant une heure, mes ahuris leur posent des questions, s’intéressent à ce qu’ils vivent. Regardent les photos qu’ils leur présentent de leurs familiers et de leurs enfants et petits-enfants. Je vois combien cela leur plaît de voir leur visage s’illuminer et écouter ce qu’ils racontent. Certains se raillent affichant une certaine complicité. Il y a une autre manière de vivre et je me sens soulagée. Nous savons si peu de ce qui se passe dans ces lieux en partie clos. Ces lieux où l’autarcie semble être la dynamique. L’heure passe très vite et j’admire mes deux élèves. Ils ont du cœur. J’aime vraiment cela. Il est l’heure de partir. Nous remercions les pensionnaires de leur temps si généreusement offert. Au pied des escaliers nous saluons et exprimons notre gratitude à Flaviana. Je l’invite à venir chez nous quand elle le veut. Mi casa es su casa, dorénavant.

 

 

 

 

 

 

 

 

38.

 

            Durant dix minutes Aiden et Declan racontent à Mikaïl, Glorios, John et Whouna avec un enthousiasme et une joie qui font plaisir à voir combien la visite du home les a enchantés. Je fais la grimace. Jusqu’à preuve du contraire ces lieux n’ont rien d’enchanteur. Mais ils ont peut-être une vision différente de la mienne. Pour nous les homes… ce n’est pas ça. D’ailleurs, à moins d’avoir un familier là-bas, la plupart du temps on n’en parle même pas. On ne pense pas qu’un jour on ira peut-être là-bas. En fait, si on n’en parle pas, si on n’y pense pas, ils n’existent pas. C’est si facile de se laisser porter par le quotidien et mettre de côté tout ce qui pourrait nous poser question ou problème. Mes trois amours et Whouna les regardent avec un grand sourire tendre et affectueux. Pour ma part, je suis perplexe. Je reste dans mon transat et je regarde le jardin nouvelle tenue que monsieur Gaston, notre cher voisin m’a concocté. J’imagine que Glorios a dû lui fournir des graines particulières d’autres quadrants de notre univers. Ces plantes sont vraiment incroyables. Certaines ont la même capacité que les caméléons. Je sais que les plantes s’adaptent et se fondent dans le décor, question de sécurité et de défense, mais là… c’est incroyable. Je crois qu’il est heureux de nous avoir pour voisins. Même si nous ne sommes pas très conventionnels. Tant mieux, mais…

 

-        Très chère Vera…

 

Je me redresse en voyant mes deux padawan devant moi, un sourire splendide les illuminant littéralement. Declan me prends dans ses bras, me redresse sur mes pieds, puis me serre tendrement et fortement contre lui.

 

-        Merci, Vera pour cet immense plaisir et honneur que tu nous as offert.

 

Declan se déprend de moi et Aiden prend sa place. Il me serre d’identique façon et je me détends. Je le serre à mon tour. Aiden a un côté qui m’attendrit.

 

-        Merci, Vera, tu m’as offert un moment qui m’a ému et qui m’a soulagé.

 

Je me déprends lentement de lui et le regarde.

 

-        Soulager ?

 

Il me replace dans le transat et prend place dans celui près du mien. Nous sommes tous couché dans des transats, sauf Whouna qui a préféré un hamac et changer de tenue. Il ressemble à un … corsaire ? Bon sang ! C’est du Dani craché ou je ne m’y connais pas !

 

-        Oui. En nous emmenant dans ce home, nous avons pu constater et voir que vous vous occuper de vos anciens.

 

Je fais la moue, pas très convaincue.

 

-        Bien sûr, je comprends tes réticences et ce que tu penses et appréhendes des homes. Après ce que Dani nous a montré dans les documentaires et autres, nous n’étions pas très convaincus de cela. Mais avec cette visite, nous avons compris.

-        Compris quoi ?

-        Que vos anciens ont des fins de vies difficiles et qui ne peuvent plus s’adapter à partir d’un certain moment à votre société active. Ces lieux ne sont certes pas parfaits et beaucoup d’erreurs et de situations invivables doivent sans doute se commettre. Ce sont des êtres humains traités par d’autres êtres humains et vous n’êtes pas parfaits ni justes ni surtout conséquents, avisés et sages.

-        Pas faux. C’est donc vrai que les dragons ont la sagesse en eux.

-        Ne crois pas cela, nous savons aussi être incohérents.

 

Mikaïl et Glorios éclatent de rire. Histoires d’Outre-Vivant.

 

-        Quoi qu’il en soit, ce fut très éclairant et merveilleux de parler avec toutes ces personnes âgées, ces anciens. Les nôtres partent quand leur temps est fini.

-        Partent ?

-        Oui. Ils vont là où nous allons tous quand notre temps dans l’existence s’achève.

-        Je ne savais pas.

-        Bien sûr. C’est une des choses qui nous distinguent des autres êtres immortels. Notre temps arrive un jour et nous partons alors. Nous n’avons pas d’anciens chez nous. Aussi nous avoir permis de parler avec ces personnes a été un tel bonheur.

-        Je suis heureuse alors pour vous.

 

Je presse la main d’Aiden. Il ira loin ce petit. Enfin, petit, pas tellement, je veux dire…

 

-        J’ai un petit creux.

-        Un petit creux ?

 

Declan regarde fixement Glorios qui vient me prendre contre lui et m’embrasser comme il sait si bien le faire. Ça me fait gladaladou partout et… Je me détache de lui.

 

-        Ça veut dire qu’il a faim.

-        Ah, bien sûr !

 

Dani devrait les mettre au parfum pour les expressions langagières. J’en suis friande et ce n’est pas prêt d’en changer.

 

-        Excellente suggestion, Glo. Je prépare…

-        NON !

-        Je vais m’en charger, mon aimée.

 

Je serre Mikaïl contre moi. Il est toujours si serviable. Entre autres.

 

 

 

 

39.

 

-        MAIS CE N’EST PAS VRAI, CA !

 

Je regarde fixement Dani qui continue à tartiner avec une couche très épaisse de chocolat fondu. Ce qu’il peut m’agacer.

 

-        Tu trouves normal de leur avoir montré plusieurs films de morts-vivants sortant des cimetières. C’est déjà assez pénible que tu leur aies montré ce tissu d’âneries, mais en plus le genre filmique est tout à fait effroyable. Niveau Z et encore !

-        Et de zombies.

-        Quoi ?

-        Y avait aussi des films avec des zombies !

-        QUOI ! Mais c’est intolérable ! Des zombies et des morts-vivants aussi, je suppose.

-        V, sois pas boloss, c’est la même chose !

-        Oui, bon, hein, tu ne vas pas en plus me reprendre à chaque chose que je vais dire, hein ! C’est insupportable. Je te signale, jeune freluquet qu’un cimetière est un lieu sacré. SACRE ! Un lieu de notre plus grande considération et respect. La dernière demeure de notre dépouille. Là où nous pouvons rendre hommage quand nous désirons nous réunir pour un dernier au revoir et aussi là où nous pouvons aller pour passer un temps de vie avec eux.

-        Je sais, V. J’ai aussi expliqué tout ça et je leur ai montré plusieurs docus sur YouTube.

-        Ah…. Bien, bien… mais tout de même… ce n’est pas des choses à faire.

 

Mikaïl me prend contre lui et me berce. Je pense à mon abuela, à toutes ces personnes décédées, toutes celles où je n’ai pu aller à l’enterrement, qui sont enterrées ici et là, dont je méconnais l’adresse de ces cimentières. Bien sûr, penser à elles est le principal. On dit que tant qu’on pense à une personne, qu’on la nomme elle n’est pas entièrement morte. Disparue serait un mot plus judicieux. Je me détache des bras tendres et forts de mon amour et me tourne vers mes deux padawan qui ne savent sur quel pied danser. On est trois alors, je suis toujours un peu sur le qui-vive. En fait, ça n’arrête jamais.

 

-        OK ! Bon ! On va y aller. On va…

-        A Molenbeek.

-        Molenbeek ?

-        Oui. C’est un cimetière très surprenant. Tu verras. Nous pouvons aller dans d’autres, mais celui-ci est particulier. Mais d’abord… terminons de déjeuner.

 

Nous continuons à manger et petit à petit nous reprenons la discussion. Je contourne Dani qui engouffre tartines après tartines pleine de choco. Je lui donne une petite tape sur le haut du crâne.

 

-        Eh !

 

Dani se tourne vers moi et j’en profite pour le serrer contre moi. Qu’est-ce qu’il peut m’irriter, mais combien je l’aime.

 

-        Allez… et bois tout ton lait… Ce n’est pas parce que maintenant, tu vas entrer dans le monde laborieux que tu es un grand.

-        Je suis déjà dans le monde laborieux.

-        Quoi ?

-        Oui, je commence la semaine prochaine chez A-O-TECH.

-        Quoi ?

-        Oui. C’est une boîte qui appartient à Don Alonso. Je suis chargé de la développer.

-        Mais, mais… c’est merveilleux.

 

Je retourne vers lui et l’embrasse avec effusion.

 

-        Pourquoi ne me dit-on jamais rien dans cette maison ! Je suis toujours la dernière avertie. Faut fêter ça et beaucoup.

-        On s’y attaque, ma félidée.

 

Je regarde mes trois amours. Bien sûr, ils sont déjà sur le coup. Pourquoi ça ne m’étonne pas plus que ça ?

 

-        OK ! Mais ce n’est pas tout ça, magnez-vous, on doit y aller !

-        Pas encore, V.

-        Quoi ?

-        Vaut mieux aller de nuit.

-        De nuit ?

-        Oui. Ça aura plus d’impact.

-        D’impact ? Tu te fous de ma gueule, Dani ! Il est hors de question d’aller au cimetière la nuit. D’abord, c’est fermé. On ne va pas laisser se balader de nuit n’importe quel crétin pour faire Dieu sait quoi !  On va y aller maintenant… enfin après le petit dej… ensuite, nous y allons ! Et, pas de commentaires, s’il te plaît ! Tu as épuisé ton quota de ma patience, alors, hein, mollo de chez mollo !

 

Dani engouffre sa tartine comme si c’était un biscuit. Il hoche la tête et me fait le signe V avec deux doigts. Il va m’achever, ce petit !

 

 

 

40.

 

            Nous sommes à l’entrée du cimetière de Molenbeek. C’est toujours un vrai déplaisir de rouler dans Bruxelles. On a pris l’autoroute sur un bout de chemin, mais le reste s’est passé à travers les communes de Bruxelles. Je ne sais pas ce que les chauffeurs ont dans le crâne, mais la sérénité n’est pas une de leurs priorités. Heureusement que je ne suis pas au voilent, parce que ce serait concert de klaxon continuellement et un doigt d’honneur presque tout le temps. C’est plus fort que moi. Mikaïl roule et le fait avec une maestria et une tranquillité qui finit par me calmer. Glorios a fini par me prendre contre lui et à me calmer en me caressant lentement les bras et le dos. Mes padawan regardent tout avec le nez collé à leur vitre. J’imagine que cette valse apocalyptique d’allées et de venues doit être fascinante et détonante vu du côté touristique.  Je regarde les longues travées avec ses caveaux et autres pierres tombales. Mes padawan attendent que j’avance.

 

-        Vous voyez… enfin, oui, vous voyez… en fait, nous enterrons nos morts et maintenant nous incinérons nos morts. C’est ce que font le plus souvent les personnes actuellement. J’imagine que c’est un peu pour des questions d’argent. Je ne connais pas vraiment comment ça va niveau des concessions. Vous allez voir… c’est très différent d’une tombe à l’autre, mais c’est aussi un lieu où on peut se rendre pour honorer nos décédés. Les personnes le font le plus souvent le 1 et le 2 novembre.

-        Pourquoi ?

-        C’est la journée des morts et celle de Tous les Saints. La Toussaint. Et si on n’a personne enterré dans un cimetière, ça fait un jour de congé du turbin. C’est toujours intéressant.

-        C’est plus important d’avoir un congé » que d’aller dans un cimetière honorer des défunts ?

 

Je m’arrête de marcher et les regarde.

 

-        Non, ce n’est pas ça. Mais… en fait, avant les gens allaient plus souvent dans les cimetières, mais plus maintenant. Mon père disait toujours que le principal était de faire les choses quand on était vivant, une fois mort, ce n’était plus la peine. Je ne sais pas si c’est comme cela pour tout le monde. Je comprends l’idée. Pour lui, ceux qui honoraient les morts, mais qui n’avaient jamais rien fait pour ceux-ci alors qu’ils étaient vivants. Il trouvait cela très hypocrite. Enfin, aujourd’hui on parle de politiquement correct.

-        Il faut donc faire les choses quand les gens sont vivants et si on ne fait rien quand ils sont morts, cela n’a pas d’importance.

-        Non, ce n’est pas ce que je veux dire. Je dis seulement que les pratiques mortuaires sont différentes d’avant et que l’on accorde moins d’importance, à part ces deux jours ou les jours avant ou après. Je crois aussi que les croyances d’aujourd’hui, les progrès médicaux, la longévité et le fait que nous ne voyons jamais les morts, sauf quand ils sont déjà dans le cercueil nous a donné une autre manière de voir et de vivre les cimetières et ce que cela signifie. De plus… la mort reste un tabou pour la société occidentale.

-        Pourquoi ?

-        Je ne sais pas te dire, amis disons que c’est un sujet de conversation que personne, en général, ne veut avoir. Trop morbide peut-être ou alors c’est trop privé, trop proche de nous… nous avons tendance à penser que nous n’allons pas mourir et qu’en n’y pensant pas, et bien, cela ne nous arrivera pas. Et si on meurt ce ne sera que très vieux et sans doute très sénile, mais personne ne se voit comme cela. Nous pensons que nous avons vingt-ans soixante ans suivant.

-        C’est… absurde.

-        Les humains pratiquent l’absurdité et l’incohérence en passant par l’ambiguïté et le déni avec un art consommé depuis si longtemps que c’est presque devenu génétique.

 

Ils froncent les sourcils.

 

-        Vous ne préparez pas votre mort.

-        Non, enfin, peut-être certains, mais en général non. Du moins, on va dire en Occident, ou dans l’esprit occidental. Je ne peux pas parler des autres cultures humaines.

-        C’est très différent chez nous. Chaque draconite quand il se sent entrer en… décide de partir pour cesser d’exister dans le temps. Nous créons alors un espace/temps virtuel où nous mettons chaque élément qui fait partie de cette personne. C’est une sorte de « cimetière » virtuel que nous pouvons visiter tout le temps si nous désirons apprendre d’eux.

-        Waouh. Impressionnant. Ce n’est pas le cas ici. Passer un certain temps on ne sait plus qui est qui. Même les proches. C’est sans doute pour cela aussi que tout le monde va sur les réseaux sociaux et sont accro aux photos et autres vidéos de soi-même. Une manière sans doute de ne pas « mourir » complètement ». Enfin, je dis ça, je ne dis rien, mais je crois que c’est un peu ça aussi.

 

Nous avons avancé un peu, pas trop. Dani et Whouna sont partis de leur côté. Il lit les dates. Ça l’impressionne beaucoup. Whouna resplendit et a ce sourire si doux et si tendre ne voyant chaque tombe. Il est la matrice de toute vie dans l’Univers. Pour lui, chaque tombe est un être qui a été vivant et je sais que cela le touche d’une manière que je ne pourrais jamais comprendre. Il relève ses yeux vers moi avec cette aura si éclatante autour de lui. Il me sourit avec amour et c’est comme si j’étais baigné dans le soleil même. C’est magnifique et magique. Mikaïl, John et Glorios sont autour de moi. Ils ont une autre perception et compréhension de la mort. Ils existent, ne sont pas vivants et ne meurent pas. Ils pourraient, tout dans l‘univers tend à « mourir », mais pas à disparaître selon ce que disait Lavoisier. Que rien ne se perd tout se transforme. Mes trois amours seraient une bonne représentation de cette simple phrase et sans doute plus complexe loi universelle. Ils voient la mort différemment, puisqu’ils au fils des millénaires, ils ont vécu tant de décès… je ne peux même pas imaginer. Ils me serrent tous trois entre eux. Je fais de même. Nous allons être ensemble le plus longtemps possibles. Nous nous embrassons légèrement et nous détachons, nos liens de tendresse renforcée. Aiden et Declan observent tout avec curiosité et respire quelquefois aussi comme des… dragons ? Une autre manière de voir et de percevoir les choses ?  Nous arrivons devant un bâtiment.

 

-        Nous y sommes.

 

 

 

 

41.

 

L’édifice est surprenant, surtout dans un tel lieu. Quoi que rien ne dit qu’un tel édifice ne doit pas être mis là. De l’extérieur, il est monumental, blanc immaculé et clair, si clair. On pense toujours que les cimetières sont glauques, morbides et flippants. Mais ce n’est pas le cas. Il y a une grande travée surmontée d’un toit en concave. La galerie d’entrée arrive à une rotonde, sorte de rondpoint où partent d’autres couloirs. Cette rotonde a une coupole de toute beauté. Tout est blanc et c’est si beau, si harmonieux… J’ai la sensation que ce lieu magnifique rend pleinement hommage aux défunts.

 

-        Je devais aller à Molenbeek un jour, pour je ne sais plus quoi. Je me suis garée… vous avez pu constater combien il est difficile de se garer…

-        Sans parler de la pollution qui règne partout, c’est une odeur nauséabonde intolérable.

 

Je regarde Declan qui fait une moue dégoûtée et Aiden n’est pas en reste. Je ne peux pas dire le contraire.

 

-        Oui, c’est vrai. Bref… je me suis gardée devant l’entrée et là, j’ai vu que c’était le cimetière. Ça m’a intrigué et je suis entrée…

 

Je me rappelle ma curiosité et mon étonnement. Ce lieu était surprenant. Je ne m’attendais pas à ça… cet édifice si extraordinaire… J’étais émerveillée et ébahie.

 

-        J’ai passé un certain temps à marcher dans cette galerie en regardant tout. C’était un parcours un peu surréaliste. Mais je me sentais bien.

 

Nous sommes entrés et nous parcourons tout en regardant les plaques commémoratives. Je ne dis plus rien. Pas que parler risque de déranger les dépouilles, mais que dire de plus. Declan et Aiden lisent en passant chaque plaque en s’arrêtant un peu. Mes trois amours observent avec une grande attention la construction. J’oublie souvent que tous les deux ont participer à l’élaboration des premiers mastabas et puis les pyramides. Ensuite, ils sont partis en Amérique latine pour construire les autres pyramides Inca, Aztèque et autres. Ils n’en parlent jamais. Je crois qu’ils n’appréciaient pas certaines pratiques religieuses. Ils sont donc partis en Inde où ils ont aidé pour le Taj Mahal. Ils ont eu leur période tombes. Je crois que c’est en Inde qu’ils ont passé un certain temps avec Nestor, le frère de lait de Mikaïl qui a été reconverti voici quelque 3,2 millions d’années par Mana a désiré que son frère de lait le soit aussi. Mikaïl ne voulait pas laisser ce dernier à sa chance. Je crois qu’il a eu le temps de se lamenter de cette décision, même s’il aime Nestor vraiment de tout son cœur. Je le comprends. J’ai passé quelques semaines avec Nestor et je n’ai jamais été si stressée de ma vie. Quoi, je suis toujours stressée limite hystéro ? Mais pas du tout, du tout, du tout ! Bon, OK, je pète des câbles, mais vous avez vu c’est quoi mon quotidien, hein ? Ben, dès que vous avez le genre de vie que j’ai, vous venez me voir et vous me direz comment vous vous sentez. Non, mais des fois, une fois !  Et puis, mêlez-vous de vos affaires ! Est-ce que je fais des remarques sur votre taux d’adrénaline et de sérotonine, hein ? Quoi, ça n’a rien à voir ? C’est vous qui le dîtes, moi je dis le contraire, donc…  Hein ! Pour faire court, Glorios et Mikaïl sont passés à autre chose depuis quelques siècles, Nestor, pas sûr du tout ! Nous finissons de circuler dans ces couloirs si lumineux et si tranquilles et sortons. Nous regardons l’édifice depuis l’autre bout et mes deux padawan sont impressionnés. Nous avons tous le nez en l’air. En fait, Bruxelles c’est ça. Levez le nez pour voir des façades et des édifices qui défient la logique et le normal. Extraordinaire. Mais c’est ça, levez la tête et les yeux.

 

-        C’est beau et… étrange.

-        Etrange ?

-        Oui. Cet endroit est tellement plus beau que la grande majorité des bâtiments que nous avons vus partout.

-        Oui, vous avez raison. Mais ici c’est Bruxelles et Bruxelles, c’est la capitale d’Europe, mais surtout l’incohérence architecturale dans toute sa grandeur et splendeur. Si vous voulez voir un peu de cohérence architecturale, Paris pourrait être la capitale. Et d’autres…

 

 

Nous marchons dans les travées où sont les tombes et autres cryptes. Certaines de celles-ci sont bellement décorées. Souvent ce sont des tombes anciennes. Nous voyions Dani et Whouna qui sont devant quelques tombes. Whouna explique je ne sais quoi à Dani qui l’écoute religieusement. Whouna se tourne vers nous. Il sait toujours quand nous sommes là. Il doit nous sentir. Whouna, c’est… Whouna, mais aussi un détecteur complet. Une demi-heure plus tard, nous rentrons dans un silence méditatif. Les tombes, ce n’est pas rien. Ça nous renvoie à notre propre temporalité et future mortalité. Comment l’envisager sereinement sans nous sentir perturbé ?

 

 

 

 

42.

 

            Hier soir nous n’avons rien dit. Le dîner a été silencieux et réflexif. Finalement, nous sommes partis nous coucher. Ce matin, nous sommes encore un peu… dans nos pensées.

 

-        Ça ne va pas ?

Mes deux ahuris me regardent avec confusion.

 

-        Oui.

-        C’est la visite du cimetière ?

-        Non. Oui. Peut-être.

-        Peut-être ?

 

Je regarde Declan qui semble vraiment perturbé.

 

-        Quelque chose vous gêne dans ce que nous avons visité ?

 

Ils réfléchissent longuement. J’attends. J’attends encore et…

 

-        Ce n’est pas une gêne, c’est…

-        … c’est votre manière de considérer votre mort.

-        Comment ça ?

-        Vous créez des espaces de cercueils avec des dates, des noms, des lieux… vous mettez une phrase significative ou des mots ou encore une photo, mais… vous ne savez plus qui sont ces gens.

-        Leur famille le sait. Enfin, normalement. Il y a eu une guerre mondiale et je suppose que certaines familles n’ont plus eu de nouvelles ou n’ont plus su quels étaient ses ascendants.

-        Malgré cela… ces personnes sont oubliées.

-        Je… non, non… enfin… non… Qu’est-ce que vous voulez dire ?

-        Vous enterrez vos morts où les incinérer, puis ils se perdent dans l’oubli. Ils n’existent plus jamais, même le souvenir des leurs finit par s’estomper dans la famille. Comme si les plus jeunes n’avaient pas d’ascendants.

 

J’ouvre la bouche. La referme. En fait… ce n’est pas faux.

 

-        Vous avez raison, mais… notre espérance de vie est si courte par rapport à la vôtre que… oui, passer quelques générations, on ne se rappelle plus de nos ancêtres.

-        Ce n’est pas une raison. Vous devriez avoir une base de données familiale où serait mis tout ce qui est ces personnes.

-        Une base de données familiale ? Mais… comment vous…

-        Dani nous a expliqué le fonctionnement d’Internet et des bases de données. D’ailleurs il nous a fait un compte email et ouvert un compte chacun sur Instagram et sur Facebook ?

 

Je les regarde en écarquillant les yeux.

 

-        QUOI ?

 

Je pousse un tel cri que Glorios, Mikaïl et John, qui sont en plein conciliabule depuis l’aube, arrivent dare-dare ainsi que Whouna qui s’est mis au jardinage avec Monsieur Gaston. Je ne veux rien savoir.

 

-        Que se passe-t-il, mayame ?

-        Où est DANI ?

 

 

 

43.

 

-        Yo, V.

 

Dani arrive comme d’habitude, la nonchalance incarnée ;

-        YO V, YO V, YO V ! Tu n’as rien à me dire ?

-        Non, j’e t’ai dit que j’allais commencer à travailler officiellement dans deux semaines dans une des entreprises de Don Alonso… ‘en fait, je vais la rendre opérationnelle…

-        Merci de me le dire ! Pourquoi suis-je toujours la dernière au courant, hein ? Je suis la cinquième roue du carrosse, c’est ça ? Eh bien, je ne vais pas carburer longtemps comme ça, je peux vous le dire ! Et j’exige de savoir tout ce qui se passe dans cette maison ! C’est bien compris ?

 

Mes trois amours arrivent et se posent contre les murs dans une pose détendue et l’air vaguement goguenard. 

 

-        Tu veux savoir tout ce qui se passe dans cette maison, mayame ? Vraiment ?

 

Je me tourne vers Glorios en plissant les yeux.

 

-        Pourquoi ? Vous avez des choses à cacher tous autant que vous êtes ?

 

Chacun se regarde, le visage neutre. Ils ont§ raison. Vu comme je suis remontée, comme un coucou, c’est mieux.

 

-        Dani… tu as donc ouvert un compte sur Facebook et Instagram pour Declan et Aiden ?

-        Oui, V.

-        Mais, mais, mais… tu, tu, tu… mais où as-tu la tête ? Mais… ils sont dragons… on ne met pas ça sur Facebook et Instagram… Et vous ? Que va dire votre père et votre gouvernement ? Le secret est primordial, enfin !

-        Nous n’avons pas de gouvernement, Vera.

-        Peu importe le nom donné, instances législatives, Haut Comité des Draconite, Ministère des Affaires Draconite…

-        Nous avons Les Anciens qui régissent notre société.

-        Ben voilà… vos anciens ne vont pas apprécier que vous soyez sur des réseaux sociaux…

-        Ils ont accepté. Don Alonso leur a présenté cette initiative en détail et ils ont été convaincu. Nous avons leur aval.

-        Ah ben si vous avez leur aval, j’ai plus qu’à m’incliner ! Mais enfin… c’est insensé…

 

Dani s’approche de moi et me prend par les épaules dans un geste tendre et apaisant. Il a encore grandi ? Enfin, normal, il risque encore de grandir vu son âge et…

 

 

-        V. Don Alonso a créé des comptes pour les Outre-Vivant avec des protections et des pare-feu particuliers.

-        Qu’on puisse craquer aussi si c’est un as du craquage !

-        Eh V… Don Alonso, c’est BH.

-        BH ?

-        Big Hacker ! Y’a pas meilleur que lui.

-        Y’en a toujours un qui peut être mieux. 

-        Non, V. Don Alonso connait tous les trucs. Te bades pas, V. Don Alonso assure grave !

 

J’ai des doutes, mais plus encore de l’inquiétude pour mes deux ahuris.

 

-        V… tu dois leur montrer comment est la société humaine… les réseaux sociaux, c’est aussi la société…

 

Je regarde ce visage qui est de moins en moins adolescent. Dani, le petit Dani.

 

-        Vu comme ça…

-        V, te bades pas. Je vais être là et tous. Il faut avoir confiance en eux, V. Si Don Alonso ne les pensait pas cap de s’occuper des réseaux sociaux, ne l’aurait pas fait le nécessaire.

-        Pas faux ! Comme je connais Don Alonso, la paranoïa est encore une forme de conscience pour lui.

 

J’entends un petit rire étouffé. Mes deux CV et mon CF s’amusent. Ne perdent rien pour attendre.

 

-        Bon, puisque ces MESSIEURS ont l’air de se marrer… où ça en est pour la fête de Dani ?

 

 

 

 

43.

 

            Nous nous installons dans la véranda. J’ai besoin de me transater un chouïa. Mes amours s’installent sur le transat qui semble plus large. Si les objets commencent à changer de forme, je ne vais pas y arriver. J’ai besoin de…stabilité. Mais chez les Outre-Vivant… ce n’est pas ça ! Quoi ? Je ne suis pas la seule ? Et j’ai dit le contraire ? Non, ben à chacun… son instabilité ! Na ! Mes padawan sont partis avec Dani pour peaufiner leurs comptes. J’ai encore des doutes. Mais comment ignorer l’impact et l’importance qu’ont les réseaux sociaux dans la société actuelle ? C’est comme de dire qu’Internet n’est pas omniprésent dans la vie de tout le monde. Aussi… d’une certaine façon, c’est bien que Dani soit là pour les briefer et aussi Don Alonso. Je sais que ce dernier sera attentif à ce que rien n’arrive à mes ahuris. Pas que je n’ai pas confiance en eux. Ils m’ont démontré être observateur, compréhensif, attentif, réfléchi, empathique, sensible et débrouillard aussi. Ils ont aussi l’âge requis pour prendre leur vie en main dans notre société. Et je serai là et Mikaïl et… bref, le nombre de personnes qui vont l’aider et le soutenir est très étendu. Je pense que mon rôle après la fête sera officiellement terminé. Mais officieusement ils sont devenus partie de ma famille pour… pas mal de temps. Je ne vais pas dire éternellement, vu mes compagnons, le terme a un pour moi un peu… différent. On ne peut plus faire comme si la société n’était pas informatisée. J’imagine que pas mal de monde Je lis le menu que Mikaïl a préparé pour la fiesta de Dani. Pour les invités… on a délégué à Dani. Après tout c’est sa fête. Toutes ces préparations me donnent l’eau à la bouche. Mikaïl a n tel talent et ses préparations sont toujours si parfaites. Je relève la tête. Je les regarde affaler autour de moi, leurs magnifiques yeux me caressant et m’aimant. Je les aime aussi. Mais… ce n’est pas le moment. Je suis fâchée avec eux… enfin, je crois.

 

-        Non.

-        Quoi, non ?

 

Mes amours froncent les sourcils. Pour une fois j’ai l’avantage, je n’ai pas pensé en mots ce que je pense du menu. Enfin, pas de tout. J’ai bien vu les splendides mirettes de mon aimé briller de plaisir. Mais là, il a le regard qui frise. D’inquiétude ?

 

-        Non. C’est parfait, bien sûr que ça l’est… comment ça serait autrement, d’ailleurs ? Mais non.

-        Tu peux être plus explicite, ma féline ?

-        Oui.

 

Je ne dis plus rien, ni pense plus rien. Na ! Glorios rampe sur moi.

 

-        Je suis sûre, yamanahe, que tu meures d’envie de nous en dire plus.

-        Enfin, mourir, sans doute pas, mais envie… envie… envie… tu peux encore ramper un peu plus sur moi, ça me donne envie…

 

Glorios a ce petit rire qui me fait gladaladou partout. Je me penche vers lui et approche sa bouche de la sienne.

-         Tu peux me le dire, yamanahe, je suis certain que tu y prendras du plaisir…

 

Et on s’embrasse et… Carré blanc hype immense ! Nous nous déprenons sous le regard luisant de désir de mes deux amours. Je me cale contre Glorios qui a réussi à me ramener dans son giron où je me lève avec bonheur. Je soupire.

 

-        Bon, OK ! J’ai dit non, parce que c’est une fête humaine. Donc, des tas de stud à grignoter qui ne sont pas forcément très bons pour la santé, mais addictifs à donf et qui croustillent et craquent sous la dent assaisonnée avec des goûts improbables, des boissons à bulles, pas alcoolisé en partie. Sauf que bon, y en aura, sûr ! Vous voyez le genre ?

 

A la mine dégoûtée et vexée de Mi, je vois qu’il voit très bien. Mais… c’est la fête de Dani et les fêtes des jeunes de ce que je sais, c’est plutôt ce genre de menu et pas celui de Mikaïl. Dommage !

 

-        Mais bien sûr tu peux en parler avec Dani. C’est sa fête et je sais qu’il adore ta  cuisine, Mi.

 

Il s’approche de moi et me prend le visage dans sa grande paume.

 

-        Tu sais que tu es l’âme de cette maison, mayame ?

-        Sur quel périmètre au juste ? Parce que la maison n’arrête pas d’avoir des extensions…

-        Extensions comprises.

-        Okido !

 

Et… le reste ne vous regarde pas ! On a le droit de se réconcilier comme on veut, hein !

 

 

 

 

 

44.

 

            Je ne veux pas me souvenir des derniers jours. Je ne sais pas qui aime organiser des fêtes, mais pas moi, c’est sûr ! Quoi ? Les entreprises qui organisent des fêtes ? Quelqu’un vous a sonné ? Je ne veux pas le savoir ! Donc après des milliers de tergiversations et des changements, Dani a fini par trancher et Mikaïl s’est chargé de tout. Je suis béate et admirative à donf. Glorios a aidé aussi et John pas trop. Il a dû faire un aller/retour pour des affaires de Lycos. Je connais Jostard, leur Chef de Meutes, il n’aurait pas demandé à John de venir si ce n’était pas absolument nécessaire. Je me suis tenue à carreaux et hors du chemin. Je ne suis pas de très grande utilité à ce niveau-là. Finalement, Dani a compté 177 invités. Je ne sais pas très bien où il a trouvé tant de monde. Pour l’espace, je ne m’inquiète pas. La maison va bien trouver des mètres carrés disponible. Je ne maitrise rien, mais la maison encore moins. Et voilà, on y est. Je fais le tour de la grande pièce. Je ne savais même pas qu’on avait l’équivalent d’une salle de fêtes dans la maison. Ai-je un château et je ne l’ai jamais su ? Qu’on ne compte pas sur moi pour être la princesse, alors ! Cette idée de tréteaux est super bien pensée. Ils en ont mis partout avec des petites aires où on peut s’assoir. J’aime bien. On attend les convives dans une heure. J’ai le trac à donf, quoi ! Deux bras enserrent ma taille.

 

-        John ?

-        Ma féline… tu erres ici comme une âme en peine. Qu’y-a-t-il ?

-        Tu n’étais pas en Irlande ?

-        Je suis revenu. Je ne pouvais pas manquer la fête de Dani. Tu peux être fière de toi, ma belle.

-        Pourquoi ?

-        Dani est devenu une magnifique personne.

-        Je n’y suis pour rien. Il l’était déjà quand nous l’avons rencontré.

-        Sans aucun doute, mais tu es quelqu’un qui apporte beaucoup.

 

Je tourne mon visage vers mon p’tit loup. Il est si séduisant. Je l’aime tant.

 

-        Moi de même, ma féline. Viens… je t’ai acheté un cadeau. L’amphitryonne ne doit pas arriver trop tôt à une fête.

-        Pourquoi ?

-        Parce que tu peux te le permettre.

-        Mais c’est la fête de Dani et c’est lui l’amphitryon.

-        Mais la fête est chez Vera Lux et tu es connue.

-        Tu crois ? C’est boloss, ça ! Même si je suis connue, c’est la fête de Dani, donc, je ne suis pas dans l’équation.

 

 

John a ce petit rire lupin qui m’émoustille toujours et je me laisse entrainer par lui avec plaisir. Un cadeau ? J’aime bien les cadeaux. Une heure et demie plus tard, je descends. John est au téléphone et il semble qu’il en a pour un moment. Pas simple. Je dois dire qu’il n’y a pas beaucoup de bruit qui filtre. En fait… aucun bruit. J’imagine qu’ils ont fait quelque chose pour remédier au brouhaha qui résulterait d’une telle foule en liesse. Enfin, j’imagine. Mais dès que j’entre par les portes battantes…des portes battantes ? Oh, bon sang ! Far West ? Espérons qu’il n’y aura pas trop de rodéos. Dès que je mets un pied dans la pièce, je suis assaillie par le va            carme, la musique… moderne, je ne peux pas dire autrement, je ne connais pas le genre, je suis restée bloquer aux musiques des années 1980. Je fais quelques pas. Je vois des tas de gens que je connais. Des Outre-Vivant. Des vampires. Ceux de notre famille, Glorios qui parle avec animation avec certains de ses enfants. Enfin, enfants… il les a pris sous sa coupe. Il y a aussi Tianalampa qui parle avec Whouna. Dans un coin, j’entends les fous-rires exaltés des compagnes de mes vampires préférés. Ranita n’a pas pu venir, mais je sais qu’elle a eu une longue conversation en vidéo conférence avec Dani. J’ai eu la même avec elle, avant-hier. Puis l’immense majorité. Je ne les connais pas, mais vu leur âge qui doivent avoisiner celui de Dani, j’imagine que ce sont les amis et les amis des amis des amis de Dani. Tout le monde festoie. Je relève la tête. Dani. Il a encore grandi. C’est dingue !

 

-        Dani.

-        Yo, V.

-        Tu es content de ta fête ?

-        C’est une fête oufissime, V ! Merci !

 

Il me prend à bras le corps et me serre très fort contre lui. Je lui rends son étreinte. Mon petit hacker. Il est devenu un homme et je ne l’ai même pas vu. Pour moi, il reste le petit ado qui jouait dans Whouna croyant être dans un jeu vidéo. Il était si trognon.  Bien sûr, je ne vais jamais lui dire ça, c’est facilement froissé à cet âge-là. Il me lâche.

 

-        V… j’t’aime vraiment fort ;

-        Moi…

-        Hé, Dan…

 

Un groupe de filles et de garçons l’entraînent avec enthousiasme. Je le regarde partir en souriant. La fête va battre son plein et battre des records de plaisirs. Deux bras m’enserrent la taille. Un nez furète dans mon cou et je serre mes mains sur les siennes.

 

-        Tu aimes ton cadeau ?

-        Je ne t’ai pas assez remercié ?

-        Pas suffisamment.

-        Oulah, alors je suis en dette avec toi. Je paie toujours mes dettes…

-        Je te prends au mot !

 

Une minute et un baiser profond plus tard, nous nous mêlons aux fêtards. Je crois que tout ça va me plaire.

45.

 

            Voilà trente-six heures que la fête de Dani est finie. Elle a commencé en soirée et a fini au petit matin. J’ai tellement trinqué avec les convives… je ne savais pas qu’il y avait tellement de monde qui voulait boire un verre avec moi. Du coup, politesse oblige, j’ai bu plus que de raison et le résultat, je suis dans la véranda devant le fabuleux jardin vivant créé par Monsieur Gaston. Quand je dis vivant, il a planté des plantes vivaces et celles-ci ont une certaine vie dès la nuit tombée. J’ai eu la peur de ma vie quand j’ai vu que les fleurs et autres plantes commençaient à bouger et à faire des choses de… plantes. C’était… fascinant et terrifiant. Du coup, je suis au spectacle, en pleine nuit et en plus il y a une pleine lune. Tout est donc… féérique ; Bonjour le cliché ? Sûr que si vous n’avez jamais admiré la lune, vous ne savez pas de quoi je parle, donc… la ferme ! Je me sens vraiment vaseuse, genre comme su un bateau en pleine tempête. Ça gite. J’ai pris quelque chose que m’ont donné mes amours. Ils n’ont pas la possibilité de s’enivrer, mais ils ont existé suffisamment longtemps pour connaitre pléthore de remèdes. Mon transat s’affaisse sur trois côtés.

 

-        Comment vas-tu, mayanahe ?

-        Mourante !

 

J’entends un petit rire. Ce CV de Glorios !

 

-        Tu peux rire, mais c’est horrible.

-        Je sais, mon aimée.

 

Mi me prend contre lui et je me laisse aller. C’est si bon ! Je jure solennellement de ne plus boire une goutte d’alcool ! John me met un verre devant la bouche.

 

-        Bois, ma féline ! Tu as besoin de t’hydrater. Tu iras mieux demain matin.

-        Puisses-tu dire vrai !

 

Il me masse les jambes et surtout les chevilles et la plante des pieds. Il a passé presque un demi-siècle à étudier avec des chamanes et d’autres soignants. Il a pas mal d’aptitude dans le domaine, même s’il n’en fait pas étalage. C’est aussi une des raisons pour lesquelles il est si souvent sollicité chez lui. Les Lycos ne sont pas malades comme la majorité des Outre-Vivant, mais ils sont, comme tout être vivant ou existant, sensible à l’environnement, aux émotions et aux sentiments, ainsi qu’aux autres, les proches et les moins proches. Cela suscite des troubles, des soucis et John peut trouver une solution ou un remède. Chaque fois qu’il part, je comprends, mais il me manque tellement. Il me calme. Je me sens… plus entière quand il est là. Mais je comprends. C’est quelque chose de primordial. Black-Out !

            J’ai bien dormi. Nous avons déjeuné et je dois dire que le silence qui nous a réunis fait un bien incroyable. Nous avons décidé de nous promener, parce que nous sommes vannés littéralement. Dans le quartier, puis un peu plus loin. Au Parc de Forest et au Parc Duden. Mes deux padawan hument les arbres et l’air dans les endroits les plus ombrageux. Je sens qu’ils ont besoin d’être dans de tels lieux. Même si les parcs en ville ne sont pas aussi purs qu’en d’autres endroits, ailleurs. Chez eux ? Je ne peux pas dire, je n’ai jamais été là-bas. Ils continuent à marcher, à sentir, à humer. Je suis à peu près. Je ne suis pas très pédestre. Une vraie fille des villes. Ça me plait de me promener, mais je n’ai pas le pied léger. Nous nous arrêtons et après m’avoir jeté un bref regard, ils s’assoient sur un des bancs qui longent les allées. Merci ! Nous prenons place. Mes amours sont à leurs affaires. Ce n’est pas toujours évident de les avoir près de moi. Ils ont de lourdes charges chacun, même si maintenant Glorios a pris Ranita, ma presque sœur, ma meilleure amie comme bras droit. Il a bien délégué et cela me réjouit beaucoup. Je peux avoir mon CV d’amour avec moi plus souvent. Pour Mi, c’est plus compliqué. Il est le juge des affaires des vampires et des Outre-Vivant en général. Il prend très à cœur sa tâche. Donc, déléguer, c’est pratiquement impossible. Mais bon… On a pas mal de moments ensemble. Depuis que je suis ma chef de service – Madame Vandermeulemans est en congé maladie longue durée- et mon unique employée, c’est plus facile de me porter pâle. Faut bien que ce magnifique boulot ait ses avantages extra. 

 

-        Nous voulons te remercier de ce que tu as fait pour nous, Vera.

 

Je me tourne vers Declan.

 

-        Avec plaisir, Declan et Aiden. Je suis très heureuse d’avoir pu vous aider. J’espère que cela a été instructif.

-        Très.

 

Je leur souris.

 

-        Demain, mon père a préparé une petite fête pour vous remercier. Nous vous ferons visiter notre monde.

-        Oh, merci. Mais ce n’est pas nécessaire.

-        Cela l’est et nous insistons.

-        Inutile, j’accepte. De vous à moi… je suis très curieuse de voir comment c’est chez vous.

-        Tu risques d’être déçue, Vera.

-        J’en doute, Aiden.

 

Ils mer sourient. Une demi-heure plus tard, nous rentrons à la maison.

 

 

 

 

 

46.

 

               La fête. Mais d’abord leur ville. Waouh ! Je ne suis pas du tout déçue.

 

-        Si cela te convient nous allons voir la ville, les endroits les plus particuliers et puis nous irons dans le Cercle pour la fête. Nous avons créé un nouveau spectacle de Feurye.

-        Féerie ? Vous avez des fées dans le spectacle ?

 

Ils éclatent de rire. Ils me sourient pleinement avec douceur et affection.

 

-        Feurye, comme dans feu…

-        Oh, bien sûr.

-        Bien sûr, il y aura des Faes, mais ils seront dans le public. Nous y allons ?

 

Je cherche du regard Mi et Glo qui m’accompagnent. John arrivera plus tard avec Dani et Whouna.

 

-        Je vous suis !

 

La ville est… époustouflante, ya pas d’autres mots. En fait, elle est à taille humaine, mais ils ont fait des aires couvertes et ouvertes où ils peuvent se transformer. D’après Declan, c’est conçu pour les jeunes et leur transformation qui n’est pas toujours réussie. Ils ont ainsi l’occasion de s’entrainer près de chez leurs parents ou associés.

 

-        Associés ?

-        Oui. Les petits sont sous la responsabilité des adultes en général et de personnes qui deviennent des parents de substitution durant un temps. C’est pour cela que nous avons plusieurs mères ou/et pères.

-        Un peu comme les familles aujourd’hui.

-        Comment cela ?

-        Et bien avec les divorces ou séparations, les parents prennent de nouveaux compagnons et donc les enfants ont alors plusieurs mères et pères, de fait.

-        Les parents ont plusieurs compagnons vivant ensemble ?

 

Je regarde Aiden en fronçant les sourcils.

 

-        J’ai mal formulé… quand les parents d’un enfant se séparent, ils refont leur vie souvent avec un partenaire différent et les enfants vont donc vivre avec ce nouveau compagnon de la mère et du père.

-        Oh, je comprends.

 

Nous continuons à nous balader. Les personnes que nous croisons les saluent amicalement, avec tendresse certains. Ils se touchent souvent mains, épaules, bras, joue, cheveux. Très tactiles. Ils me présentent avec tellement de fierté dans leur voix que je passe par toutes les couleurs du rouge. Ils finissent par m’étreindre et je ne sais plus où me mettre. Aiden comprend ma gêne et écourte les présentations avec tact et délicatesse. Je le remercie à chaque fois d’un sourire et d’un regard reconnaissant. Les rues sont assez larges, mais elles réussissent à paraître des chemins de village. Tout est si convivial et familial. Je me sens très bien ici. Il y a aussi pas mal d’auberge, de terrasses de café, bars ou restaurant. On sent qu’ils aiment se réunir. Puis il y a de grands espaces avec des toits en verre. Protégeant, mais laissant passer la lumière. En fait, ils aiment avec des espaces clairs d’où les toits en verre.

 

-        Et le soleil…

-        Ces verres sont conçus d’une matière qui ne réchauffent pas les espaces, ils couvrent, mais gardent la température du temps partout.

-        Il n’y a pas de serrure aux portes…
Pas besoin. Nous nous connaissons tous et si quelqu’un voulait entrer par effraction, nous sommes tous des armes létales.

-        Wep ! Sûr ça !

 

La petite ville est assez grande, aussi, nous prenons une voiturette. Elle utilise une sorte de carburant qu’ils ont créé spécialement, non polluant et adapté à leur espace. Je n’ai pas demande de précision, je n’y comprendrai rien. Mi et Glo sans doute oui, ils sont assez branchés véhicules et tout le toutim. Nous parcourons plusieurs kilomètres entre des champs, des corps de ferme, des commerces qui sont comme des marchés et aussi d’autres vallées, lacs et grottes. Ils aiment les grottes. C’est un peu comme des secondes résidences. Ce sont des dragons, hein…  Le tour prend encore une heure. Ce qui me surprend, c’est que tout est pensé pour vivre au sol et dans les airs. Ils ont conçu aussi des espaces, des bâtiments pour leur forme draconite. Tout est si harmonieux et lumineux.

 

-        Nous aimons le feu et la lumière. Si tu es prête, nous allons à la Feurye.

-        Je vous suis.

 

Comme la fois d’avant nous sommes dans un espace immense, une sorte d’amphithéâtre, mais gigantesque. Toute la ville semble être là. Il y règne un brouhaha assez jouissif. Mes amours me rejoignent et nous prenons place à une tribune qui semble avoir été place en notre honneur. Dani, Whouna sont également là. Un homme très grand et massif entre et se place sur une autre tribune. On dirait qu’il est le chef ou le maire ou… je ne sais pas comment on dit dans leur société prend la parole.

 

-        Nous sommes ici, tous ensembles, dans le bonheur et la joie pour remercier et rendre hommage à Vera Lux et ses compagnons pour avoir pris soin de nos enfants privilégiés.

 

D’un même mouvement, tout le monde se lève et nous applaudit chaleureusement. Oh bon sang ! Je n’aime pas ça du tout. Dani passe son bras sur ma taille et me ramène contre son corps. Cela me calme. Tous se rassoient en nous regardant.

 

-        Et maintenant, place à la Feurye.

 

Dès que l’homme prend place après un profond salut à notre encontre, l’obscurité se fait. Je me tiens au bras de Dani. Glorios me prend sur ses genoux et je m’y love. Dani me caresse le bras et cela me rend plus tranquille. Des longs jets de feu se croisent dans l’air faisant une figure particulière. La lumière revient peu à peu, suffisamment pour que nous voyons plusieurs dragons se croiser et se recroiser dans un ballet majestueux et fascinant. Au fur et à mesure qu’ils volent, une sorte de figure commence à se dessiner dans l’air. Les allées et venues se font de plus en plus vite de telle sorte que les flammes deviennent statiques. Après une dizaine de minutes alors qu’il devient difficile de les voir léviter et voler. Quand les vols s’arrêtent lentement, la figure est complète. Il s’agit d’un dragon aux ailes déployer qui flamboie comme une torche et qui semble se mouvoir et être aussi vivant que les dragons qui l’entourent, restant en position statique. Lentement la figure brûlante s’estompe et le public tout entier explose en applaudissements et sifflements enthousiastes. Les dragons font encore quelques pirouettes et autres arabesques avant de partir dans les airs et de disparaître. La lumière revient progressivement. Le reste de la veillée se passe à boire et à manger et à parler avec tout le monde. Quand nous rentrons sans nos padawan qui doivent préparer leur déménagement pour leur aménagement dans un logement que Mi a trouvé pour eux, l’aube est sur le point de poindre à l’horizon. Nous entrons, je n’ai qu’une envie m’étaler en étreignant mon oreiller et par me laisser étreindre par mes amours. Je suis magnifiquement vannée. La porte du salon s’ouvre. Mana apparait.

 

-        Mana.

-        Oui.

 

Je lui saute au cou. Je ne me demande même pas comment il est là. Ma maison est un moulin sans aube.

 

-        Je suis très heureuse que tu sois là.

-        Moi de même. Je vous ai attendu. Leanna et Timoti sont partis prendre du repos, tu les verras tout à l’heure, ils ont hâte.

-        Moi aussi.

-        Je ne vous retiens pas plus. Nous parlerons tout à l’heure. J’ai besoin de ton aide Vera Lux pour un ami très cher qui ne peut le faire directement. Allez prendre du repos. Tu as l’air épuisée, ma petite fille.

-        Oui, c’est vrai.

-        Allez-y, je vous rejoins.

 

Je regarde Glorios. J’hoche la tête. Mana me serre dans ses bras avec tout cet amour qu’il a pour moi et que j’ai pour lui. C’est toujours si bon de l’avoir près de moi. Nous nous déprenons, il me caresse le visage. Mikaïl me prend dans ses bras. J’apprécie. Quand nous sommes sur les dernières marches du premier escalier, je regarde vers le bas, salue Mana qui nous regarde monter. Je vois encore Whouna arriver près de Mana avec un Dani dans ses bras. Puis… Black-Out !

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